En quête d'amour maternel

Toute histoire commence un jour, quelque part... Maman me hurlant dessus parce que le linge n’était pas très propre marque le début de la mienne.
Dans notre culture, une fille reflète l’investissement humain de sa mère dans son éducation. Aussi, on attend de la fille aînée qu’elle soit parfaite afin de pouvoir prendre la relève auprès de ses petits frères et sœurs si les parents venaient à mourir tôt donc de nature y a pas de pitié pour elle. C’est ainsi que la culture a beaucoup influencé l’éducation que j’ai reçue.
Ma mère était très dure avec moi. Elle l’était à un point tel que je me demandais si c’était vraiment elle qui m’avait mise au monde. Nous vivions à Dakar et à cinq ans, je ne savais ni balayer, ni faire la vaisselle. Je pouvais à peine me laver proprement alors que mes cousines du pays (le Togo) étaient déjà très habituées à ces tâches domestiques. Du coup, il a bien fallu que ma mère se rende à l’évidence et prenne conscience que j’étais en retard par rapport aux autres filles de mon âge et qu’elle rectifie le tir. C’est ainsi qu’elle a commencé à m’apprendre de nouvelles choses telles que faire le ménage, le linge, les courses, la cuisine, la couture, le tricot, le bricolage etc... Quand j’y repense, j’ai l’impression que c’était au Moyen-Âge tellement elle était rigoureuse. Elle ne me montrait aucune preuve d’amour au contraire l’indifférence était sa mine de tous les jours.
C’est elle aussi qui suivait ma scolarité jusqu’en cinquième c’est-à-dire en deuxième année du collège pour s’assurer que je sois bonne élève comme elle aimait me le répéter. Je me rappelle qu’au primaire, personne ne s’intéressait à la moyenne. En tant qu’enfant, nous voulions juste savoir qui était premier et comme j’excellais, je ne m’en suis jamais vraiment souciée ; du moins jusqu’en classe de CE1. Cette fois-là encore, j’étais première de ma classe, avec une moyenne de 8/10. J’étais heureuse comme toujours et j’espérais la rendre fière de moi du coup j’avais hâte de lui montrer le bulletin. Cependant, mon bonheur ne fut que de courte durée car loin d’être contente et fière de moi, maman m’a hurlée dessus car selon elle j’avais baissé étant passée de 9/10 à 8/10. J’étais très déçue et vraiment triste aussi. Elle revêtait ainsi sa tenue préférée c’est-à-dire celle d’une dame de fer fière et orgueilleuse et les conflits dans sa vie de couple n’arrangeaient pas les choses.
En terminale, quand j’ai compris que toute la famille retournait au Togo et que moi je restais à Dakar, je croyais être au bout de ma vie. Avant de partir, maman m’a confié que son premier enfant, une fille aussi, née un an avant moi n’a pas vécu vingt-quatre heures. Ça a été un vrai cauchemar pour elle et rien que d’en parler la rendait triste. J’étais vraiment désolée pour mes parents car je me disais que ça n’a pas dû être facile pour eux de surmonter cet obstacle de la vie. Elle m’a aussi avoué qu’à ma naissance, elle m’avait vraiment chouchoutée de peur que je ne meure moi aussi. Elle m’a trop couvée et cela a duré jusqu’à mes quatre ans. Quelques jours plus tard, c’était l’heure pour la famille de partir. Au pas de la porte, elle m’a juste dit : tu es ma fille aînée je sais que tu pourras le faire. Cette phrase, aussi banale qu’elle puisse paraître, valait pour moi tous les câlins manqués, toutes les confidences, tous les bisous d’une vie en somme toute la tendresse maternelle que je n’ai jamais reçue.
Je me retrouvais ainsi seule, en préparation d’examen en l'occurrence le Baccalauréat et maîtresse de moi-même à seulement 17ans. Mais les mots que m’avait confiés maman au pas de la porte me motivaient. C’est comme ça que je me suis préparée pour mon examen. C’était dur car j’avais beaucoup de choses à apprendre et j’avais plus que jamais besoin de soutien et d’affection sauf que je n’avais ni l’un ni l’autre. Cependant, j’avais toujours confiance en mes capacités. Je priais Dieu pour qu’il me donne la mention Bien comme ça maman serait fière de moi. Le jour des délibérations arriva et tous mes camarades étaient accompagnés de leurs proches c’est ainsi que mon esprit en profita pour me rappeler ma solitude et mon manque d’affection maternelle. Le stress montait et je n’avais personne pour me réconforter. Le président du jury, debout deux étages plus haut, se tenait devant nous avec ses feuilles et s’apprêtait à proclamer nos résultats. Il commença à lire les noms des admis à haute voix et à chaque fois qu’il prononçait un numéro de table qui n’était pas le mien, mon cœur bondissait plus fort dans ma cage thoracique. C’est ainsi que j’entendis mon nom : Malida KOMINE, Mention Passable. J’étais soulagée d’avoir réussi mais très vite mon esprit décortiqua l’information. « Passable » : donc je n’ai pas eu la mention. Je ne pouvais m’empêcher de penser à la déception de maman. J’étais sûre qu’elle allait comme toujours me réprimander et je me sentais vraiment mal pour ça. Perdue dans mes pensées, je ne m’étais même pas rendue compte que l’ambiance autour de moi avait changé. Tout d’un coup, j’ai perçu une voix féminine en train de m’appeler et quand je me suis retournée, c’était le choc total. Je m’attendais à être grondée car je n’avais pas la mention jusqu’à ce que je vis une lueur spéciale dans ses yeux ; la FIERTE. La scène qui s’offrait alors à mes yeux fut des plus embarrassantes. Elle se tenait là, à quelques mètres de moi les larmes aux yeux. Dans ma tête, c’était un vrai champ de bataille; j’étais perdue. Je me suis mise à regarder de gauche à droite ne sachant pas comment me comporter face à cette situation assez nouvelle. Puis, sans crier gare, je m’avançais et pris maman dans mes bras. C’était l’extase ! J’étais partagée entre l’embarras de voir ma dame de fer se réduire en argile, la joie de la revoir, la tristesse de la voir pleurer et les larmes de bonheur que me procurait ce câlin tant attendu. Aussi, j’étais surtout soulagée d’avoir réussi pour une fois à rendre maman fière de moi.
Et même si aujourd’hui, 2ans plus tard, il y a toujours de la réserve et des moments de confusion, je suis persuadée que je pourrai toujours compter sur maman et qu’elle m’aime plus que tout au monde et c’est le meilleur cadeau que je puisse avoir. C’est l’essence même de ma vie.
Plus rien ne sera comme avant ; une nouvelle vie commence pour NOUS mais ça c’est une autre histoire.