À l'encontre de soi

Toute histoire commence un jour, quelque part. Pourquoi pas dans la rue, dans un bus, dans un hôpital, ou dans l’imaginaire! A vrai dire partout où tu poses ton regard, où tu mets les pieds, dans les endroits, les moments où tu t’y attends le moins, là commence une histoire qui va te marquer à vie, une histoire qui va changer la personne que tu étais pour y laisser la pire ou la meilleure version de toi-même.
C’était un jour, un matin comme tous les précédents, le quatrième jour de la semaine, je suivais la même routine que la plupart des jeunes de mon âge, de mon pays, c’est à dire se réveiller, prendre une douche, un petit déjeuner si tu as eu cette chance bien sûr parce que dans mon cher pays ce n’est pas tout le monde qui a ce privilège. Je me suis dépêchée, le bus scolaire m’attendait, il ne fallait surtout pas être en retard le premier jour de la rentrée. J’étais une fille mélancolique un peu solitaire, je suis entrée dans le bus, je lisais le genre de roman magique qui donne l’impression d’être dans un autre univers, d’être seul au monde, on oublie tout pendant un instant. Hélas! La magie ne dure pas longtemps, on retourne dans la vraie vie, celle qui est belle pour les uns et merdique pour les autres. Je suis sortie du bus et le Directeur, un monsieur barbu, élancé, le teint clair et la tête rasée, est venu me guider avec un sourire aux lèvres. Il était plutôt charmant pour son âge, à peu près la soixantaine, il m’a montré une salle de classe, j’ai pris place et comme je m’y attendais y avait des visages inconnus qui m’observaient. Je ne me suis jamais sentie plus seule que ce jour-là, le jour qui a changé la routine de mes cinq années suivantes, le jour où toute l’histoire a commencé.
C’était un gars sanguin, beau, cheveux bouclés, un teint clair, les yeux noirs, environ un mètre quatre-vingt, sympathique, avec un grand cœur et un peu timide. Je pense qu’il était le seul à avoir remarqué que j’étais seule.
Un bonjour attentionné, il m’avait juste demandé pourquoi j’étais seule.
Bien sûr que c’était une question un peu bête. Sur mon visage on pouvait lire : tu ne vois pas que je suis nouvelle le con !
Mais ne vous inquiétez pas je n’ai pas dit ça. Avec un petit sourire j’ai répondu: « je connais personne voilà pourquoi ». Moi qui haïssais déjà les personnes qui osent m’interrompre dans mes précieux moments de solitude, je sentais déjà qu’on n’allait pas s’entendre celui-là aussi gentil qu’il pouvait être, mais bon ; juste pour ne pas paraître comme une diablesse dès le premier jour.
Innocent qu’il était, il a cru à mon sourire hypocrite pour ne pas dire forcé. Il a répondu : « maintenant tu me connais non ! Je suis là pour te servir vingt-quatre heures m’dam ». Avant même qu’on n’eut terminé notre discussion la cloche avait sonné.
« Vous pensez que je l’ai laissé continuer ! Mais non ! » Je n’étais pas l’une de ces filles bien éduquées. Il commençait à peine d’épeler les derniers mots que je lui avais tendu la main.
 A plus monsieur, je dois y aller.
 A demain m’dam...
J’étais déjà loin, il a dû crier pour que je puisse l’entendre.
Le lendemain j’ai suivi la même routine, vous vous souvenez? Et Le fameux monsieur m’avait réservé une place à côté de lui. Dans les romans, cinémas, séries, quand il y a ce genre d’alchimie directe tu vois la suite ou comment l’histoire va se dérouler. Mais laissez-moi vous désillusionner comme je l’ai été : le gars voulait juste m’intégrer.
Pfft, la prochaine fois peut-être. J’avais un peu honte d’avoir jugé trop vite monsieur l’innocent. Ce n’est pas de ma faute si je crois aux romans ou si je me fie à mon intuition, l’intuition qui ne m’avait jamais fait ce coup-là auparavant. Je l’avais mal jugé et alors? C’était normal non ? vouloir me protéger des gars qui semblent sortir tout droit des contes de fée, parfaits comme on le dit bien. J’avais tellement assisté à beaucoup de ruptures, de déceptions, que je ne croyais pas à ses sottises qu’on appelait ‘’ AMOUR’’ qui commencent toujours plutôt bien et qui tournent toujours au vinaigre. Mais bon, il ne faut pas généraliser, il y a ceux qui vivent de vrais contes de fées (comme dans les films quoi). Il m’avait présenté certains de ses amis qui ne sont resté que de simples connaissances pour moi. J’avais oublié : Le gars se nommait Jerry. Il avait un peu réussi sa mission parce qu’il est devenu petit à petit un ami, un confident, un frère, et je ne sais par quel diable : mon premier amour ! Ne me demandez pas comment, Quand, ni pourquoi, moi-même je ne sais pas, tout ce que je sais c’est qu’il a fait en sorte d’être indispensable et que je n’ai rien vu venir. Il savait que je m’enfonçais. Encore plus, inexpérimentée que j’étais, insouciante, naïve, je m’enfonçais toute seule, chaque jour, ça crevait tellement les yeux que tout le monde voyait la façon dont je me comportais avec lui, la façon dont je le couvais du regard, comment je souriais bêtement; parfois je devenais jalouse sans même m’en rendre compte. Je parlais sans cesse de lui que mes meilleures amies Karine, Céline et Liane avaient déjà l’impression de le connaitre sans l’avoir jamais rencontré. Un soir, nous étions assises chez moi sur le balcon, en train de parler de tout et de rien comme chaque vendredi. C’était le jour de faire un bilan de la semaine ; parler avec les personnes qui te comprennent, qui t’écoutent, ça fait du bien. C’était aussi le moment de dire les non-dits. J’ai alors remarqué qu’il y avait une sorte de tension, elles se sont regardé en silence, un silence qui signifiait qu’il y avait quelque chose qui les préoccupait. Pour détendre l’atmosphère j’ai sorti un :
 Ça alors ! vous avez enfin décidé de mettre en pratique mon plan machiavélique ?
 Quel plan? Demanda Céline.
 Le plan de tuer ce connard de Merlin...
 Qu’est-ce qu’il t’a fait enfin le pauvre Merlin, laisse-le respirer voyons, on peut rien changer de l’histoire de toute façon, répliqua Liane.
 Et toi Karine t’es pas partante pour le tuer ton cher Merlin ? Elle m’avait regardée avec un air triste un peu désolé, je suis du même avis que Li. On peut rien changer de l’histoire idiote et la vie c’est comme ça, on n’a pas toujours le choix.
 Soit forte ma chérie, on est là. Nous avais dit Céline.
Elle tout ce qu’elle voulait en ce moment précis était courir vers lui mais il y avait de si grandes montagnes, des portes qu’elle ne pouvait pas traverser. Personne ne peut réécrire le destin, ils étaient tenus à rompre. Moi tout ce que je voulais c’était la faire réagir qu’elle soit réaliste mais qu’en était-il de moi, de comment je me voilais la face. Il était tout ce dont j’avais besoin. Il était déjà minuit, il fallait qu’on rentre. On s’est câliné en guise d’au revoir et chacune est rentrée chez elle. Moi je n’ai pas pu fermer l’œil de la nuit ce jour-là.

On avait adopté une habitude avec Jerry de passer des heures ensemble en parlant de tout et de rien. Nous étions tellement inséparables que tout le monde pensait que nous étions ensemble et ça nous importait peu, je peux même dire que ça nous arrangeait. Il était le plus beau mec de l’établissement, imaginez la suite : Il y avait toujours des filles autour, prêtent à sauter sur la première occasion. Pas étonnant que j’étais toujours jalouse.

Un jour que nous étions chez lui, il me regarde un instant, me fait son sourire le plus irrésistible et me demande :

 Es-tu déjà tombé amoureuse?
 Je pense que oui
 Et l’heureux élu ?
 Tu sais bien que c’est toi.

Il ne s’attendait pas à cette réponse, il était surpris.
Disons que je n’en pouvais plus, je m’éteignais chaque jour en l’attendant, cette question aussi.
Sa réaction m’a surprise autant qu’il m’a pris dans ses bras et ma serré tellement fort que mon cœur battait la chamade. Le sentiment que j’avais en ce moment était juste incroyable.
Trois jours après, nous étions bel et bien un couple. J’étais tellement heureuse que je l’annonçais à tout le monde. Les filles aussi étaient contentes pour moi sauf Karine. Elle disait qu’elle trouvait Jerry calculateur et manipulateur. Après la déception qu’elle avait eue je comprenais pourquoi elle était pessimiste. Moi j’étais la femme la plus heureuse au monde c’était incroyable, j’étais tellement heureuse qu’au bout de quelques mois moi et Jerry avions déjà consommé le fruit défendu. Nous avions bravé l’interdit. Nous passions tout notre temps ensemble à se faire des papouilles, raconter des blagues pourries, je me sentais si bien dans ses bras que je perdais tous mes craintes, j’étais devenue accro à lui.

Des jours, des mois, des années se sont écoulés sans nous en rendre compte. Nous venions de souffler la quatrième bougie de notre relation qu’il battait de l’aile. Trois mois que nous avions une relation à distance.
Une semaine que nous avions décidé de faire une pause, on les avait faites maintes fois, mais je sentais que c’était la fin. Il disait ne plus avoir ni le courage ni la force de continuer mais je revenais toujours vers lui. Il brisait mon cœur en mille morceaux et chaque fois qu’il guérissait, il ne battait que pour lui. Il était dans mes pensées, je ne pouvais pas l’oublier. En l’aimant je ne pensais pas que ça pouvait finir comme ça, que nous pouvions aller si loin, je savais que quelque chose devait être brisé, que quelque chose devait changer. Tout ce que je faisais était de donner, lui il prenait. Je n’avais plus aucune raison de rester, je croyais en lui chaque fois qu’il revenait désolé. Je m’attendais à ce que ça soit réciproque.
Mais on aurait recollé les morceaux comme à chaque fois mais cette fois-ci c’était carrément impossible, pourquoi? Parce qu’il était mort, oui mort de chez les morts, comment? Disons que c’est arrivé subitement, personne ne s’y attendait. Ma vie a basculé après ce coup de téléphone : on venait de m’annoncer qu’il s’était suicidé.
Je me suis réveillée, j’étais allongée par terre, je pensais que j’avais fait un horrible cauchemar lorsque j’ai vu le téléphone à mes côtés, là je me suis rendue compte que je n’avais pas rêvé.
J’avais vu juste, j’aurais dû suivre mon instinct. Il avait bel et bien une double personnalité et la réponse de tous les temps était : bibiche t’es parano. Je me sentais coupable, j’aurais dû l’aider, être là, peut-être qu’il ne serait pas mort. Maintenant j’avais un mort sur la conscience, pas qu’un ex- mais le père de ce petit être qui grandissait en moi, l’enfant dont il ne connaitra jamais l’existence. J’avais des questions comme est-ce de ma faute ? Mais non, je le croyais heureux, épanoui, je vivais dans la fiction, l’ignorance totale. Notre relation n’était qu’une farce peut-être. J’étais perdue et là a commencé le combat contre moi-même. J’ai sombré dans la déception, je ne me reconnaissais plus, j’étais toujours enfermée, je ne parlais plus à personne, je passais des nuits blanches à pleurer, je me tuais à petit feu : tout ce qui me maintenait en vie, qui me donnait le courage de continuer c’était l’être que j’abritais en moi. C’est en ce moment que j’ai compris l’expression «  le grand amour change ton comportement ». Mon bébé était le grand amour qui me restait. On n’oublie pas le premier amour, il faut vivre avec.
La peur du vide que j’avais avait fini par me rattraper. Soudain j’ai réalisé que je ne pouvais plus, que je ne savais plus vivre sans lui. Il était trop tard pour lui dire combien il avait compte dans ma vie, combien il me manquait, pendant le peu de temps qu’on avait eu. Les mots ne pourront jamais exprimer le regret qui me déchirait les entrailles. Je me souviens de notre chanson, si on pouvait avoir un peu de temps pour tout se dire encore ou se taire en regard, un peu de nous un adieu, « puisqu’on ne vivra jamais tous les deux ».
Mes amies me disaient toujours que le temps finirait par tout arranger. Mais non, laisse-moi vous dire que le temps ne fait pas de miracle, j’avais passé encore une année à prétendre que tout aller bien. Le jour où j’ai compris qu’il avait pris cinq années de ma vie je me suis dit que celui qui devrais fournir des efforts pour s’en sortir c’était moi. Tout dépendait de ma volonté. Ma vie mon bonheur j’étais perdue. Je ne savais plus qui j’étais, qui je suis devenue, comment vais-je m’en sortir. Ça n’a pas été facile je l’avoue. J’avais peur de rester sans identité, sans joie de vivre. Dans tous les cas je ne voulais plus devenir cette personne qui n’avait plus confiance en soi. Je n’avais qu’à me battre avec moi-même en comprenant que toute chose avait un début une évolution ainsi qu’une fin ; que dans la vie il fallait toujours vise ce qui nous dépasser, réaliser l’impossible, que les hauts, les bas, la joie comme la peine faisaient partie de la vie de notre existence, qu’ il faut toujours savoir ce relever . La solution était en moi, avoir le courage de lâcher prise et tout ce qui m’avait manqué pendant tout ce temps. C’est en face de ces moments de silence, de solitude que j’avais trouvé la réponse de certaines de mes questions, que je m’étais retrouvée bien que mon autre moitié était enterrée quelque part en Afrique et que l’autre grandissait en moi. Jamais je ne t’oublierais Jerry. Chacun mène sa guerre chacun mène sa vie.