À elle

Toute histoire commence un jour, quelque part et peu importe qu’elle soit instructive ou ludique.
« C’était un jeudi soir vers la fin du mois de décembre, je la fis sortir de l’appartement sous un froid glacial parce que mon dîner n’était pas sur la table. Alors que d’aucuns recevaient leurs présents, moi je lui refusais l’unique cadeau qu'elle me suppliait de lui offrir. Ce n’était juste que de l’affection. Emprisonnée, je lui privais de sa liberté, il ne s’agissait point d’une liberté physique mais celle sentimentale. J’étais ce mari oppresseur à l’arrogance démesurée, aux caractères sauvages invétérés, qui avait noué avec le diable une force tenace qui endurcissait son cœur impénétrable de sentiments. Le seul point qui nous reliait était notre lit et je n'y entré que lorsqu’il me plaisait de la faire jouir et la laisser seule au summum de ses sensations. Un enfant était son rêve et moi mon pire cauchemar. Plutôt être adultérin que de te faire un enfant j’avais plaisir à lui dire. J’avais tort de la punir car le réfrigérateur débordait de bons plats à régaler. D’une brutalité de gladiateur, je la jetai dehors et elle n’osait frapper pour ne pas revivre comme à l’accoutumée une nuit pimentée de bastonnade. Je me fis réchauffer un de ses mets et mangeais tranquillement. A un moment, le silence de cimetière qui régnait autour de moi m’interpella et j’ouvris la porte pour voir comment elle s’y prenait avec le froid. Baignant dans une mare de sang, elle me suppliait de venir à sa rescousse «  s' il te plaît amène moi à l’hôpital j'ai mal, j'ai vraiment mal ait pitié de moi pour une fois dans ta vie ; je ne veux pas mourir, je veux juste sauver mon bébé » disait-elle. Je croix qu’elle saignait et j’étais content d’avoir enfin tué ce fœtus dont j'avais faussement refusé la paternité. Mon instinct animal me dominait toujours et je ne pouvais l’aider. Inerte sur les carreaux froids, vêtue d'une robe blanche, son corps brulant de sueur laissait apparaitre sa nudité et son ventre rond... D’un regard méprisant et sans empathie, je m'en allai la laissant toute seule moribonde. Deux heures après, je me retrouvai à l’hôpital sur insistance de mon ami afin de prendre en charge son hospitalisation. Sur les bancs de l’hôpital, je voyais quelques membres de sa famille les yeux tous rivés sur moi. Certains d'entre eux me consolaient mais je ne savais pas pourquoi. Ce qui est sûr c'est que la grande majorité ne savait la souffrance que j'infligeais à ma femme. Je fis le tour des chambres de l’hôpital pour la voir en vain. En y sortant, je vis au bout du couloir qui communiquait avec le service de facturation sa mère assise sur un banc. Avant de m’expliquer, une bonne gifle de sa part m’était servie sans compter le langage ordurier avec lequel elle me parlait. « Tu as tué ma fille, tu as tué ma fille » Ces mots résonnent toujours dans ma tête. Comment pourrais-je être l’assassin de ma propre femme je lui rétorquai. Elle me fit taire en présence de notre voisin qui avait amené ma femme à l’hôpital et lui raconta la vie de martyre que je lui faisais vivre. «  Ma fille ne m’a jamais rien dit ; elle souffrait d'un cancer à un stade très avancé et pour combler le tout avec son état, tu l’as jeté et regardé mourir sans compter les coups qu’elle recevait à ta convenance» s’empressa t-elle de me répondre. Elle souleva le drap dont été recouvert le corps sans vie de ma femme pour me montrer toutes les cicatrices qu’elle portait sans compter celles à l’intérieur. Là je semblais me réveiller d'un rêve cauchemardesque. La première question que je me posai était de savoir qui pourrait bien être l’auteur d’une telle sauvagerie. Quel sot ? C’est bien moi ! Mais je n’en revenais pas, elle a supporté toutes ces blessures sans m'en faire grief. Sur sa peau d’ébène toute pâle , ses blessures étaient plus que lisibles, ses lèvres étaient entrelacées : je croix qu’elle s'en est allée péniblement. Mes yeux ne pouvaient supporter le poids de mes larmes, mon cœur saignait, je ne sentais plus rien autour de moi, juste les différentes épisodes des moments que j’ai passés avec elle me revenaient sempiternellement. Enfoui dans un océan de pensées, j'en repêche une panoplie de ses bonnes œuvres. Peu importe le degré de l'enfer que je lui faisais vivre, ce dernier devenait son paradis terrestre . Elle était plus qu’une femme, à la fois une épouse et une mère elle était. Stoïque à mes scènes de découchage, n’empêche mes ordres quels qu’ils soient, étaient toujours suivis de leur exécution avec un sourire de nouveau-né qu’elle me servait ne lui en plaise ou déplaise. Pour elle , ce n’était point une question de vendetta mais plutôt la guidance d’un mari en errance spirituelle . Effectivement ce n’était pas faux car rien ne l’empêchait de se défendre , ce n’était ni de la nonchalance ou de la mollesse encore moins de la peur mais elle voulait juste se soumettre . Et moi , Je lui enviais sa force intérieure et son altruisme avec lesquels elle esquivait mes innombrables supplices. Qu’il en soit du radotage ! Mais je ne tarirai d’éloges à son égard même à titre posthume, concomitamment je disserterai moins sur mes erreurs pour vous épargner plus de haine envers moi. Mes devoirs de mari, elle les faisait sans compter les siens. Elle ne cessait de me répéter cette phrase « El hadj rien ne me fera du mal qui vienne de toi car tu es mon mari ». En le disant elle m’anéantissait et alors je redoublais sa peine. J’ose affirmer que sa souffrance dépassait largement celle d'une femme qui après 9 mois venait d’accoucher d'un mort-né. Elle me faisait bonne figure, jamais elle ne me l’a dit, son visage non plus ne le montrait mais je savais qu’elle souffrait. Vous direz après tout, que cet hommage est insignifiant puisqu’elle est morte mais c’est par là un appel pour l’éveil des consciences endormies des maris maitres d’esclavagisme déguisé. Où qu’elle puisse être dans ce monde, une femme est encore et toujours entrain de souffrir impunément à cause d’un homme qui croit qu’une femme qui se soumet est une esclave de son mari. Ce serait insolent de lui dire delà où elle est qu’elle me manque et que je ne l'ai jamais autant aimé mais j’aurai préféré la mort à l’amertume invivable de mon sort. Je regrette infiniment mes actes infondés. Le souvenir de ses souffrances est imprimé dans mon esprit , incorporé dans mon âme et Jamais je ne m'en débarrasserai . Sur cette note, chers et frères sachez que le mariage est une bataille, au lieu de vous entre-tuer, unissez vos forces pour vous battre contre ce qui vous sépare. » Disait-il avec un tonnerre de larmes.
Toute la salle était sans dessus dessous, les larmes des uns consolaient la haine des autres. Le vieux finit par dire au juge « Punissez moi, c’est ma récompense. Je ne suis pas fou, j’étais juste machiavélique mais je l’aime ». L’heure de ma pause était terminée, je ne pouvais attendre la fin du procès car je devais retourner en classe mais ce procès est pour moi le début d’une nouvelle ère pour un traitement favorable des femmes.