Toute histoire commence un jour, quelque part dans la douceur d’une nuit endiablée par la clarté de la lune aussi belle qu’une jeune fille à ses quatorze printemps. Belle lune, toi le compagnon de l’homme solitaire permet moi de me confier à toi. Toi l‘amante qui ne trahit jamais son bien aimé.
Moi l’enfant de Yasso élevé sur les rives du fleuve djoliba et dont le destin le conduisit dans les dédales de cette rue appelée Magenta au fin fond du pays de l’homme blanc. Exilé et mélancolique de ma chère Afrique ou certes il n’y a pas de métro, encore moins de jolies allées pavées, mais aussi cette Afrique ou la chaleur humaine et le sentiment de fraternité remplace à juste titre le manque d’aisance matérielle. Que j’aimerai encore une fois être sur les pieds de ma chère grand-mère Mama, qui autour du feu me racontait tant d’histoires et de contes plein d’enseignement. Est-ce dont à cause de cet amas de solitude que tant de mes congénères sont prêts à affronter la furie de l’océan agité pour un avenir meilleure ? Sans doute oui, et qui suis-je pour juger un homme qui n’a rien et qui n’a pour seul issue qu’une course effrénée vers son destin ; que ce destin soit fait d’une photo sur les champs Élysées au mieux ou d’un linceul tout blanc sur les rives de Lampedusa au pire mais advienne que pourra.
Je me rappelle comme si c’était hier les prières et les bénédictions de ma mère et les mises en garde de mon cher père qui voyait là partir son seul fils vers une destination ou le mal et le bien vivent dans la même demeure. Où être noir rime parfois avec mépris. Cependant, moi Bafing j’avais un sourire narquois comme pour dire « encore ses mêmes histoires, vivement mon départ vers la belle métropole ». Cependant assis dans le hall d’embarquement, un sentiment de vide et de panique m’envahit. Cela n’était aucunement due à la séparation d’avec les siens mais pendant un court moment mon esprit fit une rétrospective sur chemin accompli. En l’espace d’une minute, tout mon corps fit comme inerte et mes pensées voyageaient comme étant emportées par la douce brise d’une nuit de mousson. Je repensais à toutes ses belles personnes chaleureuses qui m’ont vu grandir et que je quittais pour l’autre côté de la mer. Je me rappelais de mon parcours, de ce jeune garçon brillant en passant par l’adolescent rebelle sans oublier le jeune homme fougueux qui fit ses armes de leaders estudiantins au sein d’une université du Burkina Faso le pays des Hommes intègres. Une université qui manquait de tout sauf d’esprit brillant. Mes amours ou devrais-je dire mon seul amour, je l’appelais Ida. Resplendissante comme la voie lactée, un sourire écarlate qui n’avait d’égale que la blancheur du sel d'Ansongo, une démarche et une allure qui rappelait la beauté légendaire des peuls du Fouta-Djalon. A la fois mère, sœur, compagne et confidente je ne puis m’empêcher de penser à ce qu’aurait pu être ma vie si elle était toujours là. Mais Hélas chère lune, sur le chemin de la vie il y a de ses personnes qui ne sont que de passage. Ces personnes qui font frémir votre cœur d’une jouissance sans égale et qui comme elles sont venues s’en vont sans crier gare créant un vide plus grand et des souvenirs immortels.
Soudain une annonce, le départ était imminent. Alors je mis mon sac au dos et ma guitare en bandoulière et d’un pas décidé je me dirigeai vers le tarmac de l’aéroport international Modibo Keita de Bamako-Sénou, je pris place dans l’avion. Une fois dans cet aigle de fer, je contemplais la ville au trois caïmans une dernière fois avant un long moment et j’y laissais mes peines, mes victoires, mes amours perdus, mes amis, mes chers parents, bref tout ce qui pendant près de 23 ans faisait l’homme que je suis et m’envolais les yeux fixés sur mon futur. Je pensais aussi à ce qu’y était pour moi encore une inconnue dans mon équation j’ai nommé la France. Cette belle France dont je suis tombé amoureux très tôt en regardant les bleus de Zinédine Zidane lors du mondiale 1998. La belle France de Jean Jacques Rousseau et de Césaire; cette France qui pour tant de jeunesse africaine représente encore un eldorado, un synonyme d’accomplissement et de réussite. Cette France pour laquelle chaque jour des milliers de jeunes africains meurt dans le Sahara ou dans la méditerrané car n’ayant plus de solution dans des pays où même la survit deviens un luxe. Chère lune j’ai tellement attendu ce moment où je pourrais à mon tour contempler la plus belle avenue du monde et être au pied de la tour Eiffel. C’est dans mes réflexions d’enfant surexcité a l’idée d’avoir un nouveau cadeau que je m’assoupis dans l’avion et six heures plus tard mon avion amorçait sa descente. Cela signifiait certes la fin du voyage pour le vol 760 de la Royal Air Maroc mais aussi le début de ma vie de Tounkarankè (aventurier en malinké).
Il était exactement onze heures et cent vingt minutes quand je fis la connaissance de l’air frais et glacial de la métropole à l’aéroport d’Orly. Moi un jeune malien qui n’avait connu à part le climat de mon pays que la canicule du plateau Mossi me retrouvai projeté en plein air sous quatre degrés. Là je compris à quel point le soleil était une bénédiction de Dieu et non le contraire. Je n’eus pas fini de me remettre de mes émotions que Tiekoura mon cousin et hôte venu m’accueillir, il faut dire que cela faisait pas moins de trois ans que nous nous fûmes vus pour la dernière fois. Après les salutations d’usage nous prîmes le chemin pour Orléans où je devais faire escale avant de continuer mon périple en direction de Poitiers ma ville d’accueil. En marchant, quelque chose attira mon attention un engin que je n’avais jamais vu, je l’appelais « le train a deux têtes » mon cousin dans un éclat de rire me signifia qu’il s’agissait du RER. Ce fut donc là ma première stupéfaction dans ce pays où tout me semblait tellement rapide et tellement beau. J’eus à un moment le sentiment de me retrouver dans un nouveau monde. Comme si mon pays natal et cette nouvelle terre de substitution étaient dans deux galaxie différentes. Je me sentais comme Adam au jardin d’Éden. Cependant, je fus saisi de scepticisme en m’imaginant le chemin qu’il restait à mon beau continent afin d’avoir de telles infrastructures. De là où je viens, les hommes assis sur la colline du pouvoir ont perdu tout sens de la réalité et se complaisent à vivre dans une opulence indigne dans un pays qui manque de tout. Les voies routières sont en piteuses états, la santé est un luxe que tout le monde ne peut se payer et la corruption a pignon sur rue. Je me suis alors demandé chère lune si Dieu avait-t-il oublié l’Afrique ? Le constat a n’en point douté est très amer. Plonger dans mes réflexions, nous arrivâmes à la gare d’Austerlitz où nous prîmes le train pour nous rendre à Orléans la ville de la pucelle, Jeanne d’Arc. Une fois arrivé à bon port chez mon frère, je me fis un peu briffer sur la vie de la diaspora africaine en France et je notai certaines informations cruciales pour ma bonne intégration. Mon hôte insista surtout sur la vignette que l’office française de l’immigration et de l’intégration devait coller dans mon passeport qu’il me fallait avoir au plutôt. Ce bout de papier constituait ma carte de séjour et comme selon les mots de mon cousin ma carte de vie ou de mort. Quelques instants plus tard mon cousin prit congé de moi car devant aller travailler ce que nous Tounkarankè appelons communément « le djochi ».
Après trois jours de repos bien mérité, je poursuivis ma route seul cette fois direction Poitiers où je devais prendre mes quartiers dans la Rue Magenta en plein centre-ville à exactement quinze petites minutes de l’université de ladite ville. Un appartement avec toutes les commodités m’y attendait télévision, wifi, chauffage en bref tout ce qu’un étudiant lambda ne pourra jamais s’offrir de là où je viens. Cependant malgré ce confort cinq étoiles je ne pus m’empêcher de ressentir une profonde amertume. C’est à cet instant précis que je compris une triste réalité française. Pas un son, pas une musique, rien en un mot, un abime de silence et de solitude. La seule chose qui me permettait de savoir que j’existais dans cet appartement cossu était le son ma radio câblée sur la radio France internationale du matin au soir que j’écoutais à l’aide d’un vieux téléphone. Ce silence me fit plonger dans une certaine mélancolie. J’avoue que j’aurais préféré à cette belle chambrée les éclats de rire de mes camarades de l’internat de Ouagadougou. Mes chers amis d’infortune qui étaient restés de l’autre côté de la Méditerranée et à qui j’écrivais presque tout le temps comme pour oublier cette ambiance morbide qui existait au 26 rue de magenta.
Nous étions une bande de jeune homme, les idées plein dans la tête et insouciants. Souvent, il nous arrivait de dormir à quatre voir cinq dans la même chambre qui n’avait pour seul luxe qu’un lit une place et une table d’étude. Avec souvent presque rien dans les poches nous avions pour habitude de nous retrouver en communauté dans la chambre de Ben un jeune élève ingénieur burkinabé qui nous avait adopter comme si nous étions de sa famille bien que n’ayant jamais foulé la terre malienne. Voilà là un des trésors de mon beau continent ‘’Le Diatiguiya’’ ou l’hospitalité dans toute sa quintessence, dans sa forme la plus pure et la plus innocente. Nous mangions souvent avec moins d’un euro après cotisation de chacun. Le repas n’était certes pas égal au doux délice d’une pizza sur le palet mais que nous étions heureux. Généralement nos rencontres étaient accompagnées de la douce musique de Sona Jobarteh ou de la voix suave de Salif Keita. J’aurais bien aimé partager un repas ou un même un simple bonjour avec mes chers voisins de ma résidence, mais dans un pays où tout le monde est pressé, où la courtoisie et la gentillesse semblent avoir disparues il est difficile de faire d’un voisin un ami.
Après quelques jours à ne rien faire et à me morfondre dans ma solitude, la rentrée universitaire était enfin là. Occasion pour moi de me faire enfin des amis et de rencontrer peut-être certains frères africains, afin de partager un petit moment de causette. Ils étaient plusieurs africains à être inscrit dans l’établissement et je pus échanger avec quelques-uns. Là aussi quel ne fut pas mon étonnement quand un camarade se présenta en donnant comme de famille « Dèmbélé ». Je ne pus m’empêcher de sourire car en réalité ce nom très répandu en Afrique subsaharienne s’écrit « Dembélé » et le ‘’em’’ se prononce comme le ‘’en’’ comme dans le mot dent. Je fis alors la remarque à quel point une tant de jeunes africains voulaient coûte que coûte s’exprimer comme ‘’les vrais français’’ avec un gout prononcé pour l’art de roulé des ‘’R’’. Mais dis-moi chère lune, quand comprendrons que ‘’ quel que soit la durée d’un bout de bois dans l’eau, il ne sera jamais un caïman’’ ? Je me suis alors rappelé des conseils d’un homme sage qui me disait la veille de mon départ « dans ce voyage garde toujours à l’esprit que tu es noir, malien et fils du Bwatun (terre des Bobos, ethnie vivant au Mali). Alors que ce voyage soit pour toi un rendez-vous du donné et du recevoir. Partage ta culture, partage ce qui fait de toi ce que tu es et reçoit ce que l’homme blanc a de meilleur à t’offrir. N’oublie pas que la connaissance de soi est la meilleure des connaissances ».
Avec le temps, j’eus un jugement moins tranché, car je compris que cette façon de faire était pour d’autres un bon moyen d’intégration mais je pris mes dispositions afin que mon intégration ne devienne purement et simplement une acculturation programmée.
Nonobstant ma timidité naturelle entre deux cours de maths, j’ai fait la connaissance de certains camarades français qui, malgré la différence de peau et mon accent de bledard m’ont pris sous leurs ails. J’avoue chère lune qu’à n’en point douter un sourire amical et des gestes de fraternité font bien plus plaisir au cœur que tout l’or du monde. Contrairement à ce à quoi je m’attendais ce sont ces blancs de chez blancs qui me tendirent la main et leurs gestes furent une grande leçon de vie. Au-delà de toutes nos différences nous sommes avant tout des Hommes.
Un jour je me rendis à paris dans le but de voir autre chose que des blocs de bétons et pour une fois ressentir de la chaleur humaine africaine et l’odeur du bon mafé au feu. J’y rencontrai ma chère tante et là à Barbes je me senti revivre l’espace d’une journée. Je pouvais à nouveau parler ma langue maternelle, causer et manger comme un dimanche de mariage à Bamako. La aussi je compris que malgré tout ce que l’on peut penser de nous, les africains sont avant tout un peuple de travailleur digne et débrouillard. Vivre à cinq dans une chambre de 15m² insalubre, pour que les frères et les sœurs restés sur la terre mère puissent vivre dans un logement décent. Faire tout type de petit boulot pour que la maman rester derrière puisse au moins une fois aller poser ses yeux sur la Kaaba. Alors chère lune éclaire toujours le chemin de ses fils et de ses filles braves pour qu’un jour enfin la France reconnaissent qu’ils sont et resteront la cheville ouvrière qui la fait avancer. Ce fut une expérience des plus enrichissante et je compris que tous ces jeunes plein de vie qui empruntent le chemin de Sahela et Meliah pour rejoindre la métropole le font le plus souvent par instinct de survie. De toute façon se sont bien les colons blancs qui ont tracé cette voie sur les eaux afin de nous mettre dans des cales de bateau, alors les européens ne devrait pas s’étonner du retour de bâton. Si les rôles étaient inversés l’occident aurais fait de même cela est une certitude.
Ce court séjour fut comme une bouffée d’oxygène pour moi tant le silence des murs de la rue Magenta était devenu insupportable pour l’homme que je suis. Toujours le même itinéraire, prendre bus 1 direction Milétrie Patis pour aller à l’école et la même ligne pour retourner dans cette rue morte. Sur le chemin du retour de Paris, j’étais un homme nouveau avec de bonnes résolutions et des idées plein la tête comme l’enfant surexcité du vol 760 de la Royal Air Maroc. Cependant une fois à la gare la réalité n’avait pas changé dans cette ville et surtout cet immeuble où tout semblait si terne.
Cependant les jours qui suivirent, Une idée me vint à l’esprit et je pris ma guitare et je commençai par jouer le Badjourou (musique traditionnelle des bambaras de Ségou). Le son de cette belle guitare déchirait le ciel avec la grâce d’une hirondelle et laissait paraitre le mal-être d’un homme qui se contenterai d’un simple bonjour fraternel ou juste d’une petite tape amicale.
Si un jour, vous passez par la ville de Poitiers arrêtez-vous un instant dans la rue de Magenta. Vous y entendrez peut-être le son d’une guitare, jouant un air de musique africaine avec un brin de nostalgie et une touche de mélancolie, ne vous y trompez point il s’agit de l’hirondelle de la rue Magenta.
Moi l’enfant de Yasso élevé sur les rives du fleuve djoliba et dont le destin le conduisit dans les dédales de cette rue appelée Magenta au fin fond du pays de l’homme blanc. Exilé et mélancolique de ma chère Afrique ou certes il n’y a pas de métro, encore moins de jolies allées pavées, mais aussi cette Afrique ou la chaleur humaine et le sentiment de fraternité remplace à juste titre le manque d’aisance matérielle. Que j’aimerai encore une fois être sur les pieds de ma chère grand-mère Mama, qui autour du feu me racontait tant d’histoires et de contes plein d’enseignement. Est-ce dont à cause de cet amas de solitude que tant de mes congénères sont prêts à affronter la furie de l’océan agité pour un avenir meilleure ? Sans doute oui, et qui suis-je pour juger un homme qui n’a rien et qui n’a pour seul issue qu’une course effrénée vers son destin ; que ce destin soit fait d’une photo sur les champs Élysées au mieux ou d’un linceul tout blanc sur les rives de Lampedusa au pire mais advienne que pourra.
Je me rappelle comme si c’était hier les prières et les bénédictions de ma mère et les mises en garde de mon cher père qui voyait là partir son seul fils vers une destination ou le mal et le bien vivent dans la même demeure. Où être noir rime parfois avec mépris. Cependant, moi Bafing j’avais un sourire narquois comme pour dire « encore ses mêmes histoires, vivement mon départ vers la belle métropole ». Cependant assis dans le hall d’embarquement, un sentiment de vide et de panique m’envahit. Cela n’était aucunement due à la séparation d’avec les siens mais pendant un court moment mon esprit fit une rétrospective sur chemin accompli. En l’espace d’une minute, tout mon corps fit comme inerte et mes pensées voyageaient comme étant emportées par la douce brise d’une nuit de mousson. Je repensais à toutes ses belles personnes chaleureuses qui m’ont vu grandir et que je quittais pour l’autre côté de la mer. Je me rappelais de mon parcours, de ce jeune garçon brillant en passant par l’adolescent rebelle sans oublier le jeune homme fougueux qui fit ses armes de leaders estudiantins au sein d’une université du Burkina Faso le pays des Hommes intègres. Une université qui manquait de tout sauf d’esprit brillant. Mes amours ou devrais-je dire mon seul amour, je l’appelais Ida. Resplendissante comme la voie lactée, un sourire écarlate qui n’avait d’égale que la blancheur du sel d'Ansongo, une démarche et une allure qui rappelait la beauté légendaire des peuls du Fouta-Djalon. A la fois mère, sœur, compagne et confidente je ne puis m’empêcher de penser à ce qu’aurait pu être ma vie si elle était toujours là. Mais Hélas chère lune, sur le chemin de la vie il y a de ses personnes qui ne sont que de passage. Ces personnes qui font frémir votre cœur d’une jouissance sans égale et qui comme elles sont venues s’en vont sans crier gare créant un vide plus grand et des souvenirs immortels.
Soudain une annonce, le départ était imminent. Alors je mis mon sac au dos et ma guitare en bandoulière et d’un pas décidé je me dirigeai vers le tarmac de l’aéroport international Modibo Keita de Bamako-Sénou, je pris place dans l’avion. Une fois dans cet aigle de fer, je contemplais la ville au trois caïmans une dernière fois avant un long moment et j’y laissais mes peines, mes victoires, mes amours perdus, mes amis, mes chers parents, bref tout ce qui pendant près de 23 ans faisait l’homme que je suis et m’envolais les yeux fixés sur mon futur. Je pensais aussi à ce qu’y était pour moi encore une inconnue dans mon équation j’ai nommé la France. Cette belle France dont je suis tombé amoureux très tôt en regardant les bleus de Zinédine Zidane lors du mondiale 1998. La belle France de Jean Jacques Rousseau et de Césaire; cette France qui pour tant de jeunesse africaine représente encore un eldorado, un synonyme d’accomplissement et de réussite. Cette France pour laquelle chaque jour des milliers de jeunes africains meurt dans le Sahara ou dans la méditerrané car n’ayant plus de solution dans des pays où même la survit deviens un luxe. Chère lune j’ai tellement attendu ce moment où je pourrais à mon tour contempler la plus belle avenue du monde et être au pied de la tour Eiffel. C’est dans mes réflexions d’enfant surexcité a l’idée d’avoir un nouveau cadeau que je m’assoupis dans l’avion et six heures plus tard mon avion amorçait sa descente. Cela signifiait certes la fin du voyage pour le vol 760 de la Royal Air Maroc mais aussi le début de ma vie de Tounkarankè (aventurier en malinké).
Il était exactement onze heures et cent vingt minutes quand je fis la connaissance de l’air frais et glacial de la métropole à l’aéroport d’Orly. Moi un jeune malien qui n’avait connu à part le climat de mon pays que la canicule du plateau Mossi me retrouvai projeté en plein air sous quatre degrés. Là je compris à quel point le soleil était une bénédiction de Dieu et non le contraire. Je n’eus pas fini de me remettre de mes émotions que Tiekoura mon cousin et hôte venu m’accueillir, il faut dire que cela faisait pas moins de trois ans que nous nous fûmes vus pour la dernière fois. Après les salutations d’usage nous prîmes le chemin pour Orléans où je devais faire escale avant de continuer mon périple en direction de Poitiers ma ville d’accueil. En marchant, quelque chose attira mon attention un engin que je n’avais jamais vu, je l’appelais « le train a deux têtes » mon cousin dans un éclat de rire me signifia qu’il s’agissait du RER. Ce fut donc là ma première stupéfaction dans ce pays où tout me semblait tellement rapide et tellement beau. J’eus à un moment le sentiment de me retrouver dans un nouveau monde. Comme si mon pays natal et cette nouvelle terre de substitution étaient dans deux galaxie différentes. Je me sentais comme Adam au jardin d’Éden. Cependant, je fus saisi de scepticisme en m’imaginant le chemin qu’il restait à mon beau continent afin d’avoir de telles infrastructures. De là où je viens, les hommes assis sur la colline du pouvoir ont perdu tout sens de la réalité et se complaisent à vivre dans une opulence indigne dans un pays qui manque de tout. Les voies routières sont en piteuses états, la santé est un luxe que tout le monde ne peut se payer et la corruption a pignon sur rue. Je me suis alors demandé chère lune si Dieu avait-t-il oublié l’Afrique ? Le constat a n’en point douté est très amer. Plonger dans mes réflexions, nous arrivâmes à la gare d’Austerlitz où nous prîmes le train pour nous rendre à Orléans la ville de la pucelle, Jeanne d’Arc. Une fois arrivé à bon port chez mon frère, je me fis un peu briffer sur la vie de la diaspora africaine en France et je notai certaines informations cruciales pour ma bonne intégration. Mon hôte insista surtout sur la vignette que l’office française de l’immigration et de l’intégration devait coller dans mon passeport qu’il me fallait avoir au plutôt. Ce bout de papier constituait ma carte de séjour et comme selon les mots de mon cousin ma carte de vie ou de mort. Quelques instants plus tard mon cousin prit congé de moi car devant aller travailler ce que nous Tounkarankè appelons communément « le djochi ».
Après trois jours de repos bien mérité, je poursuivis ma route seul cette fois direction Poitiers où je devais prendre mes quartiers dans la Rue Magenta en plein centre-ville à exactement quinze petites minutes de l’université de ladite ville. Un appartement avec toutes les commodités m’y attendait télévision, wifi, chauffage en bref tout ce qu’un étudiant lambda ne pourra jamais s’offrir de là où je viens. Cependant malgré ce confort cinq étoiles je ne pus m’empêcher de ressentir une profonde amertume. C’est à cet instant précis que je compris une triste réalité française. Pas un son, pas une musique, rien en un mot, un abime de silence et de solitude. La seule chose qui me permettait de savoir que j’existais dans cet appartement cossu était le son ma radio câblée sur la radio France internationale du matin au soir que j’écoutais à l’aide d’un vieux téléphone. Ce silence me fit plonger dans une certaine mélancolie. J’avoue que j’aurais préféré à cette belle chambrée les éclats de rire de mes camarades de l’internat de Ouagadougou. Mes chers amis d’infortune qui étaient restés de l’autre côté de la Méditerranée et à qui j’écrivais presque tout le temps comme pour oublier cette ambiance morbide qui existait au 26 rue de magenta.
Nous étions une bande de jeune homme, les idées plein dans la tête et insouciants. Souvent, il nous arrivait de dormir à quatre voir cinq dans la même chambre qui n’avait pour seul luxe qu’un lit une place et une table d’étude. Avec souvent presque rien dans les poches nous avions pour habitude de nous retrouver en communauté dans la chambre de Ben un jeune élève ingénieur burkinabé qui nous avait adopter comme si nous étions de sa famille bien que n’ayant jamais foulé la terre malienne. Voilà là un des trésors de mon beau continent ‘’Le Diatiguiya’’ ou l’hospitalité dans toute sa quintessence, dans sa forme la plus pure et la plus innocente. Nous mangions souvent avec moins d’un euro après cotisation de chacun. Le repas n’était certes pas égal au doux délice d’une pizza sur le palet mais que nous étions heureux. Généralement nos rencontres étaient accompagnées de la douce musique de Sona Jobarteh ou de la voix suave de Salif Keita. J’aurais bien aimé partager un repas ou un même un simple bonjour avec mes chers voisins de ma résidence, mais dans un pays où tout le monde est pressé, où la courtoisie et la gentillesse semblent avoir disparues il est difficile de faire d’un voisin un ami.
Après quelques jours à ne rien faire et à me morfondre dans ma solitude, la rentrée universitaire était enfin là. Occasion pour moi de me faire enfin des amis et de rencontrer peut-être certains frères africains, afin de partager un petit moment de causette. Ils étaient plusieurs africains à être inscrit dans l’établissement et je pus échanger avec quelques-uns. Là aussi quel ne fut pas mon étonnement quand un camarade se présenta en donnant comme de famille « Dèmbélé ». Je ne pus m’empêcher de sourire car en réalité ce nom très répandu en Afrique subsaharienne s’écrit « Dembélé » et le ‘’em’’ se prononce comme le ‘’en’’ comme dans le mot dent. Je fis alors la remarque à quel point une tant de jeunes africains voulaient coûte que coûte s’exprimer comme ‘’les vrais français’’ avec un gout prononcé pour l’art de roulé des ‘’R’’. Mais dis-moi chère lune, quand comprendrons que ‘’ quel que soit la durée d’un bout de bois dans l’eau, il ne sera jamais un caïman’’ ? Je me suis alors rappelé des conseils d’un homme sage qui me disait la veille de mon départ « dans ce voyage garde toujours à l’esprit que tu es noir, malien et fils du Bwatun (terre des Bobos, ethnie vivant au Mali). Alors que ce voyage soit pour toi un rendez-vous du donné et du recevoir. Partage ta culture, partage ce qui fait de toi ce que tu es et reçoit ce que l’homme blanc a de meilleur à t’offrir. N’oublie pas que la connaissance de soi est la meilleure des connaissances ».
Avec le temps, j’eus un jugement moins tranché, car je compris que cette façon de faire était pour d’autres un bon moyen d’intégration mais je pris mes dispositions afin que mon intégration ne devienne purement et simplement une acculturation programmée.
Nonobstant ma timidité naturelle entre deux cours de maths, j’ai fait la connaissance de certains camarades français qui, malgré la différence de peau et mon accent de bledard m’ont pris sous leurs ails. J’avoue chère lune qu’à n’en point douter un sourire amical et des gestes de fraternité font bien plus plaisir au cœur que tout l’or du monde. Contrairement à ce à quoi je m’attendais ce sont ces blancs de chez blancs qui me tendirent la main et leurs gestes furent une grande leçon de vie. Au-delà de toutes nos différences nous sommes avant tout des Hommes.
Un jour je me rendis à paris dans le but de voir autre chose que des blocs de bétons et pour une fois ressentir de la chaleur humaine africaine et l’odeur du bon mafé au feu. J’y rencontrai ma chère tante et là à Barbes je me senti revivre l’espace d’une journée. Je pouvais à nouveau parler ma langue maternelle, causer et manger comme un dimanche de mariage à Bamako. La aussi je compris que malgré tout ce que l’on peut penser de nous, les africains sont avant tout un peuple de travailleur digne et débrouillard. Vivre à cinq dans une chambre de 15m² insalubre, pour que les frères et les sœurs restés sur la terre mère puissent vivre dans un logement décent. Faire tout type de petit boulot pour que la maman rester derrière puisse au moins une fois aller poser ses yeux sur la Kaaba. Alors chère lune éclaire toujours le chemin de ses fils et de ses filles braves pour qu’un jour enfin la France reconnaissent qu’ils sont et resteront la cheville ouvrière qui la fait avancer. Ce fut une expérience des plus enrichissante et je compris que tous ces jeunes plein de vie qui empruntent le chemin de Sahela et Meliah pour rejoindre la métropole le font le plus souvent par instinct de survie. De toute façon se sont bien les colons blancs qui ont tracé cette voie sur les eaux afin de nous mettre dans des cales de bateau, alors les européens ne devrait pas s’étonner du retour de bâton. Si les rôles étaient inversés l’occident aurais fait de même cela est une certitude.
Ce court séjour fut comme une bouffée d’oxygène pour moi tant le silence des murs de la rue Magenta était devenu insupportable pour l’homme que je suis. Toujours le même itinéraire, prendre bus 1 direction Milétrie Patis pour aller à l’école et la même ligne pour retourner dans cette rue morte. Sur le chemin du retour de Paris, j’étais un homme nouveau avec de bonnes résolutions et des idées plein la tête comme l’enfant surexcité du vol 760 de la Royal Air Maroc. Cependant une fois à la gare la réalité n’avait pas changé dans cette ville et surtout cet immeuble où tout semblait si terne.
Cependant les jours qui suivirent, Une idée me vint à l’esprit et je pris ma guitare et je commençai par jouer le Badjourou (musique traditionnelle des bambaras de Ségou). Le son de cette belle guitare déchirait le ciel avec la grâce d’une hirondelle et laissait paraitre le mal-être d’un homme qui se contenterai d’un simple bonjour fraternel ou juste d’une petite tape amicale.
Si un jour, vous passez par la ville de Poitiers arrêtez-vous un instant dans la rue de Magenta. Vous y entendrez peut-être le son d’une guitare, jouant un air de musique africaine avec un brin de nostalgie et une touche de mélancolie, ne vous y trompez point il s’agit de l’hirondelle de la rue Magenta.