Les mamies footballeuses :

Il y a des moments dans une vie où l'on se demande ce que l'on fait et surtout pourquoi on est en train de faire ce que l'on fait. Eh bien, c'était exactement ce qui se passait dans la tête de Lucienne. Elle avait l'air ridicule avec son short blanc et ce maillot bleu trop grand pour elle. Mais encore, s'il n'y avait que la tenue... Non. Elle avait l'air encore plus ridicule, là, toute seule dans les cages. Va savoir pourquoi elle avait accepté le défi de son amie, Isabelle. Celle-ci était arrivée, un bon matin, avec l'idée de montrer aux jeunes que ce n'est ni parce que l'on est une femme, ni parce que l'on est âgée que l'on ne peut pas faire de sport, comme tout le monde et surtout, être au niveau des autres. Elle les avait inscrites à un concours de sport, de football plus précisément. Et c'est comme ça, qu'elle, Lucienne, avait fini dans les cages alors qu'Isabelle avait pris le poste d'attaquant. Elle la regardait faire au loin. Elle avait pris le ballon à l'équipe adverse et elle s'était mise à courir vers les cages, accompagnée par Lucelle. Mais bon, Isabelle avait quand même soixante-quatre ans et Lucelle..., elle n'osait même plus le dire. Elles firent vite rattrapées par les jeunes filles de l'équipe adverse. Faut dire qu'elle avait une vingtaine d'année de moins, presque des gamines. Qu'est-ce que vous voulez faire contre ça ? Lucienne les regarda venir vers elle en courant alors que les que les joueuses aux postes de défense de son équipe essayaient de se mettre en ligne pour bloquer l'attaque. Ça fonctionna mieux que l'attaque, même si une jeune fille, coiffée d'une longue queue de cheval, portant un short noir et un haut rouge, arriva à tirer dans ses cages.
Ouais, s'écria-t-elle. Et un point de plus. Allez les viocs, vous servez plus à rien.
Lucienne l'écouta en ramassant le ballon.
Les viocs, vous ne servez plus à rien, répéta-t-elle.
Eh bah ouais, la vieille, va te recoucher, lui dit la jeune fille. A quoi vous servez ? Vous êtes trop nulles.
Isabelle récupéra le ballon des mains de Lucienne.
Tu vois un peu ce qu'elles pensent de nous ? lui chuchota-t-elle. Il faut leur montrer que l'on est toujours aussi efficace.
Je vais lui botter les fesses, moi, à cette petite prétentieuse. Qu'est-ce qu'elle croit ? Qu'elle ne finira pas comme nous ?
Le match continua et l'arbitre finit par siffler la mi-temps. Elles rentrèrent dans leurs vestiaires respectifs, les unes après les autres.
Alors, commença Isabelle, on perd un zéro mais ce n'est pas grave, les filles. L'important, c'est de participer et leurs montrer que l'on peut tenir pendant les quelques minutes qui restent.
Cause toujours, l'interrompu Lucienne en se levant de son banc. On va faire aussi bien qu'elles. Je veux qu'on leur montre à ces petites idiotes, notamment à la numéro 8, que l'on peut faire un match nul.
Les autres la regardèrent abasourdies. Faut dire qu'au départ, l'idée de faire un match pour montrer à la jeune génération que ce n'est pas parce que l'on est d'un âge avancé que l'on ne peut plus rien faire ne l'avait pas motivé plus que ça. Elle aimait son confort Lucienne. Elle avait décidé de participer simplement parce qu'il leurs manquait quelqu'un.
Calme toi, lui dit Isabelle. On ne peut pas gagner contre elle ; faut se rendre à l'évidence.
Ah non ! On va faire le maximum ! Je veux qu'on se remotive ! On va leur montrer ! Écoutez bien, je les ai observée et voilà ce que l'on va faire.
Elles se retrouvèrent chacune sur le terrain. La consigne de Lucienne avait été claire. Il fallait que chacune d'entre elles s'occupent d'une seule joueuse, pendant un certain moment. Elles avaient choisi, à l'avance. Et dès que le coup d'envoi fut donné, elles se mirent devant les joueuses choisies. Elles essayèrent de les suivre mais ce n'était pas chose facile. Quand les joueuses en rouges essayèrent d'aller en attaque, les mamies footballeuses se mirent en ligne devant les cages, abandonnant le marquage de leur joueuse. Ce fut impossible pour les jeunes joueuses de s'approcher des cages. Murielle récupéra le ballon et fila, à son rythme (elle avait quand même soixante-deux ans et de hanche nouvelle après son opération) jusqu'au cage adverse. Elle passa le ballon, grâce à une longue passe, à Françoise qui était restée en retrait, toute seule, près des cages. Celle-ci, qui avait eut le temps de se positionner correctement, tira dans les cages et marqua à la surprise générale. Même si c'était son plan, faire de grandes passes pour moins se fatiguer, Lucienne fut quand même étonnée du résultat.
Match nul, s'écria, heureuse, Lucienne. Faut qu'on garde ce score maintenant !
Ça, c'était plus facile à dire qu'à faire mais c'est ce qu'elles firent. Elles avaient tout mis en défense ; empêchant ainsi les autres de marquer. Quand le coup de sifflet vint signaler la fin du match, la numéro 8 s'approcha de Lucienne pour lui serrer la main.
Bien joué. Vous avez été de bonnes adversaires. Je m'excuse pour ce que j'ai dis tout à l'heure. C'était à cause de l'entrain du match.
Lucienne lui sourit. Isabelle avait eu raison de vouloir montrer aux jeunes que ce n'est pas parce que l'on est vieille que l'on ne sert à rien.