On est venu chercher Mathilde, femme sapeur-pompier professionnelle, pour sauver une voisine de lotissement retrouvée inanimée dans sa piscine. Penchée sur elle, Mathilde répète avec application les gestes salvateurs, compressions et insufflations. En attendant l'arrivée de ses collègues, cette jeune pompière est seule, confrontée à une situation inédite pour elle ; ce n'est pas un exercice, une simulation. Faisant face à l'urgence, elle se concentre sur ses mouvements au rythme soutenu, devant être précis et réguliers. Ce cœur doit repartir. Bien sûr, nos savants expliquent la mécanique de cet organe, mais quel mystérieux déterminisme inconscient agit sur son fonctionnement ?
Au fil du temps qui passe et de la tension qui monte, Mathilde bascule progressivement dans un état second. Elle pense à la famille, aux amis, à tous les proches de la victime. Elle ne les connaît pas, mais c'est comme s'ils étaient là avec elle. Une force communautaire qu'elle canalise dans la transe primitive de ses gesticulations. En contact direct avec le cœur inerte, ses mains messagères frappent à la porte de la vie. Mathilde susurre, sans même y penser, au nom de tous : « Reviens avec nous, le monde t'aime et te réclame ».
Et puis, c'est la magie de la vie qui renaît. Un spasme, un toussotement, et le corps retrouve sa personnalité, ses émotions, son âme. Il frissonne, vibre. Des yeux interrogateurs s'ouvrent, une mâchoire tremblante tente de communiquer, bras et jambes s'agitent de façon désordonnée. Bonne nouvelle, Aude a décidé de poursuivre son aventure sur terre !
Qu'elle est belle cette femme, se dit Mathilde, euphorique comme jamais. Tout s'est déroulé comme dans un rêve ; Mathilde touche le sublime. Elle n'en revient pas d'avoir pu relancer un cœur. Combien de temps a duré son intervention ? Une minute ou une heure ? Une course contre la montre où elle a engagé tout son être et toute sa foi, pour la plus belle des victoires. Les collègues arrivent, la félicitent, « Vous avez vu, Chef, ce qu'elle a fait notre Mathilde ? »
Un mois plus tard...
Le temps réglementaire est terminé, c'est l'ultime action du match, l'action de la dernière chance car l'Olympique Rugby Plaisansac est mené de quatre points. Il faut un essai pour remporter la finale du championnat.
Démarquée sur son aile, Mathilde reçoit le ballon et voit un intervalle qui lui permettrai de concrétiser. A cet instant crucial, elle se sent investie d'une mission pour toutes les personnes qui l'ont accompagnée dans sa vie de sportive : les entraîneurs, les bénévoles qui donnent leur temps juste par amour du sport, les dirigeants, les sponsors composés de nombreuses petites entreprises locales, les supporters et bien sûr, tous les joueurs et joueuses du club. Elle est l'émissaire porteuse des espoirs de tous et doit marquer cet essai pour leur rendre un peu de ce qu'ils donnent. La fatigue et les crampes naissantes ne comptent plus, il faut atteindre le but. Ce ne sont plus les muscles qui font courir Mathilde, mais tout un collectif. Les jambes de feu, les appuis imprévisibles, déroutants, tout le talent de Mathilde pour faire la différence et déposer le ballon en terre promise. Au final, le nirvana pour l'Olympique, champion national de rugby, une première dans l'histoire du club.
Bien sûr, pour les médias, un pompier qui sauve un vie, c'est normal, c'est banal, c'est son métier. On n'en parlera pas ou peu. Une équipe féminine de rugby qui remporte un championnat amateur n'est guère plus intéressant, en dehors du microcosme local. Le lendemain de cette victoire, la presse nationale et les journaux télévisés ont préféré faire leur gros titres sur l'échange d'insultes entre deux joueurs de foot à l'entraînement. Le maillot de ce même club de foot était porté par quelques uns des types qui ont caillassé le camion des pompiers dans lequel se trouvait Mathilde un soir de retour de mission. Une scène effrayante, incompréhensible, absurde. Que représente au juste, pour ces lanceurs de cailloux, les maillots qu'ils portent avec tant d'arrogance ?
Les deux tuniques - le maillot de l'Olympique et la tenue de pompier - de Mathilde véhiculent heureusement aux yeux de beaucoup de belles valeurs parmi lesquelles l'altruisme, le don de soi, le courage. Deux vies, deux engagements pour Mathilde, sport amateur oblige. Tout comme son idole, Jessy Trémoulière, agricultrice et joueuse de rugby. Comment cette femme exceptionnelle, élue meilleure joueuse du monde de rugby de la dernière décennie, parvient-elle à concilier un travail aussi exigeant que l'élevage de bovins et le sport de haut niveau ? Une énigme pour Mathilde. Jessy est une sportive réellement exemplaire à mettre en avant.
Une semaine plus tard...
Mathilde repose le téléphone toute tremblante, incrédule. On lui propose un nouvel engagement, de nouvelles valeurs à défendre ; c'est pour elle la récompense suprême. La conversation qu'elle vient d'avoir avec la manageuse de l'équipe nationale lui apprend sa première sélection avec les bleues !
Au fil du temps qui passe et de la tension qui monte, Mathilde bascule progressivement dans un état second. Elle pense à la famille, aux amis, à tous les proches de la victime. Elle ne les connaît pas, mais c'est comme s'ils étaient là avec elle. Une force communautaire qu'elle canalise dans la transe primitive de ses gesticulations. En contact direct avec le cœur inerte, ses mains messagères frappent à la porte de la vie. Mathilde susurre, sans même y penser, au nom de tous : « Reviens avec nous, le monde t'aime et te réclame ».
Et puis, c'est la magie de la vie qui renaît. Un spasme, un toussotement, et le corps retrouve sa personnalité, ses émotions, son âme. Il frissonne, vibre. Des yeux interrogateurs s'ouvrent, une mâchoire tremblante tente de communiquer, bras et jambes s'agitent de façon désordonnée. Bonne nouvelle, Aude a décidé de poursuivre son aventure sur terre !
Qu'elle est belle cette femme, se dit Mathilde, euphorique comme jamais. Tout s'est déroulé comme dans un rêve ; Mathilde touche le sublime. Elle n'en revient pas d'avoir pu relancer un cœur. Combien de temps a duré son intervention ? Une minute ou une heure ? Une course contre la montre où elle a engagé tout son être et toute sa foi, pour la plus belle des victoires. Les collègues arrivent, la félicitent, « Vous avez vu, Chef, ce qu'elle a fait notre Mathilde ? »
Un mois plus tard...
Le temps réglementaire est terminé, c'est l'ultime action du match, l'action de la dernière chance car l'Olympique Rugby Plaisansac est mené de quatre points. Il faut un essai pour remporter la finale du championnat.
Démarquée sur son aile, Mathilde reçoit le ballon et voit un intervalle qui lui permettrai de concrétiser. A cet instant crucial, elle se sent investie d'une mission pour toutes les personnes qui l'ont accompagnée dans sa vie de sportive : les entraîneurs, les bénévoles qui donnent leur temps juste par amour du sport, les dirigeants, les sponsors composés de nombreuses petites entreprises locales, les supporters et bien sûr, tous les joueurs et joueuses du club. Elle est l'émissaire porteuse des espoirs de tous et doit marquer cet essai pour leur rendre un peu de ce qu'ils donnent. La fatigue et les crampes naissantes ne comptent plus, il faut atteindre le but. Ce ne sont plus les muscles qui font courir Mathilde, mais tout un collectif. Les jambes de feu, les appuis imprévisibles, déroutants, tout le talent de Mathilde pour faire la différence et déposer le ballon en terre promise. Au final, le nirvana pour l'Olympique, champion national de rugby, une première dans l'histoire du club.
Bien sûr, pour les médias, un pompier qui sauve un vie, c'est normal, c'est banal, c'est son métier. On n'en parlera pas ou peu. Une équipe féminine de rugby qui remporte un championnat amateur n'est guère plus intéressant, en dehors du microcosme local. Le lendemain de cette victoire, la presse nationale et les journaux télévisés ont préféré faire leur gros titres sur l'échange d'insultes entre deux joueurs de foot à l'entraînement. Le maillot de ce même club de foot était porté par quelques uns des types qui ont caillassé le camion des pompiers dans lequel se trouvait Mathilde un soir de retour de mission. Une scène effrayante, incompréhensible, absurde. Que représente au juste, pour ces lanceurs de cailloux, les maillots qu'ils portent avec tant d'arrogance ?
Les deux tuniques - le maillot de l'Olympique et la tenue de pompier - de Mathilde véhiculent heureusement aux yeux de beaucoup de belles valeurs parmi lesquelles l'altruisme, le don de soi, le courage. Deux vies, deux engagements pour Mathilde, sport amateur oblige. Tout comme son idole, Jessy Trémoulière, agricultrice et joueuse de rugby. Comment cette femme exceptionnelle, élue meilleure joueuse du monde de rugby de la dernière décennie, parvient-elle à concilier un travail aussi exigeant que l'élevage de bovins et le sport de haut niveau ? Une énigme pour Mathilde. Jessy est une sportive réellement exemplaire à mettre en avant.
Une semaine plus tard...
Mathilde repose le téléphone toute tremblante, incrédule. On lui propose un nouvel engagement, de nouvelles valeurs à défendre ; c'est pour elle la récompense suprême. La conversation qu'elle vient d'avoir avec la manageuse de l'équipe nationale lui apprend sa première sélection avec les bleues !