Toute histoire commence un jour, quelque part. C’est ainsi que l’histoire d’Alpha a vu le jour en 1992. Ce petit garçon de huit(8) ans vivait avec ses parents à Kankanmoanli, un village logé au pied de la colline de Gobnangu. Dans ce village, la plus part des chefs de famille étaient cultivateurs. Ceux qui faisaient l’exception étaient des bergers. Ali, le père d’Alpha travaillait dure chaque année dans ses champs afin de bien nourrir sa famille. Celui-ci, bien qu’étant épaulé dans ces besognes rurales par Bouba le frère d’Alpha, n’arrivait pas à produire assez pour couvrir tous les besoins de sa petite famille. Il n’était pas le seul à être dans cette situation, à ne pas pouvoir durant l’année manger à sa faim avec les rendements de ses récoltes. Comme conséquence, même les enfants de moins de dix (10) ans étaient impliqués dans les travaux champêtres dans l’espoir d’obtenir de meilleurs rendements. Cette implication des mineurs dans les travaux se faisait remarquée tant chez les parents agriculteurs que chez les parents bergers. Cette fuite de responsabilité par les parents obligeait ces adolescents à ne pas jouir de leurs droits à aller à l’école. Les enfants issues de familles cultivateurs voyaient les portes de l’école leur fermé même en période sans pluies où ils ne travaillent pas au champ avec leurs parents, mais restent dans leur camp, tournant de concession en concession jusqu’au coucher du soleil. Quant aux adolescents de parents éleveurs, ceux-ci sont derrière les animaux (bœufs et moutons) à chaque période de l’année. L’histoire de l’école dans leur vie était un rêve, car en aucun moment ils n’abandonneront pas leur bétail pour l’école, lieu, où leurs parents ne rêvent jamais être source de réussite pour un homme dans sa vie. L’avenir de ces enfants était délaissé à eux-mêmes. Les personnes immédiates à partager les peines de ces enfants étaient les techniciens d’agriculture et d’élevage qui ne cessaient d’encourager aux parents de ces derniers à prendre leur responsabilité dans la gestion de leurs biens s’ils désiraient avoir de meilleurs résultats dans leurs activités et aussi les invitaient à scolariser leurs enfants pour un avenir radieux. C’est ainsi qu’un jour tournant dans les champs pour les contrôles sur l’évolution des cultures, un agent d’agriculture trouva le petit Alpha et son frère Bouba dans un champ de coton en peine floraison. Au cours de leur échange, celui-ci découvrit que ces deux frères étaient illettrés. Cela avait poussé cet agent à poser quelques questions à ces deux garçons qui ne cessaient de lui sourire.
— Pourquoi vous n’êtes pas scolarisés ?
— Il n’y a pas d’école dans notre village. L’école se trouve à 9 kilomètres de notre village.
— Que font vos parents afin que vous puissiez avoir un encadrement scolaire ?
— Nous ne savons pas, répondirent-ils à l’agent.
— Que faites-vous donc en saison sèche ?
— Rien
Ces raisons non valables données par ces enfants en guise de réponse à ces questions posées par l’agent ne lui suffisaient pas au point qu’il attendit l’arrivée du père afin d’obtenir de lui des amples explications à ce sujet de non scolarisation d’enfants. Ce jour-là, Ali, le père de ces gosses, avait pu étancher la soif de ce monsieur qui avait jugé bon de lui rencontrer pour obtenir des informations concernant la vie de ses enfants. Les raisons du non scolarisation d’Alpha et Bouba étaient d’ordres coutumiers. Le manque de personnel pour travailler au champ, la longueur de distance à parcourir pur l’école le plus proche et le fait que les élèves s’éloigneront de leurs parents pour des raisons d’études étaient entre autres les motifs de la non scolarisation d’Alpha et Bouba. Ces motifs étaient communs à tout le reste des parents qui n’avaient pas scolarisé leurs enfants. Lorsque l’agent fini d’écouter Ali, il lui conseilla d’envoyer au moins un de ces enfants à l’école. Le plus jeune était la personne à choisir selon l’agent.
Toutes les sensibilisations menées par les agents d’agriculture et d’élevage dans le cadre de la scolarisation d’au moins la moitié d’enfants du pays étaient financés par une structure œuvrant dans le domaine de l’éducation et le développement durable. Cette structure associait aussi en cachette le volet de lutte contre le travail des mineurs, même si cela n’était pas mentionné dans le statut de leur projet. En dehors des rapports sur papier, il y avait de petits filmages associant le travail des enfants dans les champs ou derrière les animaux en brousse et celui des rencontres de sensibilisation étaient aussi le travail de ces agents. En Décembre 1992 ces rapports devraient tous parvenir à qui de droit. Ainsi les rapports sur papier étaient donc transmis suivant voie hiérarchique aux ministères de tutelles, puis aux ministères partenaires, avant d’être diffusés sur les différents sites respectifs. Certains rapports sur papier ou du numérique illustrés par des vidéos étaient diffusés sur les ondes. Ces vidéos diffusées sur la Radiotélévision du Burkina Faso (RTB) ne passeront pas inaperçues aux yeux des téléspectateurs.
Au pays des hommes intègres, la vie battait son plein cours. Du jour au lendemain, des vies s’ajoutaient à la population et c’était toujours des enfants innocents qui venaient au monde où les hommes refusent de mettre les bambins dans les meilleures conditions de vie pour fautes de moyennes disent certains pères de famille. Pendant que tous les vielles personnes pensent de quoi nourrir ses membres de familles, aller à l’école était le rêve qui revenait à l’esprit d’Alpha qui avait capté un jour au près d’un de ces amis élèves du village voisin, les opportunités qu’offrent l’école.
Les hommes touchés par les vidéos des adolescents qui passaient sur les ondes avaient, un matin du mois de Janvier 1993 décidé de venir en aide au village d’Alpha à travers une sensibilisation sur la vie scolaire : c’était l’idée murie par l’association des élèves de la région orientale du Burkina Faso. Chemin faisant pour le village d’Alpha, ces hommes roulaient dans leur vielle mini car et circulaient de village en village, s’arrêtant dans certains lieux pour manger ou pour se payer de l’eau à boire. C’est là, un soir, marchand derrière ses moutons avec une gourde suspendu à l’épaule gauche par une pièce d’écorce ; Alpha qui avait accompagné ce jour-là son ami berger au pâturage aperçu une voiture blanche roulant lentement dans le sable rouge de la route départemental qui traversait son village. Le passage de ce car en ces lieux avait dérangés ces animaux paissant dans la nature à s’enfuir vers la maison. Ces voyageurs accompagnés de quelques anciens élèves du village voisin de Kankanmoanli, étaient dès leur arrivée accueillit dans la cours du chef de village par le cri de ce même Alpha qu’ils avaient vu courir avec ses moutons à cause du vrombissement de leur moteur. Ils avaient avec eux beaucoup de matériels que les habitants de ce village les aidèrent à faire descendre du car, puis installèrent pour une projection vidéo.
Sous l’appel du chef de village, ces étrangers avaient pu dans cette même nuit-là, rencontrer tous les enfants et adolescents de ce village. Une fois tout le monde installés, le chef ouvrit la réunion puis donna la parole à cette équipe d’élèves et étudiants.
— Comme vous constatez, nous sommes là ce soir pour partager une bonne nouvelle avec vous. Avant tout propos, nous aimerions que vous nous accordez un petit temps pendant lequel nous vous ferons découvrir la raison de notre venue dans votre village, dit le chef de l’équipe à la foule.
— D’accord ! Nous vous écoutons ! lui répondit cette cohue ; à haute voix.
Le film projeté parlait de l’importance de l’école à travers la vie du protagoniste Daniel, un enfant pauvre qui plus tard dans ses études devint riche. Celui –ci, au cours des faits retracés dans le film, montrait les conditions dans lesquels ces parents l’avait malgré eux envoyé à l’école et comment par la fin il réussit à se faire une place sous le soleil à partir d’une activité qu’il menait dans un bureau d’études.
Ce groupe d’élèves et étudiants invitait la population à envoyer les enfants à l’école tout en leur promettant la construction d’une salle de classe au nom de leur association qui devrait être commencée dans deux semaines plus tard. Ils avaient ajouté que les enseignants, eux, seront affectés dans cette dite école au nom de l’état et que dans les années à venir ce dernier complétera le reste de bâtiments pour obtenir toutes les classes du CP1 à CM2, soit six au total en plus de la salle offerte par leur association. Dans ce village, il y avait des peuls et des gourmantchés. Ces étrangers étaient applaudis par ceux qui les avaient compris tandis que ceux qui déclinaient leurs conseils se moquaient d’eux. Les gens qui refoulaient l’école dans leur vie étaient trop attachés à leurs terres et bétails. Ce jour-là, Ali et Alpha étaient aussi présents à cette rencontre. Une fois la réunion close, chacun réemprunta son chemin pour regagner son domicile
Il avait fallu un mois pour que le petit Alpha et ses camarades contemplent de loin cette belle maison à plusieurs ouvertures dans les murs. Tous les parents devraient donc choisir dans leurs familles ceux qui bénéficieront des avantages de cette école que rêvent les enfants et leurs parents. A l’approche de la saison pluvieuse, Ali se posait la question à savoir celui qui allait aider Bouba son fils ainé dans les champs s’il scolarisait Alpha. Faudra-t-il incontestablement qu’il mêle son enfant dans cette affaire d’école de blanc ? –«Oui il le faudra.», lui encourageait son ami Hama à chaque fois qu’ils abordaient le sujet.
Cette saison-là, tous les petits garçons à qui la chance d’aller à l’école avait souri ; étaient très contents. Le petit mil, le maïs, le sorgho, le riz récoltés ; l’ouverture de cette école longuement discouru par les enfants et leurs parents dans les champs et collines du Gobnangou, approchait à petit pas. La rentrée scolaire de cette première promotion composée uniquement de garçons fut effective en Janvier 1994. Ce mois de repos était le bon moment pour avoir ces mêmes enfants qui travaillent dans les champs, à l’école. Ces élèves étaient des petits peuls et gourmantchés. Certains étaient des enfants de parents cultivateurs et d’autres des parents bergers. Alpha faisait partie du groupe.
Sur un effectif de 23 élèves, Alpha, le fils du gourmantché Ali fut premier de cette promotion de la classe de CP1 à la classe de CM2. Il était suivi respectivement par le fils de Hama, l’ami peul de son père puis par un petit garçon gourmantché dont le père était leur chef. Ayant obtenu des partenaires, les quelques dix premiers élèves de cette école primaire de Kankanmoanli devraient au bout de six ans d’études, se rendre à la capitale pour continuer leurs études au collège. Le transfert de ces élèves de la campagne vers la ville fut très agité pour leurs parents qui recevaient des sarcasmes de par tous ceux dont les enfants ignoraient la craie et le tableau noir de l’enseignant. Selon eux, ces petits ne leur seront plus utiles car ils ne reviendront plus travailler dans leurs champs ou ne paitront plus leurs animaux. Mais une chose était claire pour ces bons élèves et leurs parents. Ils savaient qu’ils reviendront au village chaque vacance pour prouver le contraire de ce que pensent les hommes qui ne voyait que ce qui était en face d’eux. Le fait rare que ces élèves posaient quand ils revenaient au village est qu’ils rapportaient un peu de sous pour leurs parents. Cet argent était les économies que ces élèves boursiers dès la classe de 6e faisaient afin de faire des surprises à leurs mères et pères qui les avaient tant aimé en leur donnant la chance d’aller à l’école parmi tant d’enfants qu’ils avaient. Alpha en rapportait plus car il recevait de petit cadeaux de par ci par là, pour ses performances au primaire qu’il a su garder même au collège. Il était premier de sa classe au collège. Ces avants mets tirés de l’école du blanc réjouissaient le cœur d’Ali et sa femme Possibo. Quant à Alpha, c’était son ticket de repas (diplôme du Certificat d’étude du premier cycle) qui l’égayait.
Un, deux, trois ans…ce geste était toujours croissant à chaque vacance qu’Alpha rendait visite à sa famille. Si noble soit-il, ce geste avait suscité beaucoup de débat dans tous le village. «D’où vient l’argent de ce petit Alpha et ces camarades de classe ? Nous n’avons pas vu son père l’envoyer même une fois de l’argent. Quant à l’enfant de Hama, nous n’avons jamais vu son père vendre un mouton ou une chèvre pour lui envoyer de sous. Aujourd’hui ce sont ces faméliques qui touchent les billets venus directement des mains des blancs?», étaient entre autre les mots chantés dans tous le village. Alors ces actions de reconnaissance menées par Alpha et ces amis, avaient causées tant de remords aux parents qui n’avaient aucune pensée positive sur l’école. Cela poussa tous ces parents indécis et incurieux aux bienfaits de l’école à commencer à envoyer leurs progénitures (garçons et filles cette fois-ci) à l’école francophone.
La majeure partie de la population de Kankanmoanli et ses proches s’était convaincu dès ces moments de succès des élèves de la première promotion, que l’école était aussi une porte d’entrée par où les fils et filles des pauvres peuvent passer afin d’améliorer leurs conditions de vie. Alpha était devenu une icône de référence pour son village en matière de réussite scolaire et sociale. Ce dernier et ses amis d’écoles avaient occupées de grands postes de travail dans leur pays. Avant d’être nommé fonctionnaire international, Alpha, la vache laitière du village avait déjà rendu service à beaucoup de ses concitoyens qui étaient indigent pour plusieurs raisons. Les bergers l’étaient par le fait que la gestion de leurs animaux était abandonné dans les mains des adolescents qui ne savaient pas comment paitre un animal, comment le soigner quand il est malade… et les cultivateurs par le fait que leurs champs étaient mal semés, mal cultivés…
Alpha ne cessait jamais de penser à son pays même au moment où les écoles pullulaient dans son pays et que certains élèves prenaient cours à même le sol dans les hangars délabrés par les ânes des hameaux et aussi habités par les scorpions et serpents venimeux ; en témoigne son aide à la construction de deux bâtiments d’école composés de six classes chacun.