Il fait beau ce matin. Un jeudi de mai comme je les aime, une aube fraîche, un ciel bleu, le soleil qui réchauffera l’air. Une belle journée. Je me lève avec le jour et l’envie de dévorer la vie. Mon père qui s’apprête à partir au boulot n’est pas surpris de me voir levé de si bonne heure un jour de repos. Nous sommes tous les deux du matin. J’aime ces instants, l’odeur du café et la douce odeur du savon à barbe qui flotte dans la cuisine et qui rend les joues de mon père douces et fraîches. Mon père est cheminot. La cité des cheminots avec ses écoles, son dispensaire, sa bibliothèque, son stade, sa piscine, son église, sa salle des fêtes est notre terrain de jeu, notre espace de vie. Dehors tout est calme et silencieux, une torpeur presque balzacienne. Une odeur de charbon brulé et les restes d’un panache blanc indiquent le passage récent d’une locomotive à vapeur. la cité des cheminots se pare de ses couleurs de printemps. Dans les jardins, les fleurs de saisons sont écloses. Quelques jonquilles tardives, des tulipes de toutes les couleurs et la terre noire des potagers ensemencée de légumes encore invisibles, seules sont reconnaissables les routes de pommes de terre pointant en un alignement parfait. Les haies de troènes sont vertes. Les platanes sont en feuilles, entre deux troènes les premiers boutons de roses apparaissent. La cité est composée de maisons regroupant quatre familles. Chaque famille possède un jardin potager ou d’agrément. Les trottoirs sont gravillonnés et les rues viennent d’être goudronnées, ces travaux donnent à la cité un air de résidence. Un groupe d’enfants arrive joyeux, bruyant déchirant le calme de la cité.je me joins à eux, ce matin comme tous les jeudis nous courront vers le stade. Chaque cité des cheminots a son stade plus ou moins grand suivant l’importance de la population. Le nôtre est petit par apport à celui des grandes cités comme Saint Pol sur mer ou Aulnoye mais il est notre stade, notre espace de jeu.
Le moniteur, la personne avec qui nous faisons l’éducation physique en période scolaire a aménagé au mieux l’espace disponible. Ancien joueur de football, il ne pouvait imaginer un stade sans terrain de foot. Le terrain en terre battue n’est pas aux dimensions réglementaires et les buts sont matérialisés par des cages de handball. Qu’importe ! il est pris d’assaut dès l’ouverture du stade par les grands, les plus de 12 ans. Nous, les petits nous devons nous débrouiller, alors, plutôt que de jouer au ballon prisonnier avec la monitrice, nous organisons nos rencontres. Pour le terrain nous accaparons une bande de pelouse de 20 mètres de large et du double en longueur. Quatre pulls ou accessoires récupérés au local à ballon sont posés au sol pour délimiter les buts. La ligne de touche d’un côté s’alignaient sur une haie de troènes et de l’autre au long de la piste d’athlétisme. Nous n’avons pas de ballon en cuir mais une balle en plastique, blanche quadrillée d’hexagones noirs.
Les équipes se forment très rapidement deux chefs, les plus âgés du groupe, choisissent tour à tour leurs coéquipiers. Personne ne reste sur la touche, les équipes sont très hétérogènes et parfois fortement déséquilibrées. Une organisation égalitaire où chacun est imprégné du sens du juste et de l’injuste, tricher, mentir ou pire faire mal à un plus petit peut entrainer l’exclusion du groupe. Il n’y a pas d’arbitre, les règles sont simples et respectées. Dès que le ballon touche la haie ou la piste, c’était une touche. Une main est sanctionnée par un coup franc direct ou indirect suivant la volonté du fauteur à vouloir arrêter le ballon de la main. Les heurts et bousculades font rarement l’objet d’arrêt de jeu. Si un plus grand bouscule trop violement un petit alors c’est pénalty. Les arrêts de jeu sont rares, il ne faut pas perdre de temps en bavardages et discussions. La règle implicite du jeudi est de jouer, de courir, de s’amuser. Quand le match débute, tout devient magique. La première mi-temps commençait après ces préparatifs vers 9 h et se terminait vers 11 h 30, au coup de sifflet du mono nous engageons à rentrer chez nous pour déjeuner. La seconde démarrait dès l’ouverture du stade à 14 h.
Sur ce terrain trop petit pour appliquer le hors-jeu, sans maillot pour nous repérer, la confusion règne. Il n’y a pas d’avants, ni d’arrières, même les gardiens peuvent être volant. Chacun quel que soit son âge, ses capacités veut marquer un but. Une vingtaine de gamins en short, en maillot multicolores et tennis bleus se prennent pour Kopa ou Fontaine et courent dans tous les sens, driblant maladroitement, shootant au hasard et parfois marquant un but. Pas le temps de congratuler le buteur déjà l’autre équipe engage depuis sa ligne de but. Le possesseur du ballon est hélé de toutes parts, il doit passer la balle à d’aucun pour qu’il, parce qu’il pense être mieux placé, marque. S’il ne fait pas la passe décisive attendue par la moitié de son équipe et qu’il rate son tir ne marquant pas le but, alors il est hué, à minima par ceux qui pensaient mieux jouer que lui, soit les ¾ de son équipe. Alors la sacro-sainte phrase tombe : « Voilà ! c’est comme ça quand on fait son particulier ! »
Faire son particulier, ainsi était désigné le joueur trop individuel, celui qui dans son élan n’avait pas partagé et échoué. Implicitement pour les gamins que nous étions, l’action du groupe même désordonnée était la seul façon de remporter la victoire. Le match se terminait au coup de sifflet du moniteur à 16h30. On s’arrêtait de jouer et ramenait ballons et accessoires au local.la monitrice nous demandait qui avait gagné, félicitait l’équipe gagnante et consolait les perdants.
Le score de la journée 32 à 40 faisait invariablement l’objet de discussions. Les perdants pensaient avoir mal composé leur équipe, les gagnants se remémoraient leurs meilleurs actions. Par groupe de 3 ou 4, on discutait de la prochaine rencontre et de la composition de l’équipe. Le mercato des joueurs nous occupait chemin faisant jusqu’à notre séparation.
La cité des cheminots a disparu, il ne reste plus que quelques maisons, les autres ont été démolies. Les jardins ont laissés place à des maisons ou petits collectifs. Sur le grand terrain de foot se construit un lotissement. Il reste encore un peu de cette pelouse où nous avons usé nos tennis. Au bout du stade une nouvelle salle de sport a été construite. un match de basket s’y joue. Les deux équipes s’affrontent avec ferveur et organisation. Les enfants s’appellent, se hèlent, certains font leur particulier. L’odeur du charbon brulé a disparu ! Pour eux, rien n’a changé.
Le moniteur, la personne avec qui nous faisons l’éducation physique en période scolaire a aménagé au mieux l’espace disponible. Ancien joueur de football, il ne pouvait imaginer un stade sans terrain de foot. Le terrain en terre battue n’est pas aux dimensions réglementaires et les buts sont matérialisés par des cages de handball. Qu’importe ! il est pris d’assaut dès l’ouverture du stade par les grands, les plus de 12 ans. Nous, les petits nous devons nous débrouiller, alors, plutôt que de jouer au ballon prisonnier avec la monitrice, nous organisons nos rencontres. Pour le terrain nous accaparons une bande de pelouse de 20 mètres de large et du double en longueur. Quatre pulls ou accessoires récupérés au local à ballon sont posés au sol pour délimiter les buts. La ligne de touche d’un côté s’alignaient sur une haie de troènes et de l’autre au long de la piste d’athlétisme. Nous n’avons pas de ballon en cuir mais une balle en plastique, blanche quadrillée d’hexagones noirs.
Les équipes se forment très rapidement deux chefs, les plus âgés du groupe, choisissent tour à tour leurs coéquipiers. Personne ne reste sur la touche, les équipes sont très hétérogènes et parfois fortement déséquilibrées. Une organisation égalitaire où chacun est imprégné du sens du juste et de l’injuste, tricher, mentir ou pire faire mal à un plus petit peut entrainer l’exclusion du groupe. Il n’y a pas d’arbitre, les règles sont simples et respectées. Dès que le ballon touche la haie ou la piste, c’était une touche. Une main est sanctionnée par un coup franc direct ou indirect suivant la volonté du fauteur à vouloir arrêter le ballon de la main. Les heurts et bousculades font rarement l’objet d’arrêt de jeu. Si un plus grand bouscule trop violement un petit alors c’est pénalty. Les arrêts de jeu sont rares, il ne faut pas perdre de temps en bavardages et discussions. La règle implicite du jeudi est de jouer, de courir, de s’amuser. Quand le match débute, tout devient magique. La première mi-temps commençait après ces préparatifs vers 9 h et se terminait vers 11 h 30, au coup de sifflet du mono nous engageons à rentrer chez nous pour déjeuner. La seconde démarrait dès l’ouverture du stade à 14 h.
Sur ce terrain trop petit pour appliquer le hors-jeu, sans maillot pour nous repérer, la confusion règne. Il n’y a pas d’avants, ni d’arrières, même les gardiens peuvent être volant. Chacun quel que soit son âge, ses capacités veut marquer un but. Une vingtaine de gamins en short, en maillot multicolores et tennis bleus se prennent pour Kopa ou Fontaine et courent dans tous les sens, driblant maladroitement, shootant au hasard et parfois marquant un but. Pas le temps de congratuler le buteur déjà l’autre équipe engage depuis sa ligne de but. Le possesseur du ballon est hélé de toutes parts, il doit passer la balle à d’aucun pour qu’il, parce qu’il pense être mieux placé, marque. S’il ne fait pas la passe décisive attendue par la moitié de son équipe et qu’il rate son tir ne marquant pas le but, alors il est hué, à minima par ceux qui pensaient mieux jouer que lui, soit les ¾ de son équipe. Alors la sacro-sainte phrase tombe : « Voilà ! c’est comme ça quand on fait son particulier ! »
Faire son particulier, ainsi était désigné le joueur trop individuel, celui qui dans son élan n’avait pas partagé et échoué. Implicitement pour les gamins que nous étions, l’action du groupe même désordonnée était la seul façon de remporter la victoire. Le match se terminait au coup de sifflet du moniteur à 16h30. On s’arrêtait de jouer et ramenait ballons et accessoires au local.la monitrice nous demandait qui avait gagné, félicitait l’équipe gagnante et consolait les perdants.
Le score de la journée 32 à 40 faisait invariablement l’objet de discussions. Les perdants pensaient avoir mal composé leur équipe, les gagnants se remémoraient leurs meilleurs actions. Par groupe de 3 ou 4, on discutait de la prochaine rencontre et de la composition de l’équipe. Le mercato des joueurs nous occupait chemin faisant jusqu’à notre séparation.
La cité des cheminots a disparu, il ne reste plus que quelques maisons, les autres ont été démolies. Les jardins ont laissés place à des maisons ou petits collectifs. Sur le grand terrain de foot se construit un lotissement. Il reste encore un peu de cette pelouse où nous avons usé nos tennis. Au bout du stade une nouvelle salle de sport a été construite. un match de basket s’y joue. Les deux équipes s’affrontent avec ferveur et organisation. Les enfants s’appellent, se hèlent, certains font leur particulier. L’odeur du charbon brulé a disparu ! Pour eux, rien n’a changé.