Basée sur des faits réel, voici l'histoire de trois femmes battantes. Parties à la recherche d'un avenir meilleur pour elles mêmes et pour leur leur descendance, elles firent face à toute sorte d'adversités, avec courage et détermination.
Dans mon pays natal, L’Argentine, la croyance populaire attribue une âme aux plantes, une âme avec tout ce que cela comporte de sentiments, d’émotions, de souffrances, de spiritualité et de sagesse. Il y existe même un langage des plantes.
Je vous raconterai une histoire de famille, dans laquelle s’est manifesté le fait que toute l’affection puisse se transmettre, zigzaguant à travers les frontières les plus lointaines, par l’intermédiaire d’une plante, et ceci de génération en génération, d’une arrière grand-mère jusqu’à ses arrières petits enfants. Il s’agit d’une merveilleuse histoire d’amour filial et de courage. L’arrière grand-mère est ma grand-mère, la grand-mère est ma mère, la mère c’est moi-même et les arrières petits enfants sont mes enfants.
Dès qu’elle est arrivée de Russie en Argentine, au tout début du 20éme siècle, ma grand-mère, éprise comme elle l’avait toujours été des plantes, se mit à en planter beaucoup dans des pots de fleurs, faute de jardin..., et à les soigner comme s’il s’agissait de personnes...
Parmi celles qu’elle préférait, il y avait ce joli laurier rose. C’était la seule bouture qu’elle avait pu ramener de sa terre natale. La seule qu’elle avait pu conserver et sauver de l’hécatombe causée par les pogroms, pour la transporter dans ce cargo qui allait les faire traverser des frontières, elle, son époux et leur bébé de huit mois, pendant beaucoup de nuits et beaucoup de jours d’océan, vers d’autres horizons.
En Argentine, si loin pourtant de chez lui, il poussait très bien et nous donnait, chaque été, une quantité incroyable de belles fleurs qui ornaient et parfumaient notre patio.
Ma mère avait hérité de la sienne cet amour incommensurable des plantes et, traditions locales aidant, elle leur parlait, leur demandait même des conseils et écrivait à leur intention de très jolis poèmes. Quand elle épousa mon père, elle fit une bouture du laurier rose qui, tout comme sa plante mère, se mit à pousser et à fleurir de plus belle.
Ma grand-mère mourut à l’âge de soixante douze ans, quand j’avais, moi, dix ans. Ne l’ayant plus à ses côtés pour discuter et lui demander conseil, ma mère garda le contact par l’intermédiaire de la plante. Vous vous demanderez comment elle faisait ? Et bien, voici : ma mère avait créé un vocabulaire qui leur était propre, à elle et à ses plantes ; elle posait des questions ou demandait des conseils, ou encore racontait des nouvelles, en murmurant très près des branches, tout en les arrosant et en s’occupant d’elles avec le même amour immense que ma grand-mère leur donnait. Après, selon le moment ou la façon dont elles fleurissaient, ma mère interprétait leur réponse, c'est-à-dire la réponse de sa mère... Il leur était arrivé, plusieurs fois, de donner un bouton de fleur à une période de l’année qui ne correspondait pas du tout à celle de la floraison...elles fleurissaient juste pour continuer le dialogue avec ma mère...
A mon tour, à vingt et un ans à peine révolus, je me mariai et je quittai la maison de mes parents. Notre première fille naquit deux années plus tard, en plein été. Pour nous rendre visite à la maternité, ma mère avait coupé une fleur du laurier rose, qu’elle m’apporta avec une carte : « Con amor, de une flamante abuela, para su hija que ya es madre » ( « Avec amour, d’une toute nouvelle grand-mère, pour sa fille qui est déjà mère ».)
Deux années s’écoulèrent encore et notre deuxième fille vit le jour. Pendant mon séjour à la maternité, ma mère avait gardé chez elle Valeria, l’aînée. Lorsqu'elle l’amena pour faire connaissance de sa petite sœur, elle coupa et nous apporta deux fleurs avec une carte : « Una flor para mi mamita y otra para mi hermanita, con amor, Valeria. » ( « Une fleur pour ma petite maman et une autre pour ma petite sœur, avec amour, Valeria ».)
Sept ans plus tard, mon mari et moi décidions, pour des raisons professionnelles, de partir au delà des frontières, de traverser en bateau encore, tout comme nos ancêtres, des jours et des nuits d’océan, pour chercher d‘autres horizons... Nous avons donc quitté notre Argentine natale, pour nous installer en France avec nos filles.
Lorsque je dis à ma mère que je voulais emporter avec moi quelque chose qui représenterait la chère famille que j’allais quitter, elle me proposa d’amener une bouture de laurier... Comme ma grand-mère l’avait fait plus de cinquante ans avant moi, j’allais transporter cette bouture dans un bateau... De retour vers l’Europe, son continent d’origine, cette descendante de la plante mère allait encore franchir des frontières, fermer la boucle.... Pendant seize jours et seize nuits, la bouture resta dans notre cabine, la tige plongée dans un verre d’eau.
Notre destination était la ville d’Amiens, où nous sommes arrivés en septembre 1976. Une fois installés, nous devions laisser la bouture encore dans l’eau, en attendant qu’elle fasse assez de racines pour être plantée dans un pot.
En décembre de la même année, trois mois après notre arrivée en France, ma mère, âgée de cinquante neuf ans, décédait soudainement, en Argentine, victime d’une embolie pulmonaire, sans que nous puissions la revoir ni même assister à ses obsèques. Je vous laisse imaginer quels furent notre chagrin et notre détresse... Mais il fallait aller de l'avant.
Quelques mois après, au moment propice, nous plantâmes le laurier dans un pot. Je me mis à lui prodiguer des soins et un amour aussi intense que celui que lui portaient ma mère et ma grand-mère. Cet amour, il me le rendait en poussant très bien, mais le climat amiénois ne lui convenant pas, j’attendais en vain qu’il nous donne des fleurs....
Notre fils, le seul de la famille qui est né en France, vint au monde le 9 janvier 1979.
Parti chercher quelques affaires de bébé à la maison, mon mari, de retour à la maternité, pâle et tremblant d’émotion, me raconta ce qu’il venait de voir. La commode que nous avions installée pour le petit était surmontée d’un miroir. Le mur où s’appuyait le pot du laurier rose était placé juste en face de cette glace. Si bien que, au moment de fermer le tiroir, en relevant la tête, il fit face au miroir et vit, reflétée derrière sa propre image, celle du laurier avec un petit bouton rose qui pointait timidement à une branche... Six jours plus tard, pour notre retour à la maison, la fleur était complètement éclose avec son merveilleux message d’amour, sans carte cette fois ci, mais non pas moins éloquent...
Après, il y a eu « des enfants » de ce laurier chez moi et chez chacune de mes deux filles...Mais je n’ai pas eu d’autres enfants, et le laurier n’a plus jamais fleuri...
Pendant 20 ans il n’avait plus jamais fleuri...
A son tour, en mai 1999, Alexandre, mon cher juif errant de fils, a décidé lui aussi de traverser des frontières. Il est parti vivre en Israël.
Le seul laurier encore vivant était à Paris, chez notre fille Natacha. Celui de Valeria et le mien n’ont pas pu survivre...Parmi nous trois, c’est Natacha qui a toujours aimé le plus les plantes, qui s’en occupé d’une façon très proche à celle de sa grand-mère et de son arrière grand-mère. Pour le départ de son frère, elle était allée à Amiens, lui dire au revoir. Rentrée à Paris, de retour à son appartement, elle a retrouvé son laurier, notre laurier rose, avec trois boutons...
Depuis la naissance d’Alexandre, c’est la première fois qu’il refleuri...
Maintenant, moi, j’ n’ose plus dire « il n’a plus jamais fleuri »...parce que...qui sait ? peut-être, qu'à d’autres occasions importantes pour notre famille, nos chères mères, grand mères et arrières grand mères, elles nous enverrons encore et encore, à travers des frontières bien plus lointaines que celles de notre planète, d’autres messages aussi pleins de courage et d’amour que ceux que nous avons déjà reçus.
Dans mon pays natal, L’Argentine, la croyance populaire attribue une âme aux plantes, une âme avec tout ce que cela comporte de sentiments, d’émotions, de souffrances, de spiritualité et de sagesse. Il y existe même un langage des plantes.
Je vous raconterai une histoire de famille, dans laquelle s’est manifesté le fait que toute l’affection puisse se transmettre, zigzaguant à travers les frontières les plus lointaines, par l’intermédiaire d’une plante, et ceci de génération en génération, d’une arrière grand-mère jusqu’à ses arrières petits enfants. Il s’agit d’une merveilleuse histoire d’amour filial et de courage. L’arrière grand-mère est ma grand-mère, la grand-mère est ma mère, la mère c’est moi-même et les arrières petits enfants sont mes enfants.
Dès qu’elle est arrivée de Russie en Argentine, au tout début du 20éme siècle, ma grand-mère, éprise comme elle l’avait toujours été des plantes, se mit à en planter beaucoup dans des pots de fleurs, faute de jardin..., et à les soigner comme s’il s’agissait de personnes...
Parmi celles qu’elle préférait, il y avait ce joli laurier rose. C’était la seule bouture qu’elle avait pu ramener de sa terre natale. La seule qu’elle avait pu conserver et sauver de l’hécatombe causée par les pogroms, pour la transporter dans ce cargo qui allait les faire traverser des frontières, elle, son époux et leur bébé de huit mois, pendant beaucoup de nuits et beaucoup de jours d’océan, vers d’autres horizons.
En Argentine, si loin pourtant de chez lui, il poussait très bien et nous donnait, chaque été, une quantité incroyable de belles fleurs qui ornaient et parfumaient notre patio.
Ma mère avait hérité de la sienne cet amour incommensurable des plantes et, traditions locales aidant, elle leur parlait, leur demandait même des conseils et écrivait à leur intention de très jolis poèmes. Quand elle épousa mon père, elle fit une bouture du laurier rose qui, tout comme sa plante mère, se mit à pousser et à fleurir de plus belle.
Ma grand-mère mourut à l’âge de soixante douze ans, quand j’avais, moi, dix ans. Ne l’ayant plus à ses côtés pour discuter et lui demander conseil, ma mère garda le contact par l’intermédiaire de la plante. Vous vous demanderez comment elle faisait ? Et bien, voici : ma mère avait créé un vocabulaire qui leur était propre, à elle et à ses plantes ; elle posait des questions ou demandait des conseils, ou encore racontait des nouvelles, en murmurant très près des branches, tout en les arrosant et en s’occupant d’elles avec le même amour immense que ma grand-mère leur donnait. Après, selon le moment ou la façon dont elles fleurissaient, ma mère interprétait leur réponse, c'est-à-dire la réponse de sa mère... Il leur était arrivé, plusieurs fois, de donner un bouton de fleur à une période de l’année qui ne correspondait pas du tout à celle de la floraison...elles fleurissaient juste pour continuer le dialogue avec ma mère...
A mon tour, à vingt et un ans à peine révolus, je me mariai et je quittai la maison de mes parents. Notre première fille naquit deux années plus tard, en plein été. Pour nous rendre visite à la maternité, ma mère avait coupé une fleur du laurier rose, qu’elle m’apporta avec une carte : « Con amor, de une flamante abuela, para su hija que ya es madre » ( « Avec amour, d’une toute nouvelle grand-mère, pour sa fille qui est déjà mère ».)
Deux années s’écoulèrent encore et notre deuxième fille vit le jour. Pendant mon séjour à la maternité, ma mère avait gardé chez elle Valeria, l’aînée. Lorsqu'elle l’amena pour faire connaissance de sa petite sœur, elle coupa et nous apporta deux fleurs avec une carte : « Una flor para mi mamita y otra para mi hermanita, con amor, Valeria. » ( « Une fleur pour ma petite maman et une autre pour ma petite sœur, avec amour, Valeria ».)
Sept ans plus tard, mon mari et moi décidions, pour des raisons professionnelles, de partir au delà des frontières, de traverser en bateau encore, tout comme nos ancêtres, des jours et des nuits d’océan, pour chercher d‘autres horizons... Nous avons donc quitté notre Argentine natale, pour nous installer en France avec nos filles.
Lorsque je dis à ma mère que je voulais emporter avec moi quelque chose qui représenterait la chère famille que j’allais quitter, elle me proposa d’amener une bouture de laurier... Comme ma grand-mère l’avait fait plus de cinquante ans avant moi, j’allais transporter cette bouture dans un bateau... De retour vers l’Europe, son continent d’origine, cette descendante de la plante mère allait encore franchir des frontières, fermer la boucle.... Pendant seize jours et seize nuits, la bouture resta dans notre cabine, la tige plongée dans un verre d’eau.
Notre destination était la ville d’Amiens, où nous sommes arrivés en septembre 1976. Une fois installés, nous devions laisser la bouture encore dans l’eau, en attendant qu’elle fasse assez de racines pour être plantée dans un pot.
En décembre de la même année, trois mois après notre arrivée en France, ma mère, âgée de cinquante neuf ans, décédait soudainement, en Argentine, victime d’une embolie pulmonaire, sans que nous puissions la revoir ni même assister à ses obsèques. Je vous laisse imaginer quels furent notre chagrin et notre détresse... Mais il fallait aller de l'avant.
Quelques mois après, au moment propice, nous plantâmes le laurier dans un pot. Je me mis à lui prodiguer des soins et un amour aussi intense que celui que lui portaient ma mère et ma grand-mère. Cet amour, il me le rendait en poussant très bien, mais le climat amiénois ne lui convenant pas, j’attendais en vain qu’il nous donne des fleurs....
Notre fils, le seul de la famille qui est né en France, vint au monde le 9 janvier 1979.
Parti chercher quelques affaires de bébé à la maison, mon mari, de retour à la maternité, pâle et tremblant d’émotion, me raconta ce qu’il venait de voir. La commode que nous avions installée pour le petit était surmontée d’un miroir. Le mur où s’appuyait le pot du laurier rose était placé juste en face de cette glace. Si bien que, au moment de fermer le tiroir, en relevant la tête, il fit face au miroir et vit, reflétée derrière sa propre image, celle du laurier avec un petit bouton rose qui pointait timidement à une branche... Six jours plus tard, pour notre retour à la maison, la fleur était complètement éclose avec son merveilleux message d’amour, sans carte cette fois ci, mais non pas moins éloquent...
Après, il y a eu « des enfants » de ce laurier chez moi et chez chacune de mes deux filles...Mais je n’ai pas eu d’autres enfants, et le laurier n’a plus jamais fleuri...
Pendant 20 ans il n’avait plus jamais fleuri...
A son tour, en mai 1999, Alexandre, mon cher juif errant de fils, a décidé lui aussi de traverser des frontières. Il est parti vivre en Israël.
Le seul laurier encore vivant était à Paris, chez notre fille Natacha. Celui de Valeria et le mien n’ont pas pu survivre...Parmi nous trois, c’est Natacha qui a toujours aimé le plus les plantes, qui s’en occupé d’une façon très proche à celle de sa grand-mère et de son arrière grand-mère. Pour le départ de son frère, elle était allée à Amiens, lui dire au revoir. Rentrée à Paris, de retour à son appartement, elle a retrouvé son laurier, notre laurier rose, avec trois boutons...
Depuis la naissance d’Alexandre, c’est la première fois qu’il refleuri...
Maintenant, moi, j’ n’ose plus dire « il n’a plus jamais fleuri »...parce que...qui sait ? peut-être, qu'à d’autres occasions importantes pour notre famille, nos chères mères, grand mères et arrières grand mères, elles nous enverrons encore et encore, à travers des frontières bien plus lointaines que celles de notre planète, d’autres messages aussi pleins de courage et d’amour que ceux que nous avons déjà reçus.