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Septembre 2032. Je travaillais alors pour Avenia, une société scientifique qui avait pour motivation d'élever la condition de l'Homme par des modifications génétiques ou technologiques. Que ce soit de simples prothèses ou l'atteinte de l'immortalité, leur champ de recherches était vaste. Si je rédige ce rapport, ce n'est pas pour vous convaincre qu'Avenia portait en elle le salut de l'humanité. Elle a d'ailleurs fait faillite. Ce n'est pas non plus pour la dénoncer et confirmer les nombreuses théories complotistes autour de ses dirigeants. Si j'écris ces lignes, c'est pour partager les événements auxquels j'ai assisté au cours d'une expérience en particulier. J'ai été témoin d'un phénomène que certains qualifieraient de surnaturel, de démoniaque ou de divin, selon les croyances de chacun. J'étais aux premières loges pour l'observer, et j'ai reçu une grosse somme pour garder le silence. Mais la vérité ne peut être tue indéfiniment. Je ne peux vivre avec l'idée que celle-ci ne soit jamais dévoilée par ma faute. Il est de mon devoir de révéler ce qu'il s'est passé sous le célèbre Dôme érigé par Avenia. J'écris ces lignes pour que subsistent les résultats de ce qu'on a intitulé le projet « Xen VI ».
On avait inventé des drogues hautement instables. Leurs compositions n'ont jamais été révélées, ce qui augmentait davantage la méfiance à l'égard d'Avenia. Sept de ces toxines allaient être administrées sur des sujets humains dans le but de développer des capacités surhumaines. On promettait aux volontaires une récompense financière à la hauteur des risques encourus. Et ces derniers étaient autrement nombreux. Le contrat stipulait clairement que ce n'était pas sans danger. Ceux qui s'engageaient dans cette aventure décidaient de consacrer une année entière sous observation constante, tout en ingérant des substances dont nul ne pouvait garantir les répercussions. En échange, ils recevaient un dédommagement suffisamment considérable pour que ni leurs enfants ni leurs petits-enfants n'aient à travailler de leur vie. Si tant est qu'ils survivent à cette année sous le Dôme. Des cobayes suffisamment courageux, inconscients, désespérés ou ayant une raison plus ou moins justifiée de mettre leur existence entre les mains d'Avenia allaient se soumettre à leurs tests sans la certitude d'en sortir vivants.
La drogue numéro sept attisait particulièrement ma curiosité. Je ne savais pas quel était l'effet produit par cette substance. Très peu de gens le savaient. Je devinais qu'elle devait être encore moins fiable que les autres – ce qui est révélateur du danger qu'elle représentait – car elle ne serait testée que sur deux sujets. J'étais loin de me douter de la tournure que ce binôme allait prendre.
Le Dôme a fait beaucoup de bruit lorsque sa construction a été annoncée. Il était bien plus agréable et accueillant que ce que le grand public devait imaginer : des salles de détente, une bibliothèque bien fournie, de quoi faire du sport, un grand espace vert et j'en passe. Les loisirs étaient nombreux et les conditions de logement confortables. Tout cela avait pour objectif de permettre aux résidents de ne pas changer leurs habitudes afin de voir si les drogues qu'ils consommaient quotidiennement amplifiaient leurs capacités motrices ou intellectuelles.
Pendant les premiers mois, l'expérience ne donna strictement aucun résultat. À part quelques fausses alertes, l'un des résidents se prenant à tort pour un génie ou un athlète hors pair, tout semblait sous contrôle. Chaque surveillant, moi y compris, était muni d'une alarme à déclencher en cas d'incident ou au contraire si un phénomène digne d'intérêt venait à se produire. S'il n'y avait aucun incident majeur à regretter, les têtes pensantes d'Avenia commençaient toutefois à perdre patience. On augmentait régulièrement la quantité de drogues à administrer. Les coûts entraînés par le projet étaient vertigineux, il leur fallait des résultats.
Ce jour-là, j'étais affectée à la surveillance de Morgane, l'une des deux membres du groupe sept. Comme souvent, elle passait le plus clair de son temps à se promener dans le parc. Il faut dire que, ne connaissant pas les effets supposés de la toxine qu'elle consommait, il lui était difficile de sélectionner des activités spécifiques pour les provoquer. Elle s'émerveillait devant la végétation aménagée dans le grand parc central. On discutait souvent quand je m'occupais d'elle. J'étais une des seules femmes de l'équipe, ce qui facilitait nos interactions. Morgane était une jeune fille adorable, mais tourmentée depuis son arrivée sous le Dôme. Elle me racontait le sentiment de futilité qu'elle ressentait. Des mois de sacrifice, pourtant elle ne percevait aucune différence. Elle avait besoin de se sentir utile. Je lui demandai pourquoi elle venait si souvent s'asseoir sur les bancs du parc. Elle hésita et murmura qu'elle se sentait attirée par la nature, que c'était ici qu'elle se sentait le mieux. Parfois, c'était comme si elle ressentait les mêmes émotions que la végétation autour d'elle. Elle la comprenait et compatissait avec elle.
Je m'apprêtais à la laisser à ses songeries lorsqu'elle m'interpela. « Tess, attends un instant. Je... Je sens quelque chose. » Je me retournai et l'observai avec attention. Elle semblait concentrée, mais je ne voyais rien, alors j'observai son visage et j'en fus convaincue : elle s'éveillait. Morgane s'accroupit et tendit sa main vers le sol. Je ressentis alors une brise soulever mes cheveux. Des frissons parcouraient mon corps. Je m'approchai et scrutai le même endroit que Morgane, sans voir ce qu'elle voyait. C'était comme si un voile recouvrait ma cornée. Cette situation insolite dura plusieurs minutes, je devenais de plus en plus alerte à l'environnement. Le voile se leva enfin. Aussi imperceptible que cela puisse paraître, je pris conscience de l'herbe qui poussait, de chaque brin près de la main de Morgane qui grandissait à vue d'œil. Je dirigeai ma main tremblante vers l'alarme qui pendait à ma ceinture et pressai le bouton. Une tige en particulier s'allongeait de plus en plus et je vis un bourgeon se former à son extrémité. L'un des superviseurs arriva. S'attendant certainement à un spectacle d'une tout autre nature, il me jeta un regard interrogatif, ce à quoi je répondis en lui intimant de garder le silence. Morgane plaça sa main au-dessus du bourgeon qui venait de se former, toujours aussi focalisée sur les plantes autour d'elle. J'anticipais ce qui allait suivre sans oser l'espérer, de peur que tout s'effondre. En quelques secondes à peine, cette simple tige s'épanouit, révélant une magnifique fleur pourpre. Je n'en croyais pas mes yeux.
J'étais très contente d'avoir eu le réflexe d'appeler mon collègue, tout aussi médusé, car j'aurais douté de mes propres sens si quelqu'un d'autre n'avait pas assisté à ce miracle. Dans les instants qui suivirent, Morgane fit pousser d'autres plantes, et parvint même à donner naissance à un bouquet directement depuis la paume de sa main. On aurait dit un spectacle de magie, à la différence près que les magiciens ont tous des subterfuges.
Des hauts placés que je n'avais jamais rencontrés me convoquèrent dès qu'ils eurent vent de cette histoire. Je leur racontai toute la scène sans épargner le moindre détail. Mon auditoire était subjugué. L'un d'eux me questionna : « Ce lien avec la nature ne correspond avec aucune des drogues que nous testons. De quel groupe cette jeune fille est-elle issue ? » Quand je leur répondis qu'elle était l'une des deux membres du groupe sept, je me sentis immédiatement acculée par tous les regards qui s'étaient tournés vers moi, stupéfaits. Je pense que j'aurais réagi pareillement si j'avais été à leur place. On m'apprit rapidement que la drogue numéro sept, sur laquelle circulaient toutes sortes de rumeurs, n'avait pas d'effet prédéterminé. Morgane, unique succès de l'expérience, était soumise à la seule drogue qui, loin d'être instable et inconnue, était en fait une substance placébo.
On avait inventé des drogues hautement instables. Leurs compositions n'ont jamais été révélées, ce qui augmentait davantage la méfiance à l'égard d'Avenia. Sept de ces toxines allaient être administrées sur des sujets humains dans le but de développer des capacités surhumaines. On promettait aux volontaires une récompense financière à la hauteur des risques encourus. Et ces derniers étaient autrement nombreux. Le contrat stipulait clairement que ce n'était pas sans danger. Ceux qui s'engageaient dans cette aventure décidaient de consacrer une année entière sous observation constante, tout en ingérant des substances dont nul ne pouvait garantir les répercussions. En échange, ils recevaient un dédommagement suffisamment considérable pour que ni leurs enfants ni leurs petits-enfants n'aient à travailler de leur vie. Si tant est qu'ils survivent à cette année sous le Dôme. Des cobayes suffisamment courageux, inconscients, désespérés ou ayant une raison plus ou moins justifiée de mettre leur existence entre les mains d'Avenia allaient se soumettre à leurs tests sans la certitude d'en sortir vivants.
La drogue numéro sept attisait particulièrement ma curiosité. Je ne savais pas quel était l'effet produit par cette substance. Très peu de gens le savaient. Je devinais qu'elle devait être encore moins fiable que les autres – ce qui est révélateur du danger qu'elle représentait – car elle ne serait testée que sur deux sujets. J'étais loin de me douter de la tournure que ce binôme allait prendre.
Le Dôme a fait beaucoup de bruit lorsque sa construction a été annoncée. Il était bien plus agréable et accueillant que ce que le grand public devait imaginer : des salles de détente, une bibliothèque bien fournie, de quoi faire du sport, un grand espace vert et j'en passe. Les loisirs étaient nombreux et les conditions de logement confortables. Tout cela avait pour objectif de permettre aux résidents de ne pas changer leurs habitudes afin de voir si les drogues qu'ils consommaient quotidiennement amplifiaient leurs capacités motrices ou intellectuelles.
Pendant les premiers mois, l'expérience ne donna strictement aucun résultat. À part quelques fausses alertes, l'un des résidents se prenant à tort pour un génie ou un athlète hors pair, tout semblait sous contrôle. Chaque surveillant, moi y compris, était muni d'une alarme à déclencher en cas d'incident ou au contraire si un phénomène digne d'intérêt venait à se produire. S'il n'y avait aucun incident majeur à regretter, les têtes pensantes d'Avenia commençaient toutefois à perdre patience. On augmentait régulièrement la quantité de drogues à administrer. Les coûts entraînés par le projet étaient vertigineux, il leur fallait des résultats.
Ce jour-là, j'étais affectée à la surveillance de Morgane, l'une des deux membres du groupe sept. Comme souvent, elle passait le plus clair de son temps à se promener dans le parc. Il faut dire que, ne connaissant pas les effets supposés de la toxine qu'elle consommait, il lui était difficile de sélectionner des activités spécifiques pour les provoquer. Elle s'émerveillait devant la végétation aménagée dans le grand parc central. On discutait souvent quand je m'occupais d'elle. J'étais une des seules femmes de l'équipe, ce qui facilitait nos interactions. Morgane était une jeune fille adorable, mais tourmentée depuis son arrivée sous le Dôme. Elle me racontait le sentiment de futilité qu'elle ressentait. Des mois de sacrifice, pourtant elle ne percevait aucune différence. Elle avait besoin de se sentir utile. Je lui demandai pourquoi elle venait si souvent s'asseoir sur les bancs du parc. Elle hésita et murmura qu'elle se sentait attirée par la nature, que c'était ici qu'elle se sentait le mieux. Parfois, c'était comme si elle ressentait les mêmes émotions que la végétation autour d'elle. Elle la comprenait et compatissait avec elle.
Je m'apprêtais à la laisser à ses songeries lorsqu'elle m'interpela. « Tess, attends un instant. Je... Je sens quelque chose. » Je me retournai et l'observai avec attention. Elle semblait concentrée, mais je ne voyais rien, alors j'observai son visage et j'en fus convaincue : elle s'éveillait. Morgane s'accroupit et tendit sa main vers le sol. Je ressentis alors une brise soulever mes cheveux. Des frissons parcouraient mon corps. Je m'approchai et scrutai le même endroit que Morgane, sans voir ce qu'elle voyait. C'était comme si un voile recouvrait ma cornée. Cette situation insolite dura plusieurs minutes, je devenais de plus en plus alerte à l'environnement. Le voile se leva enfin. Aussi imperceptible que cela puisse paraître, je pris conscience de l'herbe qui poussait, de chaque brin près de la main de Morgane qui grandissait à vue d'œil. Je dirigeai ma main tremblante vers l'alarme qui pendait à ma ceinture et pressai le bouton. Une tige en particulier s'allongeait de plus en plus et je vis un bourgeon se former à son extrémité. L'un des superviseurs arriva. S'attendant certainement à un spectacle d'une tout autre nature, il me jeta un regard interrogatif, ce à quoi je répondis en lui intimant de garder le silence. Morgane plaça sa main au-dessus du bourgeon qui venait de se former, toujours aussi focalisée sur les plantes autour d'elle. J'anticipais ce qui allait suivre sans oser l'espérer, de peur que tout s'effondre. En quelques secondes à peine, cette simple tige s'épanouit, révélant une magnifique fleur pourpre. Je n'en croyais pas mes yeux.
J'étais très contente d'avoir eu le réflexe d'appeler mon collègue, tout aussi médusé, car j'aurais douté de mes propres sens si quelqu'un d'autre n'avait pas assisté à ce miracle. Dans les instants qui suivirent, Morgane fit pousser d'autres plantes, et parvint même à donner naissance à un bouquet directement depuis la paume de sa main. On aurait dit un spectacle de magie, à la différence près que les magiciens ont tous des subterfuges.
Des hauts placés que je n'avais jamais rencontrés me convoquèrent dès qu'ils eurent vent de cette histoire. Je leur racontai toute la scène sans épargner le moindre détail. Mon auditoire était subjugué. L'un d'eux me questionna : « Ce lien avec la nature ne correspond avec aucune des drogues que nous testons. De quel groupe cette jeune fille est-elle issue ? » Quand je leur répondis qu'elle était l'une des deux membres du groupe sept, je me sentis immédiatement acculée par tous les regards qui s'étaient tournés vers moi, stupéfaits. Je pense que j'aurais réagi pareillement si j'avais été à leur place. On m'apprit rapidement que la drogue numéro sept, sur laquelle circulaient toutes sortes de rumeurs, n'avait pas d'effet prédéterminé. Morgane, unique succès de l'expérience, était soumise à la seule drogue qui, loin d'être instable et inconnue, était en fait une substance placébo.
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