L'Archifou

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Un peu aventurier, un peu rêveur et vraiment étourdi, je vadrouille à travers le monde à la recherche d'un je-ne-sais-quoi je-ne-sais-où... et puis de temps en temps, j'écris !

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Dans un village aux abords de Bergerac vivait un homme qu'on appelait l'Archifou. Il était arrivé un jour de pluie, par le train de midi, avec un drôle de parapluie en forme d'entonnoir et une valise qui faisait du bruit. Son arrivée avait fait naître les plus folles rumeurs et chacun se demandait qui était ce curieux personnage, sans pour autant oser lui parler.
Un jour, à la mairie, nous reçûmes une lettre qui lui était adressée. Personne ne voulut se charger de la lui remettre et ce fut moi qui, à la fois par curiosité et par devoir, me rendis chez lui. Notre étrange étranger à l'allure excentrique avait décidé d'élire domicile dans le vieux manoir qui siégeait sur la colline surplombant la ville. J'empruntai donc la route des tilleuls et me retrouvai devant une sorte de château biscornu au portail rouillé et délabré. Je m'apprêtai à déposer ma lettre lorsque j'entendis une formidable explosion provenant du bâtiment. Je m'écriai alors :
— Hé l'Archifou ! Tout va bien ?
N'ayant pas de réponse, je me décidai à entrer pour m'assurer que rien de grave n'était arrivé. Je poussai le vieux portail, montai les marches du perron et ouvris la lourde porte en bois. Le hall était sombre et envahi par des objets qui semblaient venir des quatre coins du monde. J'y trouvai des globes terrestres, une colonie de fourmis, des meubles aux motifs orientaux et des fioles en tout genre. Après m'être frayé un chemin à travers ce labyrinthe de bizarreries, j'arrivai dans une salle à manger remplie elle aussi d'une kyrielle de curiosités. Puis mon œil fut attiré par la fumée qui s'élevait au-dehors. Je sortis et me retrouvai alors nez à nez avec un engin extraordinaire. Une sorte de goélette soutenue par un enchevêtrement de poutres retenait deux énormes ballons en toile beige. La fumée semblait émaner de l'embarcation.
— Tout va bien là-dedans ?
Une tête hirsute surmontée de deux grosses lunettes et ornée d'une épaisse moustache blanche émergea.
— Oh ! bonjour mon petit ! Attendez un instant.
L'homme se leva, descendit de son drôle de perchoir et vint m'accueillir en me tendant sa main.
— Archimède, enchanté mon petit. Que me vaut l'honneur de votre visite ?
— J'ai... J'ai une lettre pour vous, bégayai-je sans trop savoir pourquoi.
— Ah ! merci bien. Il prit la lettre et l'ouvrit. Il rit et me montra le contenu de l'enveloppe. Elle était vide.
— Je ne comprends pas, dis-je, perplexe.
— C'est un ami qui m'envoie du courage, et chacun sait que le courage est impalpable ! On respire un bon coup, et en avant ! C'est tout.
Puis, surprenant mon regard interloqué devant son engin non conventionnel et sa drôle d'histoire, il expliqua :
— Ceci est mon aéronef. Une machine que j'ai fabriquée de mes mains. Dans quelques jours, je pars pour une aventure formidable.
— Une aventure ?
— Oui, l'espace !
— Mais ça semble si loin... N'est-ce pas dangereux ?
— Mais voyons, c'est la porte à côté ! Dangereux ? Non, ne vous en faites pas. D'ailleurs, il me vient une idée. Pourquoi ne m'accompagneriez-vous pas ? Vous verriez par vous-même.
— Pardon ?
— Venez avec moi, seulement quelques jours. Vous pourrez revenir, ne vous inquiétez pas.
— Euh, eh bien, je ne sais trop...
— Allons bon, vous respirez la curiosité mon petit ! Vous savez quoi ? C'est entendu ! Départ dans trois jours, à l'aube. Je compte sur vous !
Et il me tapa sur l'épaule. 

Trois jours plus tard, je me trouvai dans son jardin, mon baluchon sur le dos.
— Vous voilà, mon petit ! Parfait, ravi de vous revoir ! Montez !
J'embarquai alors sur son aéronef et m'installai à la proue tout en me demandant ce qui m'avait poussé à venir.
— Tout est fin prêt. Nous pouvons lever l'ancre et décoller !
Il fit jaillir des flammes bleues des brûleurs situés sous les ballons, et l'appareil commença à léviter légèrement. Peu à peu, l'engin s'éleva dans le ciel rose et tendre. Le manoir devint une maison, les arbres devinrent une forêt, et au loin j'aperçus Bergerac et sa mairie. Et lentement, les reliefs que j'avais si souvent arpentés m'apparurent sous un jour nouveau. Les rayons dépeignaient les ombres et les lumières de ma Dordogne natale et m'offraient un tableau remarquable.
— C'est magnifique.
Archimède me regarda et me sourit. Il semblait tenir entre ses mains une sorte de gouvernail. Il actionna un levier qui mit en branle un système de poulie, et tout à coup, deux grandes ailes se déployèrent sur les côtés.
— En avant, mon petit ! Asseyez-vous et profitez du spectacle !
L'aurore réchauffait nos épaules alors que nous prenions la direction de l'ouest. Nous traversâmes un océan tumultueux aux vagues monstrueuses, puis nous survolâmes des terres sauvages et verdoyantes avant de retrouver une étendue bleutée parsemée d'îlots rougeoyants, pendant que l'éternelle aurore nous poursuivait sans cesse. Le monde était si vaste ! Puis notre vaisseau s'inclina et nous nous dirigeâmes vers les cieux du cosmos. Je fus alors parcouru d'un frisson.
— Mais si nous continuons ainsi, Archimède, n'allons-nous pas manquer d'air ?
— Manquer d'air ? Mais enfin mon petit, au contraire ! C'est une bouffée d'air frais que nous allons prendre !
Inquiet, je vis les terres et les mers devenir une palette de couleurs. Le ciel prit une teinte marine et les étoiles apparurent une à une. L'horizon se courbait et nous semions les nuages. Puis soudain : l'espace ! Je retins mon souffle et lançai un regard vers le savant. Il coupa les machines, me regarda et prit une grande inspiration.
— Aaah, on se sent si bien !
Rassuré, je me détendis et l'imitai.
— En effet, c'est revigorant !
— Le monde est vaste, c'est vrai. Mais le monde peut aussi être suffocant, mon petit. Prendre du recul est nécessaire pour chacun. Nous regardâmes notre jolie planète. Et dans ce climat de sérénité, je me sentis flotter.
— Ah non, jeune homme, ne me quittez pas en si bon chemin !
Archimède prit une corde, l'attacha autour de ma taille et la noua au bastingage.
— Vous êtes fin prêt.
— Où allons-nous maintenant ?
— J'ai quelques affaires à régler ! 

Et c'est ainsi que, couverts d'éther, nous partîmes en direction de l'univers. Nul centre, nulle limite. Nous découvrîmes des milliers de planètes et des milliers d'astres cosmiques. Archimède s'arrêta sur la Grande Ourse et lui rendit une dent, puis il alla sur Sirius pour saluer un collègue gigantesque. Nous nous arrêtâmes ensuite dans une pouponnière d'étoile et j'y appris à bercer les bébés luminifères. Nous rencontrions parfois quelques dangers et les trous noirs invisibles essayèrent maintes fois de nous manger, mais nous poursuivions notre route sans trop nous en soucier. Il y eut un jour où le temps se figea, et nous eûmes le même âge pendant une seconde d'éternité... Ce fut un autre jour, alors que nous conduisions un troupeau de comètes, que mon village se rappela à ma mémoire. Je repensai alors à ses champs, ses pâturages, son école, sa mairie, à mes amis, à ma famille et aux détails de ma vie. Et je fus pris de nostalgie.
— Archimède, je crois qu'il est temps pour moi de rentrer...
Et de son air tranquille, il me sourit d'un sourire que j'avais vu des millions de fois, empreint d'amitié et de compassion.
— Très bien, mon ami.
Il actionna une molette et un cliquetis se fit entendre. Une échelle tomba alors et parut descendre jusqu'à n'en plus finir.
— Cette échelle me ramènera-t-elle chez moi ?
— Oui, car l'infini commence par l'infini, mon petit.
Nous tombâmes dans les bras l'un de l'autre, et je lui dis adieu tout en quittant son navire fantastique. C'est ainsi que je descendis, par l'échelle de l'infini. Le temps fut court, car ma tête était remplie de nouveaux souvenirs. Finalement, je retrouvais mon monde, je descendais vers lui, mon petit monde, mon petit village, ma petite mairie. Et alors que je posai le pied sur le plancher des vaches, je pris un grand bol d'air et m'endormis...

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