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Histoires Jeunesse :
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Assis dans son rocking-chair sous la tonnelle, le vieil homme guettait son petit-fils depuis une dizaine de minutes. Il le héla dès qu'il l'aperçut :
— Alors mon grand garçon, qu'est-ce que tu as appris aujourd'hui à l'école ?
— Le soleil, la lune et les éclipses.
Le garçon se campa fièrement devant son grand-père et se lança dans une restitution détaillée de son cours d'astronomie.
À la fin de l'exposé, le vieil homme fit la moue la plus dubitative qu'il pût.
— Mouais... Ça, c'est ce que racontent les maîtresses d'école...
L'enfant ouvrait de grands yeux interrogateurs, ce qui conforta son grand-père.
— Les Tominkés ont une autre explication...
— Les Toma... quoi ?
— Allez, va poser ton cartable, apporte ton goûter et viens écouter leur version pendant que tu manges.
Le grand-père entendit son petit-fils monter l'escalier quatre à quatre puis, quelques secondes plus tard, le dévaler dans l'autre sens ; il entendit des verres s'entrechoquer, une porte de placard claquer et vit surgir le garçon. Celui-ci s'assit sur une chaise en rotin, croqua à belles dents dans son casse-croûte et interpella son grand-père :
— Alors ?
— Les Tominkés sont une tribu d'Afrique qui vit aux confins de la savane, à la confluence des fleuves Zambèze et Luangwa, là où poussent les plus grands baobabs. Dans la langue tominkée, le mot qui désigne le soleil est synonyme de « prince héritier », alors que le mot qui signifie « lune » a comme autre signification « prince oublié ». Je vais te raconter leur histoire.
Selon la légende tominkée, la Toute Première Déesse avait créé la plaine, la savane, les arbres, les buissons, les fleurs, les oiseaux, les insectes et les mammifères. À l'origine, tous les êtres vivants étaient égaux et vivaient dans l'espace, en harmonie les uns avec les autres. En particulier, les êtres humains étaient des mammifères comme les autres et n'avaient pas la prééminence qu'ils ont aujourd'hui.
Or, dans la mythologie tominkée, le destin des dieux est de se métamorphoser tôt ou tard en un corps céleste. Ainsi la Toute Première Déesse, tout en gardant une partie de ses pouvoirs, laissa le royaume des dieux à ses deux fils, les princes Soleil et Lune, et se transforma pour accueillir le fruit de sa création et devenir la Terre. La plaine, qui errait dans l'espace, put ainsi recouvrir notre planète ; tous les végétaux et tous les animaux se posèrent aussi et s'éparpillèrent pour peupler la savane.
Les princes Soleil et Lune veillaient sur l'héritage de leur mère et embellissaient la Nature. C'est à cette époque qu'apparurent les licornes les plus graciles, les phénix de la plus grande envergure, les griffons les plus majestueux, les centaures les plus véloces et les sphinx les plus énigmatiques.
— Peuh... ça n'existe pas, toutes ces créatures !
— Ça n'existe plus, corrigea doctement le grand-père. Mais attends la suite...
Il y avait aussi les perroquets les plus colorés, les papillons les plus chamarrés, les gazelles les plus gracieuses. Les déserts étaient parsemés d'oasis toujours vertes, les dattiers étaient en permanence couverts de fruits, les hibiscus illuminaient la savane de points rouges éclatants, les jasmins parfumaient délicatement l'harmattan.
Tout n'était que beauté et harmonie, jusqu'à ce que le prince Lune devienne jaloux de Soleil qui était, il faut bien le dire, le plus imaginatif. Il décida alors de saboter les créations de son frère. Par exemple, il prit la dernière espèce de chevaux créée par Soleil et se mit à en rayer frénétiquement les spécimens. Son frère, qui était bon, n'y vit pas le mal et même s'enthousiasma : "Excellente idée ! On les appellera zèbres !" .
— Ah oui ? C'est pour ça que les zèbres ont des rayures ?
— Eh oui, bien sûr...
Lune ne décolérait pas et de violentes disputes éclataient. Chaque nuit, Lune tirait à lui la surface de la Terre pour se l'approprier. Chaque jour, Soleil la tirait dans l'autre sens pour la remettre en place. C'est ainsi que certaines parties de la Terre restèrent plissées et qu'apparurent les montagnes et leurs contraires, de grandes crevasses dans le sol. La Toute Première Déesse était extrêmement triste de ces conflits incessants entre ses deux fils et se mit à pleurer, à pleurer, tant et si bien que toutes ses larmes finirent par remplir les crevasses, créant ainsi les mers et les océans.
— C'est donc pour ça que les larmes et l'eau de mer sont toutes les deux salées...
— Euh... oui...
Et une fois de plus, ce fut Soleil qui, le premier, eut la bonne idée de créer les jolies sirènes et tous les poissons pour peupler ces grandes étendues d'eau.
C'en était trop pour Lune qui échafauda un plan maléfique. Il parcourut l'univers pour récolter les ingrédients nécessaires à l'élaboration d'une potion : quelques mètres de la chevelure d'une comète, un des petits anneaux de Saturne, quelques grammes d'astéroïdes, une pincée de sable rouge de la planète Mars et... Mais je ne vais pas te donner la recette complète...
L'enfant fut presque soulagé de ne pas connaître ce secret embarrassant.
— Quand Lune eut recueilli tous les ingrédients, il concocta un liquide noirâtre à l'odeur pestilentielle et en aspergea la Terre. Les animaux devinrent fous : les requins dévorèrent les sirènes, les lions s'attaquèrent aux centaures, les aigles fondirent sur les sphinx, mais surtout... surtout... l'homme se crut plus intelligent que les autres espèces. Il se mit à réduire en esclavage les autres animaux, à abattre les arbres et à extraire les pierres pour construire des maisons et des villes. Au fil du temps, l'homme modifiait la Terre, y puisait des ressources pour son propre confort, exploitait les végétaux, domestiquait les animaux et même faisait disparaître de nombreuses espèces suite à ses abus.
La Toute Première Déesse, incarnée en Terre, je te le rappelle, faiblissait mais réussit à réagir et se fâcha. La terre trembla, les montagnes crachèrent de la lave, des orages cataclysmiques éclatèrent pour rappeler à l'homme sa modeste condition et le ramener à la raison.
En parallèle, elle décida que les deux princes devaient quitter à leur tour le royaume des dieux. Comme leur mère, ils se transformèrent en corps célestes.
Soleil, qui avait toujours été bon et créatif, fut nommé prince héritier et fut autorisé à apparaître dans le ciel pendant toute la durée du jour afin que toutes les créatures puissent le voir et lui rendre hommage.
En revanche, Lune fut condamné à se faire oublier et à n'apparaître que la nuit, et encore, rarement dans son intégralité ; il ne se montrerait désormais que petit à petit, par quartier, et une fois apparu en entier une nuit complète, serait obligé de disparaître à nouveau.
Cela dure ainsi depuis des millénaires mais personne, pas même les dieux qui sont apparus entre temps, ne put jamais inverser les effets de la potion maléfique et, encore aujourd'hui, l'homme continue de se croire supérieur aux autres espèces et de saccager la Terre.
L'enfant se fit songeur, mais n'avait pas perdu le fil de la discussion.
— Et alors, les éclipses ?
— Ah oui, j'allais oublier...
Depuis lors, Lune, le prince oublié, respecte la sentence, mais ne peut pas s'empêcher de désobéir de temps en temps et, parfois, d'apparaître le jour, en se plaçant exprès devant son frère Soleil. Et c'est ça qu'on appelle une éclipse...
Une jeune femme était entrée dans le jardinet et s'était approchée. Elle attendit la fin de l'histoire pour déposer un baiser sur le front de l'enfant et dit :
— Allez, va apprendre tes leçons, les vraies !
— Mais mon histoire est véridique ! Hein mon grand ? Tu y crois, toi ?
— Mais oui Papi, je sais que c'est toi qui as raison, confirma-t-il avec un clin d'œil.
Le vieil homme sourit et laissa errer son regard sur le ciel bleu ; il était encore trop tôt pour apercevoir le prince oublié.
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Pourquoi on a aimé ?
Il fallait déjà y penser, puis l’écrire comme il faut ! La légende racontée par ce papi déborde d’idées, et tout se tient finalement
Pourquoi on a aimé ?
Il fallait déjà y penser, puis l’écrire comme il faut ! La légende racontée par ce papi déborde d’idées, et tout se tient finalement