Katana sanglant

Ce n'est plus "je pense donc je suis" mais j'imagine donc j'écris.

Image de Jeunes Écritures AUF RFI - 2022
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« Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître. »
HAHAHAHAHAHA !
-Coupez ! Angie ressaisis-toi c'est déjà la dixième prise ! Et toi mon garçon, de la conviction non de Dieu, tu incarnes un samouraï, un guerrier, un soldat ! On dirait ma grand-mère qui va à la cueillette aux champignons.
-Excusez-moi je n'ai pas pu m'en empêcher, ce n'était tellement pas crédible. Angie se tient les côtes.
Je sens la chaleur de la honte envahir mon visage, hum, hum, je me racle la gorge pour essayer de reprendre une contenance, technique d'acting, vous connaissez.
-On peut, peut-être réessayer, je vais me concentrer davantage.
-Certainement pas, c'est Angie, sa voix ma glacée, écoute-moi bien le gringalet, elle s'avance menaçante en me pointant du doigt, et vocifère : tu n'as rien d'un acteur, tu es mauvais et c'est mon Andrew qui aurait dû avoir ce rôle. Puis plus bas rien que pour moi : on ne sait par quelle opération divine le réalisateur a flashé sur toi. Mais imprime bien ça, tu ne seras jamais un acteur digne d'un samouraï. Et elle tourne les talons.
-Angie attends ! Je pense que tout le monde est un peu épuisé, faites une pause reposez-vous je vous laisse l'après-midi.

Et dire que j'ai loué ce katana pour la journée, il va falloir que je retourne chez l'Antiquaire pour allonger le délais. Une heure plus tard, 12 rue Bushi. Nous voilà devant la boutique, je ne sais pas pourquoi j'ai toujours la chair de poule avant d'entrée ici. Je pousse la porte, l'antiquaire ne semble pas présent. Il fait froid ici, et la Terre tourne à une vitesse déconcertante, je vais m'asseoir un peu. Oh mon Dieu j'ai la nausée. Jack, ferme les yeux concentre-toi sur ta respiration. Je commence à me sentir mieux, je me redresse et ouvre les yeux.
Est-ce que je rêve ? -CHUT ! Je suis au milieu d'un groupe assis en tailleur dans un silence de cathédrale, tourné vers un homme en kimono blanc en train d'écrire avec un poignard à sa gauche. Qu'est-ce qu'on attend ? je murmure à mon voisin. -La libération de son âme. C'est à cet instant que l'homme en blanc brandit le poignard à sa gauche et d'un geste vif et précis s'ouvre le ventre dans le sens de la largeur. AAAAAAHHHHH ! MAIS QU'EST-CE QU'IL FAIT ? J'entendis une voix hurler et c'est au moment au je vois une centaine de paires d'yeux sombres se tourner dans ma direction, que je comprend qu'elle vient de moi. Puis le noir.

Je me réveille sur un lit dur à même le sol. Quel rêve horrible !
-Ce n'était pas un rêve Jack. Je suis désolé que tu ais dû assister à l'harakiri d'Ōkubo, mais il devait laver son honneur et libérer son âme après sa défaite face à notre ennemi.
AH ! Mais vous-êtes qui ? Et je suis où ? Moi je voulais juste rendre un katana, de toute façon je ne suis pas un samouraï et je ne suis même pas un bon acteur. Alors on va en rester là, je vais rentrer tranquillement chez moi, faire comme si rien ne s'était passé...
-Le katana t'a choisi.
-PARDON ?
-Tu vas donc suivre notre entrainement. Dépêche-toi, l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt.

Me voilà donc dans un champ d'entrainement, un katana tranchant à la main.
-Je me suis permis d'affuter Nobunaga, désormais il tranchera les adversaires comme des feuilles de papiers. Oh et je ne me suis pas présenté, maître Yu. Je vais faire en sorte que ton âme reprenne le rôle qui lui revient de droit et qu'elle cesse de s'avilir sous des tas de hamburgers bon marché.
Les premières semaines furent les plus difficiles, mais l'homme s'habitue à tout même au jeun. Et ce silence, quelle bénédiction ! L'entrainement était rude et les coups de bâton pleuvaient, plus d'équilibre, moins de papillonnage, ouvre tes sens, réfléchit moins, sens plus... Mes premiers combats se passèrent, le niveau augmentait crescendo et j'ai fini par perdre.
-Jack l'heure est venue pour toi de libérer ta pensée définitivement. Ou tu peux laisser ton ennemi s'en charger, il te tranchera la tête, précisa maître Yu avec un sourire sarcastique.
-Gloups... je vais me charger de mon âme du coup. On posa une feuille de papier et une plume pour mes dernières volontés à ma droite et Nobunaga à ma gauche. Je prends la plume : j'aurai aimé être un acteur digne du rôle qui m'était confié.
J'inspire, expire, saisi le katana et libère...je sens le froid de la lame...la chaleur d'un liquide poisseux couler sur mes jambes... mes yeux se ferment et ce murmure : -Bienvenue dans l'ère Edo Jack.

Je me retrouve au studio, en plein tournage : « Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître. » A cet instant, ma voix résonna comme si un tigre venait de rugir à l'intérieur de mon ventre et je sentis la terre trembler, l'atmosphère se figer, je lus la peur sur les visages. Le respect.

-Coupez, j'espère que vous l'avez. C'était par-fait Jack ! J'étais sûr que tu étais fait pour ce rôle, on dirait que c'est comme une seconde nature chez toi.