J'ai peur. J'aimerais, comme le caméléon ou la phalène du bouleau, pouvoir me fondre dans la tapisserie, devenir invisible aux yeux du prédateur qui se rapproche de moi. Je regrette de ne jamais m'être inscrite à ces cours de self-défense que l'on dispense pourtant à quelques mètres de là où je vis.
J'ai peur. Et pourtant, cette personne qui me dévisage de son œil égrillard, comme si j'étais son casse-croûte, je le connais depuis que j'ai quinze ans. C'était mon entraîneur. Pendant treize ans, j'ai sillonné les courts de la WTA (le circuit professionnel du tennis féminin). Oh, je ne suis jamais devenue une star. Je n'ai jamais été Steffi Graf ou Serena Williams, mais j'ai quand même remporté un Master 1000 (la seconde compétition la plus prestigieuse après les quatre tournois du Grand Chelem) et j'ai même fait partie pendant quelques semaines du top 10 mondial. Cela n'était plus arrivé depuis Marion Bartoli. Je m'appelle Juliette Grelin, et là, tout de suite, maintenant, j'ai peur.
Maxime m'a « coachée » tout au long de ma carrière, depuis le Centre national d'entraînement de la Fédération française de tennis où je faisais mes premières classes, jusqu'à ma finale perdue à Roland-Garros, à la suite de laquelle j'ai décidé de mettre un terme à ma carrière. Soudain, je repense à ce match qui a changé le cours de ma vie. C'est étrange comme le cerveau choisit de se concentrer sur certains détails dans les moments de pure panique. Sans doute est-ce un mécanisme de défense, pour oublier que je suis là, dans le grand appartement haussmannien de Maxime, qui n'a cessé de multiplier les sous-entendus, de poser sa main sur ma cuisse, de me resservir à boire...
Je revois tout. Tous ces détails que dans le feu de l'action je n'avais pas perçus, pétrifiée par l'enjeu et par la foule qui venait voir, pour la première fois depuis Mary Pierce, une française remporter Roland-Garros. Quatre ans ont passé depuis, et ces trois heures de lutte intense formaient comme un trou noir dans mon esprit... jusqu'à maintenant. Mon ancien entraîneur déboutonne sa braguette, sort son sexe.
Les gens scandent mon nom, Maxime, au deuxième rang, m'exhorte en serrant le poing à ne pas me laisser faire, à me battre jusqu'au bout, à ne rien lâcher. Je peux lire de la tension dans le regard de mes parents. Mon adversaire est Katarina Kuznetsov, numéro 2 mondiale, dotée du service le plus rapide du circuit, quasiment impossible à rattraper. Nous sommes dans le troisième set, elle mène six jeux à cinq et sert pour le gain du match. Katarina a remporté les deux premiers points, j'ai remporté les deux suivants. Elle sort un nouveau service gagnant, que j'ai à peine effleuré. Balle de match.
Maxime est désormais à quelques centimètres, je sens quelque chose derrière moi : le mur. Froid, glacé, inamovible. Il incline son visage pour m'embrasser, je le repousse, il recommence, « Maxime... », il met un doigt sur ma bouche pour me faire taire, « Arrête... », et de sa main libre, se glisse sous la jupe, se frotte contre mon entrecuisse, tout en m'embrassant à pleine bouche, l'haleine avinée, le regard lubrique. Je suis en état de choc.
Elle fait rebondir plusieurs fois la balle derrière la ligne de fond de court. Douze, exactement, je peux les compter à présent. Katarina a légèrement dépassé le temps règlementaire pour servir mais c'est une balle de match, elle est numéro 2 mondiale, et aucun arbitre n'oserait infliger un point de pénalité à ce stade. Elle lance la balle en l'air, un peu plus haut que son mètre quatre-vingt-deux, se fléchit tout en ramenant la tête de la raquette derrière son épaule, et frappe la sphère au point culminant de sa trajectoire, caractéristique de son service rapide, puissant, vertical. La balle fuse, à quelques millimètres de la ligne intérieure du carré de service. Le compteur derrière le juge de ligne indique 180 kilomètres heure : une moyenne rare sur le circuit féminin. Je profite de la puissance de son service pour remettre une balle tout aussi forte, et avec une longueur qui la déstabilise. Elle temporise avec une balle molle, en milieu de court.
Maxime, lui, est dur. Et malgré mes supplications, il ne semble pas enclin à temporiser. Bien au contraire... Il faut que je tente quelque chose. N'importe quoi. Je décide de passer à l'attaque. Je frappe un revers à deux mains qui déporte Katarina à l'extrémité gauche du terrain. Je saisis à pleine main les parties intimes de Maxime, provoquant chez lui un hoquet de surprise, et lui rend un baiser langoureux. Je susurre « Sur le billard... »
Katarina est en mauvaise posture. Elle m'a vu monter à la volée après mon coup droit. Son jeu de jambes n'est plus aussi affuté après trois heures de jeu et elle parvient péniblement à remettre une « cloche » qui rebondit juste derrière le filet. Le court m'est totalement ouvert et mon adversaire n'arrive plus à se replacer : c'est ce qu'on appelle dans le jargon un « pénalty ».
Maxime s'interrompt, désarçonné par ma proposition. Il pensait me posséder par la contrainte... Mais mon répondant semble l'avoir excité. Il retire sa main de mon entrecuisse, renonçant pour l'instant à arracher ma culotte en dentelle qui vacille comme une balle roule sur la bande du filet. Je me dégage de son emprise. J'ai repris les rênes de l'échange. C'est moi qui dicte le jeu, désormais. Il emporte la bouteille de champagne. « Tu as des capotes ? » Surpris par ce retournement de situation, il consent à faire un détour par la salle de bain.
Seule dans la salle de jeu, au sous-sol, je fomente mon plan. Je peaufine ma stratégie. J'évalue le terrain. Cette fois-ci, je ne vais pas laisser déborder par mes émotions. Je ne vais pas me laisser acculer en fond de court, ni enculer sur la table de billard. Non, monsieur.
Maxime revient le torse débraillé et le sexe en érection, avec des capotes et du lubrifiant. Aimable, ce garçon. Ce serait presque un poète, finalement. Je le laisse retirer ma jupe, m'allonge sur la table de billard. Je suis offerte, comme le court de tennis lorsque l'adversaire n'arrive plus à se replacer.
Il finit la bouteille de champagne au goulot puis se laisse choir sur moi. Je simule un gémissement de bonheur. C'est alors qu'au moment où il retire ma culotte... je saisis l'extrémité d'une des queues de billard, avec lesquelles nous avons joué tout à l'heure, et qu'il a négligemment laissées adossées en équilibre de part et d'autre de la table.
Le temps s'arrête. Dans le public, certains exultent déjà. Je vais égaliser. Je vais contre toute attente revenir à égalité dans cette finale. Katarina, numéro 2 mondiale, est déjà résignée, prête à devoir repartir encore au combat. Je frappe la balle trop fort. Le juge de ligne s'exclame : « Out ! » Dehors. La déception qui se répand dans les gradins est insoutenable.
Je tiens fermement la queue dans ma main, ma dernière chance de m'en sortir, et au moment où il s'apprête à s'introduire en moi, je frappe de toutes mes forces Maxime au visage. Katarina s'écroule sur la terre battue. Elle vient de remporter Roland-Garros.
Maxime s'écroule au sol, valsant sur le côté, chutant lourdement de la table de billard. Sous l'impact, la queue de billard s'est brisée en deux. Je saisis la bouteille de champagne et la fracasse sur le visage bosselé de mon ancien entraîneur. Je frappe une fois, deux fois, trois fois, peut-être davantage, combien exactement je ne sais plus, c'est ce que je dirai à la police, et je sens qu'en faisant cela je libère la colère, la frustration, le dépit de cette finale perdue où quelques heures avant, dans les vestiaires, j'avais dû repousser les premières avances de mon entraîneur.
Puis, je m'effondre à mon tour, en larmes. Comme il y a quatre ans, après avoir raté ce coup droit qui n'a cessé de me hanter. Il y a beaucoup de nervosité bien sûr mais cette fois ce sont des larmes de soulagement. Je n'ai gagné jamais Roland-Garros, mais maintenant, cela n'a plus tellement d'importance.
J'ai peur. Et pourtant, cette personne qui me dévisage de son œil égrillard, comme si j'étais son casse-croûte, je le connais depuis que j'ai quinze ans. C'était mon entraîneur. Pendant treize ans, j'ai sillonné les courts de la WTA (le circuit professionnel du tennis féminin). Oh, je ne suis jamais devenue une star. Je n'ai jamais été Steffi Graf ou Serena Williams, mais j'ai quand même remporté un Master 1000 (la seconde compétition la plus prestigieuse après les quatre tournois du Grand Chelem) et j'ai même fait partie pendant quelques semaines du top 10 mondial. Cela n'était plus arrivé depuis Marion Bartoli. Je m'appelle Juliette Grelin, et là, tout de suite, maintenant, j'ai peur.
Maxime m'a « coachée » tout au long de ma carrière, depuis le Centre national d'entraînement de la Fédération française de tennis où je faisais mes premières classes, jusqu'à ma finale perdue à Roland-Garros, à la suite de laquelle j'ai décidé de mettre un terme à ma carrière. Soudain, je repense à ce match qui a changé le cours de ma vie. C'est étrange comme le cerveau choisit de se concentrer sur certains détails dans les moments de pure panique. Sans doute est-ce un mécanisme de défense, pour oublier que je suis là, dans le grand appartement haussmannien de Maxime, qui n'a cessé de multiplier les sous-entendus, de poser sa main sur ma cuisse, de me resservir à boire...
Je revois tout. Tous ces détails que dans le feu de l'action je n'avais pas perçus, pétrifiée par l'enjeu et par la foule qui venait voir, pour la première fois depuis Mary Pierce, une française remporter Roland-Garros. Quatre ans ont passé depuis, et ces trois heures de lutte intense formaient comme un trou noir dans mon esprit... jusqu'à maintenant. Mon ancien entraîneur déboutonne sa braguette, sort son sexe.
Les gens scandent mon nom, Maxime, au deuxième rang, m'exhorte en serrant le poing à ne pas me laisser faire, à me battre jusqu'au bout, à ne rien lâcher. Je peux lire de la tension dans le regard de mes parents. Mon adversaire est Katarina Kuznetsov, numéro 2 mondiale, dotée du service le plus rapide du circuit, quasiment impossible à rattraper. Nous sommes dans le troisième set, elle mène six jeux à cinq et sert pour le gain du match. Katarina a remporté les deux premiers points, j'ai remporté les deux suivants. Elle sort un nouveau service gagnant, que j'ai à peine effleuré. Balle de match.
Maxime est désormais à quelques centimètres, je sens quelque chose derrière moi : le mur. Froid, glacé, inamovible. Il incline son visage pour m'embrasser, je le repousse, il recommence, « Maxime... », il met un doigt sur ma bouche pour me faire taire, « Arrête... », et de sa main libre, se glisse sous la jupe, se frotte contre mon entrecuisse, tout en m'embrassant à pleine bouche, l'haleine avinée, le regard lubrique. Je suis en état de choc.
Elle fait rebondir plusieurs fois la balle derrière la ligne de fond de court. Douze, exactement, je peux les compter à présent. Katarina a légèrement dépassé le temps règlementaire pour servir mais c'est une balle de match, elle est numéro 2 mondiale, et aucun arbitre n'oserait infliger un point de pénalité à ce stade. Elle lance la balle en l'air, un peu plus haut que son mètre quatre-vingt-deux, se fléchit tout en ramenant la tête de la raquette derrière son épaule, et frappe la sphère au point culminant de sa trajectoire, caractéristique de son service rapide, puissant, vertical. La balle fuse, à quelques millimètres de la ligne intérieure du carré de service. Le compteur derrière le juge de ligne indique 180 kilomètres heure : une moyenne rare sur le circuit féminin. Je profite de la puissance de son service pour remettre une balle tout aussi forte, et avec une longueur qui la déstabilise. Elle temporise avec une balle molle, en milieu de court.
Maxime, lui, est dur. Et malgré mes supplications, il ne semble pas enclin à temporiser. Bien au contraire... Il faut que je tente quelque chose. N'importe quoi. Je décide de passer à l'attaque. Je frappe un revers à deux mains qui déporte Katarina à l'extrémité gauche du terrain. Je saisis à pleine main les parties intimes de Maxime, provoquant chez lui un hoquet de surprise, et lui rend un baiser langoureux. Je susurre « Sur le billard... »
Katarina est en mauvaise posture. Elle m'a vu monter à la volée après mon coup droit. Son jeu de jambes n'est plus aussi affuté après trois heures de jeu et elle parvient péniblement à remettre une « cloche » qui rebondit juste derrière le filet. Le court m'est totalement ouvert et mon adversaire n'arrive plus à se replacer : c'est ce qu'on appelle dans le jargon un « pénalty ».
Maxime s'interrompt, désarçonné par ma proposition. Il pensait me posséder par la contrainte... Mais mon répondant semble l'avoir excité. Il retire sa main de mon entrecuisse, renonçant pour l'instant à arracher ma culotte en dentelle qui vacille comme une balle roule sur la bande du filet. Je me dégage de son emprise. J'ai repris les rênes de l'échange. C'est moi qui dicte le jeu, désormais. Il emporte la bouteille de champagne. « Tu as des capotes ? » Surpris par ce retournement de situation, il consent à faire un détour par la salle de bain.
Seule dans la salle de jeu, au sous-sol, je fomente mon plan. Je peaufine ma stratégie. J'évalue le terrain. Cette fois-ci, je ne vais pas laisser déborder par mes émotions. Je ne vais pas me laisser acculer en fond de court, ni enculer sur la table de billard. Non, monsieur.
Maxime revient le torse débraillé et le sexe en érection, avec des capotes et du lubrifiant. Aimable, ce garçon. Ce serait presque un poète, finalement. Je le laisse retirer ma jupe, m'allonge sur la table de billard. Je suis offerte, comme le court de tennis lorsque l'adversaire n'arrive plus à se replacer.
Il finit la bouteille de champagne au goulot puis se laisse choir sur moi. Je simule un gémissement de bonheur. C'est alors qu'au moment où il retire ma culotte... je saisis l'extrémité d'une des queues de billard, avec lesquelles nous avons joué tout à l'heure, et qu'il a négligemment laissées adossées en équilibre de part et d'autre de la table.
Le temps s'arrête. Dans le public, certains exultent déjà. Je vais égaliser. Je vais contre toute attente revenir à égalité dans cette finale. Katarina, numéro 2 mondiale, est déjà résignée, prête à devoir repartir encore au combat. Je frappe la balle trop fort. Le juge de ligne s'exclame : « Out ! » Dehors. La déception qui se répand dans les gradins est insoutenable.
Je tiens fermement la queue dans ma main, ma dernière chance de m'en sortir, et au moment où il s'apprête à s'introduire en moi, je frappe de toutes mes forces Maxime au visage. Katarina s'écroule sur la terre battue. Elle vient de remporter Roland-Garros.
Maxime s'écroule au sol, valsant sur le côté, chutant lourdement de la table de billard. Sous l'impact, la queue de billard s'est brisée en deux. Je saisis la bouteille de champagne et la fracasse sur le visage bosselé de mon ancien entraîneur. Je frappe une fois, deux fois, trois fois, peut-être davantage, combien exactement je ne sais plus, c'est ce que je dirai à la police, et je sens qu'en faisant cela je libère la colère, la frustration, le dépit de cette finale perdue où quelques heures avant, dans les vestiaires, j'avais dû repousser les premières avances de mon entraîneur.
Puis, je m'effondre à mon tour, en larmes. Comme il y a quatre ans, après avoir raté ce coup droit qui n'a cessé de me hanter. Il y a beaucoup de nervosité bien sûr mais cette fois ce sont des larmes de soulagement. Je n'ai gagné jamais Roland-Garros, mais maintenant, cela n'a plus tellement d'importance.