J'avais treize ans la première fois que mon entraîneur m'avait parlé de Thomas Bouvais. Il était classé 300ème français en valide et jouait en classe 9, puis 8 pour les compétitions handisports. « Tu sais, il battrait n'importe quel joueur ici », me disait mon entraîneur. Alors, moi, un mètre-vingt, porteur du même handicap, raquette en main, je regardais les plus forts du club s'entraîner un peu plus loin, rêveur.
Le coach et celle qui le subordonnait, aux cours et les samedis aux compétitions, aimaient bien mon jeu de bourrin en coup droit, mon engouement à l'entraînement. Un soir, je ne sais plus comment, je rattrape une balle dans mon revers, mais elle tourne, tourne, sort de la table en contournant le filet et revient dans le coin du coup droit de mon adversaire. L'entraîneur avait poussé une exclamation en me pointant du doigt, la fierté avait embrasé mes joues. En 2012, Thomas Bouvais faisait ses premiers jeux paralympiques à Londre.
J'avais quinze ans.
Mais, à cette époque-là, je sous-estimais ce que représentait un tel évènement, les sacrifices que cela impliquait. Avec l'unique entraînement hebdomadaire que j'avais et mon envie de jouer plutôt que de m'entraîner, j'ai très lentement déchanté. Je refusais de consacrer entièrement mes semaines au tennis de table.
J'ai continué d'aller au club. L'entraîneur s'était arrangé avec mes parents qui travaillaient pour venir me chercher en voiture. Je me rappelle les premières fois où je suis arrivé en retard, puis de la fois où il m'a appelé parce que j'avais carrément oublié de le rejoindre. Un soir, c'est lui qui avait oublié de me prévenir qu'il ne venait pas, et c'est à ce moment-là que j'avais eu pour la première fois le sentiment qu'il n'avait plus les mêmes attentes vis-à-vis de moi. J'étais devenu l'adolescent pas très sérieux qui préférait s'amuser plutôt que de s'entraîner.
Je me sers toujours des conseils qu'il me donnait par rapport à ma petite taille. « Ne recule pas de la table, coupe les trajectoires en prenant les balles juste après le rebond, frappe la balle quand elle est à la hauteur de ta tête, pas avant ni après, garde ta raquette haute... ». Je regrette encore aujourd'hui de l'avoir déçu.
Après le bac, installé dans une nouvelle ville, j'ai heureusement pu continuer le tennis de table. Parti pour les études, le sport était aussi devenu pour moi une façon de maintenir une activité sociale, un lien avec les autres. En dehors des autres membres de mon club, j'ai rencontré des personnes avec mon handicap qui jouaient également, et pratiquaient la compétition handisport. Le sport me permettait d'évacuer la pression que pouvait générer les études. Je sentais également que j'avais besoin de cette pratique.
Ce n'est peut-être pas aussi simple avec ce handicap de réussir des études, de trouver une voie, de s'accepter. Mais c'est possible et il faut y croire. J'avais besoin de repères et ça m'a beaucoup apporté de pouvoir prendre exemple sur Thomas Bouvais que j'avais découvert adolescent.
Cette année, après les confinements successifs, après ces nombreuses années d'errance dans ma pratique du sport, j'ai repris le tennis de table, plus régulièrement et avec la volonté de me dépasser. Je suis heureux de retrouver le gymnase et les autres membres de mon club. Je n'ai jamais autant progressé et pris de plaisir à jouer qu'actuellement.
Le coach et celle qui le subordonnait, aux cours et les samedis aux compétitions, aimaient bien mon jeu de bourrin en coup droit, mon engouement à l'entraînement. Un soir, je ne sais plus comment, je rattrape une balle dans mon revers, mais elle tourne, tourne, sort de la table en contournant le filet et revient dans le coin du coup droit de mon adversaire. L'entraîneur avait poussé une exclamation en me pointant du doigt, la fierté avait embrasé mes joues. En 2012, Thomas Bouvais faisait ses premiers jeux paralympiques à Londre.
J'avais quinze ans.
Mais, à cette époque-là, je sous-estimais ce que représentait un tel évènement, les sacrifices que cela impliquait. Avec l'unique entraînement hebdomadaire que j'avais et mon envie de jouer plutôt que de m'entraîner, j'ai très lentement déchanté. Je refusais de consacrer entièrement mes semaines au tennis de table.
J'ai continué d'aller au club. L'entraîneur s'était arrangé avec mes parents qui travaillaient pour venir me chercher en voiture. Je me rappelle les premières fois où je suis arrivé en retard, puis de la fois où il m'a appelé parce que j'avais carrément oublié de le rejoindre. Un soir, c'est lui qui avait oublié de me prévenir qu'il ne venait pas, et c'est à ce moment-là que j'avais eu pour la première fois le sentiment qu'il n'avait plus les mêmes attentes vis-à-vis de moi. J'étais devenu l'adolescent pas très sérieux qui préférait s'amuser plutôt que de s'entraîner.
Je me sers toujours des conseils qu'il me donnait par rapport à ma petite taille. « Ne recule pas de la table, coupe les trajectoires en prenant les balles juste après le rebond, frappe la balle quand elle est à la hauteur de ta tête, pas avant ni après, garde ta raquette haute... ». Je regrette encore aujourd'hui de l'avoir déçu.
Après le bac, installé dans une nouvelle ville, j'ai heureusement pu continuer le tennis de table. Parti pour les études, le sport était aussi devenu pour moi une façon de maintenir une activité sociale, un lien avec les autres. En dehors des autres membres de mon club, j'ai rencontré des personnes avec mon handicap qui jouaient également, et pratiquaient la compétition handisport. Le sport me permettait d'évacuer la pression que pouvait générer les études. Je sentais également que j'avais besoin de cette pratique.
Ce n'est peut-être pas aussi simple avec ce handicap de réussir des études, de trouver une voie, de s'accepter. Mais c'est possible et il faut y croire. J'avais besoin de repères et ça m'a beaucoup apporté de pouvoir prendre exemple sur Thomas Bouvais que j'avais découvert adolescent.
Cette année, après les confinements successifs, après ces nombreuses années d'errance dans ma pratique du sport, j'ai repris le tennis de table, plus régulièrement et avec la volonté de me dépasser. Je suis heureux de retrouver le gymnase et les autres membres de mon club. Je n'ai jamais autant progressé et pris de plaisir à jouer qu'actuellement.