Francofolie

Cette fois-ci, je parlerai en mon propre nom, et sans copier coller de citation, car "les citations sont les béquilles des écrivains infirmes." (Paul Morand)

Toute histoire commence un jour, quelque part. Pas la mienne. Elle n’est pas à jour et fait bande à part : elle commence vingt-six fois dans des chemins épars.
Un Mot se promenait dans un vieux dictionnaire. Ou plutôt ce n’était pas encore tout-à-fait un Mot. Il cherchait ses lettres de noblesse parmi les trésors de la langue française son altesse.
Il était parti à l’aube, cherchant une terre d’asile agreste mais n’avait trouvé qu’un appétit agressif : entre l’agneau et l’artichaud, l’anchois et l’amande, il semblait avoir affaire à une assiette aussi alléchante qu’aconchée qui abalourdissait. Admettez l’affection de ces activités d’aventuriers abscons, admettez-en l’afféterie : il atermoya, acédie, l’ambition de trouver l’adresse abiotique de l’accul où ab hoc et ab hâc il était tombé ! « Bizarrement, balbutia-t-il dans sa barbe, ma bouche balatronne se baffre de babioles et boit des bidons entiers de boissons bigarrées. Balivernes babelées ! ce n’est pas de bonne bible : mieux vaut une bacbuc, une bachelette ou bien une bagasse ! Je barguigne entre un bateau, des bretelles, une balance, un bâton de berger ou, bonne béjannie ! une fiancée. » C’est là qu’il commença à câliner des crapauds et à caresser des crapules à cabaner avec ses cabussières des callipyges comme on cueille des calcédoines dans ces criques de Cadmée, comme les calembredaines des contes, mais l’amour est bien caché et il cessa de croire à celui-ci (curieusement, le courage de certains couvre mal la couardise des crétins caraudés, des clabaudeurs corrompus ou les chiche-face cinabres). Le mot continua son chemin, cherchant un coquibus pourrait l’aider. Dans un délai démoniaque il décida daguet de se débrouiller d’abord seul : il détruisit les diverses déficiences qu’il donnait à voir aux devantures des docks dépités et débraillés sur leur dune, il distilla les défauts de son désespoir dans la doublure de son dolman, et déclama qu’il désirait un dortoir pour son dodo et un dépotoir pour sa débauche. Une dérisoire durée plus tard, une demoiselle délusoire le dirigeait sur un divan désultoire et lui déposait deux œufs. Enfin il eut son éclat d’exaspération : les enfants en-dessous entonnaient des exploits (et encore, c’était un euphémisme !) dans un état d’extase et d’euphorie essentiellement enfantin. L’édredon n’estompa pas les expressions enthousiastes des érudits ; et étant donné qu’il était enrhumé il éternua sans essuyer ses émois et s’écria qu’il était évident qu’on n’éviterait pas les échauffourées : c’était lui le chef. Finalement la faim fit son fief et la fée fabriqua des friandises flambées par un feu frétillant : fraises, framboises et fenouil fricassés firent fureur dans la fierté du mot et fracassèrent les façons pour offrir à une fille la plus folle des fleurs. La futilité est un plat qui se fagote froid : les deux férus, main dans la main, fuirent sans avoir fini de manger. Généralement, la gourmandise gargouille des grossièretés dans le gosier des goinfres, mais là le goupil ne gronda pas. Le gros Mot et sa Moquette, deux godelureaux gloutons, se galochaient glorieusement, en se grattant la gorge ou en se gratinant la glotte avant de glousser des gloses et de gambader dans une grotte : entre gibier, gambas et genièvre, tout était peint à la gouache. Heureusement pour l’histoire, la hache hantée plantée dans le hêtre hagard ne les happa pas ni ne les heurta et le hameau où ils étaient hérita hic et nunc d’un hélicoptère dont les hélices chantaient un hymne et d’un hérisson qui hésitait honteusement au bout d’un hypothétique hameçon sans vie. Immédiatement le Mot et sa Moselle immigrèrent, et illico ils imaginèrent des idylles sur des îles immense et isolées, instinct intrinsèque à l’intuition des images immaculées, puis ils inventèrent un incipit irréel et leur itinéraire jusqu’au ci-gît. La jeunesse jacassait des jactances, en jouant au jokari jusqu’à la jetée, en jetant des « je t’aime » à deux jobards jaloux qui observaient des joufflues journalières par leur jumelles : « Je juge qu’il serait juste, juxtaposa le Mot, de jacter un juron dans ce cas. » Les Kandi à Kagou et Kakatoès karmatiques, organisés en Kalifa kabyle invitèrent le Mot et sa Motel à la kermesse où ils consommèrent des kilos de sucre Kandy et des kyrielles de kousso, avant que le khalife se fit kinésithérapeute le temps de retrouver à quelque kilomètres son képi kaki et son koala nommé Kirikou qui s’envola à tire d’ailes. Là, les deux mots laissèrent leur lamentable lourdeur et ils longèrent le lac et les littoraux léchés de laitues, de laine et de loups, sans lumières ni lanterne autre que la Lune lucide qui luttait face aux lustres lubriques des lucioles de loisir que l’on appelle lampe : c’était un poème. Mais main dans la main les deux mots maudissaient les mécréants et les mauvais mousquetaires, moquant leurs méfaits dans le miroir de la mer moribonde mordant dans le mérite des matelots malheureux : même pour les marées ils maugréaient des morceaux de musique et de haine ; elles noyaient les navires dans des naufrages et si nul ne navigue au-dessus de neuf nœuds nautiques au Nord c’est parce que la nausée des nénuphars nébuleux de la noblesse avaient numéroté les niveaux où les Napoléon nageaient dans l’eau. « Oh, osa le Mot en ouvrant son orifice, on oublie l’ouragan outrageux qui nous oblige à obliquer à l’ombre des oiseaux ! Ô, odes des origines, oriente-nous vers l’Orient ou l’Occident, à l’ouest des oranges et des orages, à l’opposé des ossements ocres des otaries et des orang-outang ! On veut de l’or, on ordonne la paix ! ». Le petit mot préférait partir car le préfet avait prédit le pire. Ils prirent le premier paquebot pour le paradis et se promenèrent de plage en plage puis parvinrent au pieds des pommiers et au puits des plaisirs : perroquets, perruches et pervenches profitaient de la proximité des pirogues pour pagayer un peu, passant entre les pingouins et les paparazzis, pendant ce temps le mot perdit sa plume et sa planche et pleura la perte de sa plus douce poésie, les proies sont la plupart du temps des prédateurs, il pria un prêcheur de prédire ses pêchés et parut plus tard sur pleurnichant, des pelures de prunes dans le cul. Quoi ? Pas question ! Que dira le qu’en-dira-t-on ? Dans un quart d’heure le quartier serait quadrillé et les quadripèdes sur le quai se mettraient à quincailler des querelles, il serait qualifié de Quasimodo et quémanderait de quoi mourir en mer ! « Rien à riposter ! » répliqua-t-il : Il roulait vers la route des retraités en riant des rouflaquettes d’un rudimentaire royaliste et des ruades d’un rustre renard ronchon et reniflant, il railla un rabat-joie ragoutant qui ronflait dans les rondeurs de sa paresse. « Est-ce qu’il est si subtil de subir encore des sabots de salops sans un sou dans sa soupière ? » soupira-t-il subrepticement en suçant du sureau. Il supposa que sa sieste serait sur le sentier et il sortit de son sac un seau, avant de sentir un acide de sobriquet : celui du thé. « Tiens, tiens, un trafiquant ! Trinquons à sa tranquillité tatillonne ! ». Il tendit sa tasse tandis qu’il trouva une taverne. Toujours en train de tricoter, une typesse tapotait un texte sur son trépied tendre, et en tendant l’oreille il tergiversa à tue-tête. « Tu traverse un terrible tourment, tente la technique du tricheur ! ». Il tricha donc et au tournant d’un trottoir il témoigna qu’il avait été eu : « Un usager vient d’usurper les us et coutumes des urinoirs ! » cria-t-il en clé d’ut aux urticaires ubiquistes et mauvais. « Vertudieu de vécordie ! Voilà vingt virages que je viens de voir et voici vingt-deux vertiges que j’ai vécu ! Je suis vaincu ! Ventripotent ventricules sans vertus ! Vous voulez visiblement vous vendre au vice et à la vase victorieuse ! Vauriens, voyous ! », vitupéra-t-il. Le viateur visita un vieux vicomte visqueux avant de vider sa vessie et de partir en vrille. « Je m’en double vais » avoua-t-il en volant dans un wagon où des wallaces et des wapitis wallons dormaient tels des Walkyries de wagnérismes tous fixes. Les xénarques et leur xylophone gémissaient tantôt des xénies dans des xénodoques en xylodies, tantôt siestaient sous les xystes dans leur nid grec. « Y en a des yankees pardi ! Leurs yatagans et les yeux de leurs yacks m’irritent ! Je vais faire du yoga et manger du yaourt dans la yourte et boire de l’ypocras dans ma yole, loin d’eux et sans aide ! Zut à la fin ! Mes zaïm ont zéro zagaie ! Ce n’est pas juste ! Mon zèbre zigzague et est moins fort que son zébu zézéyant ! Zinzin ! zigoto sans zeste ! » zozota le zani zélé à celui qui voulait l’attaquer sous le zénith de Zénon et de Zoroastre. Il finit enfin par s’endormir, à la fin de son voyage dans les vingt-six villes du dictionnaire.
Au bout calme des éclats foudroyant : guerres hachurées, images jouissives, kadines lumineuses, merveilles nuancées, opéras périlleux, quintet rocambolesques, sonates ténébreuses, univers vertigineux, whiskey xylocopes, youpins zygomatiques, il se dit qu’après tout, il avait trouvé son sens, celui de sa vie, et il fut baptisé ce soir-là par son parrain Pangramme, dans la cérémonie de l’Académie des Mots : François Olivier Folie, plus connu sous le nom de Franc O. Folie, parfois écrit Francofolie.