C’est l’histoire de Nouma, qui est aujourd’hui âgée de trente-cinq ans. Tout a commencé quand elle a quitté son petit village du Sud tunisien alors qu’elle n’avait que trois ans. Son père commerçant à Marseille, ayant du mal à s’accommoder sans sa famille, décida de les emmener avec lui, Nouma, sa mère et son petit frère.
Il lui reste de ces trois premières années d’existence, des fragments très intenses, de senteurs, de sourires, de liberté et de tendresse. Elle était à ce que lui raconte sa mère, la petite adorée de sa grand-mère maternelle. Cette partie de sa vie, Nouma la voyait comme un lointain souvenir. Jusqu’à ce qu’elle prenne conscience qu’il s’agissait d’une déchirure, d’un profond déracinement. C’était un moment de mélancolie assez pervers, qu’elle va essayer de balayer tout au long de son enfance ; par moment il lui procurait bien être et douceur, mais bien souvent il se résume à de l’amertume accompagnée de tristesse.
Durant son enfance, Nouma passait toutes les vacances au Ksar Haddada auprès de sa grand-mère et de sa famille restée en Tunisie. Quand elle arrive à Tunis dans le nord, elle se sent comme une invitée. Les coutumes étant très différentes du nord au sud. Mais une fois arrivée dans son village de naissance, celui qui l’a forgé durant les premières années de sa vie. Elle ressent quelque chose d’indescriptible par les mots. Ce sont tous ses sens qui s’agitent. Elle s’y sent bien mais pas à sa place. Elle se sent chez elle, mais comme si elle était étrangère.
Mais elle fait tout, pour se réapproprier les lieux. Elle se rend au sommet d’une colline, ferme les yeux, et elle se concentre à redonner vie à ses plus anciens souvenirs. Elle cherche une odeur, une légère brise, un son, qui la transporterait là où elle en était restée.
Et tous les soirs, alors que toute la famille était réunie pour se raviver les histoires d’antan autour d’un verre de thé et de graines de tournesol que tout le monde appréciait décortiquer ; elle prenait un plaisir à s’endormir sur les genoux de sa grand-mère, au grès des mouvements de ses délicates mains dans sa chevelure.
Au bout de quelques jours, elle réussit à retrouver des attaches, émotionnelles et sensitives. Elle se reconstruit comme si elle n’était jamais partie. Et comme à chaque fois c’est déjà la fin des vacances. La déchirure reprend le dessus, les larmes, les sanglots, la peur de ne plus revenir, la tristesse et la mélancolie refont leurs apparitions.
Nouma a trouvé comme remède à cet époque le dessin. Elle dessinait souvent son village, ses vestiges, ses ksours et ses traditions. Toujours avec des couleurs pastels, douces et apaisantes. C’était un moyen d’attache, qui lui permettait d’accepter et de surpasser son manque.
Le temps s’est écoulé, Nouma a grandi, elle a étudié, travaillé et fondée une famille à Marseille. Elle est maintenant française à part entière, elle se sent comme une sirène, qui ne peut pas choisir entre la mer ou la terre. Elle ne peut pas faire un choix entre son village niché entre deux rocheuses, à la frontière du désert ; et Marseille la ville de tous les continents. Ils lui sont vitaux, tous les deux. C’est un sentiment qu’elle a du mal à exprimer. Elle se conforte dans l’idée de se dire franco-tunisienne. Elle dit : « je suis un arbre qui a ses racines plantées des deux côtés de la frontière. Je n’arrive pas à choisir. »
À Marseille, elle se sent comme un poisson dans l’eau. Chez elle. Elle aime les gens, la mentalité, l’odeur des différents quartiers, l’accent, le bonheur de vivre. Elle transpire le Sud, cet autre Sud du nord de la Méditerranée, et elle comprend qu’elle soit enviée. La mer à Marseille est différente de la Mer à Tunis. Elles se rejoignent mais n’ont ni le même caractère, ni la même senteur, ni le même effet sur elle. Elle se sent transportée devant ces deux infinis, mais de façon totalement différente.
Vingt-sept ans plus tard, elle décide après mûre réflexion de franchir un pas vers sa première terre. Et de retourner s’installer en Tunisie. Le moment était venu de revenir aux sources. Elle pensait que ce serait sa meilleure thérapie. Mais rien ne se passe comme prévu. Les deux premières années, elle traverse des périodes difficiles, entre maladie et deuil. Lorsque sa grand-mère maternelle fut décédée, Nouma a vu un pan de sa vie complétement basculer. Elle n’a pas tout de suite fait le lien entre son attachement à sa grand-mère et à celui de cet originel, son petit village natal : le Ksar Haddada.
Elle a décidé de ne garder que deux souvenirs de sa grand-mère, elle ne savait pas vraiment si c’était le bon choix. L’amour tendre et protecteur qu’elle lui vouait, et la délicatesse de ses doigts quand elle lui caressait les cheveux, par ces douces soirées d’été.
Les trois années suivantes, elle bascule dans la dépression chronique, sans réellement s’en rendre compte. Dans le fond, elle s’est toujours sentie en total décalage. Elle ne pensait, ni ne réfléchissait comme les autres. Elle était qualifiée de beaucoup trop mâture pour son âge. Ses parents s’étonnaient qu’elle puisse comprendre ce qu’ils essayaient de lui cacher, avant même qu’ils ne l’entreprennent. Elle avait les yeux partout et les oreilles toujours en satellite. Le questionnement à profusion, l’intéressement pour tout et une empathie exacerbée pour les autres ; on fait que d’apparence, elle semblait solide, sereine, confiante pleine de charisme et de confiance en elle. Alors, pourquoi tomberait-t-elle en dépression ?
Mais en s’écoutant, davantage, elle a découvert que de l’intérieur elle était en totale contradiction avec l’image qu’elle reflétait : hypersensible, indécise, mélancolique, avec un énorme manque de confiance en elle.
Afin de venir à bout de cet « être » qui était piégé, caché derrière ce faux-Nouma ; elle décide de pousser la porte... Un moment gênant, elle y va à reculons.
Au final, cette personne attentionnée et très à l’écoute, a su lui dire ce qu’elle ne voulait pas entendre. Nouma est en plein souffrance. En pensant se venir en aide, elle n’a fait que se déraciner encore une fois. Un évènement qui en tant qu’adulte, a été vécu dans une souffrance silencieuse inouïe. Elle a tenté de combler un manque, par un manque. Un piège dans lequel tombe facilement les déracinés.
C’est à ce moment, qu’elle comprit qu’elle devait reprendre les rênes de sa vie. Et elle choisit le juste milieu. Garder les pieds entre les deux. Ne plus chercher à vivre d’un côté ou de l’autre. Accepter de s’épanouir dans ses deux pays, celui qui l’a vu naître et celui qui l’a vu grandir.
Nouma a réussi à faire de ses déracinements une force. Elle dit à quiconque qu’elle voit désespéré de quitter ses terres : « Le déracinement est comparable à une plaie ouverte. Si tu veux l’aider à cicatriser, apprends à l’apprivoiser. »
Il lui reste de ces trois premières années d’existence, des fragments très intenses, de senteurs, de sourires, de liberté et de tendresse. Elle était à ce que lui raconte sa mère, la petite adorée de sa grand-mère maternelle. Cette partie de sa vie, Nouma la voyait comme un lointain souvenir. Jusqu’à ce qu’elle prenne conscience qu’il s’agissait d’une déchirure, d’un profond déracinement. C’était un moment de mélancolie assez pervers, qu’elle va essayer de balayer tout au long de son enfance ; par moment il lui procurait bien être et douceur, mais bien souvent il se résume à de l’amertume accompagnée de tristesse.
Durant son enfance, Nouma passait toutes les vacances au Ksar Haddada auprès de sa grand-mère et de sa famille restée en Tunisie. Quand elle arrive à Tunis dans le nord, elle se sent comme une invitée. Les coutumes étant très différentes du nord au sud. Mais une fois arrivée dans son village de naissance, celui qui l’a forgé durant les premières années de sa vie. Elle ressent quelque chose d’indescriptible par les mots. Ce sont tous ses sens qui s’agitent. Elle s’y sent bien mais pas à sa place. Elle se sent chez elle, mais comme si elle était étrangère.
Mais elle fait tout, pour se réapproprier les lieux. Elle se rend au sommet d’une colline, ferme les yeux, et elle se concentre à redonner vie à ses plus anciens souvenirs. Elle cherche une odeur, une légère brise, un son, qui la transporterait là où elle en était restée.
Et tous les soirs, alors que toute la famille était réunie pour se raviver les histoires d’antan autour d’un verre de thé et de graines de tournesol que tout le monde appréciait décortiquer ; elle prenait un plaisir à s’endormir sur les genoux de sa grand-mère, au grès des mouvements de ses délicates mains dans sa chevelure.
Au bout de quelques jours, elle réussit à retrouver des attaches, émotionnelles et sensitives. Elle se reconstruit comme si elle n’était jamais partie. Et comme à chaque fois c’est déjà la fin des vacances. La déchirure reprend le dessus, les larmes, les sanglots, la peur de ne plus revenir, la tristesse et la mélancolie refont leurs apparitions.
Nouma a trouvé comme remède à cet époque le dessin. Elle dessinait souvent son village, ses vestiges, ses ksours et ses traditions. Toujours avec des couleurs pastels, douces et apaisantes. C’était un moyen d’attache, qui lui permettait d’accepter et de surpasser son manque.
Le temps s’est écoulé, Nouma a grandi, elle a étudié, travaillé et fondée une famille à Marseille. Elle est maintenant française à part entière, elle se sent comme une sirène, qui ne peut pas choisir entre la mer ou la terre. Elle ne peut pas faire un choix entre son village niché entre deux rocheuses, à la frontière du désert ; et Marseille la ville de tous les continents. Ils lui sont vitaux, tous les deux. C’est un sentiment qu’elle a du mal à exprimer. Elle se conforte dans l’idée de se dire franco-tunisienne. Elle dit : « je suis un arbre qui a ses racines plantées des deux côtés de la frontière. Je n’arrive pas à choisir. »
À Marseille, elle se sent comme un poisson dans l’eau. Chez elle. Elle aime les gens, la mentalité, l’odeur des différents quartiers, l’accent, le bonheur de vivre. Elle transpire le Sud, cet autre Sud du nord de la Méditerranée, et elle comprend qu’elle soit enviée. La mer à Marseille est différente de la Mer à Tunis. Elles se rejoignent mais n’ont ni le même caractère, ni la même senteur, ni le même effet sur elle. Elle se sent transportée devant ces deux infinis, mais de façon totalement différente.
Vingt-sept ans plus tard, elle décide après mûre réflexion de franchir un pas vers sa première terre. Et de retourner s’installer en Tunisie. Le moment était venu de revenir aux sources. Elle pensait que ce serait sa meilleure thérapie. Mais rien ne se passe comme prévu. Les deux premières années, elle traverse des périodes difficiles, entre maladie et deuil. Lorsque sa grand-mère maternelle fut décédée, Nouma a vu un pan de sa vie complétement basculer. Elle n’a pas tout de suite fait le lien entre son attachement à sa grand-mère et à celui de cet originel, son petit village natal : le Ksar Haddada.
Elle a décidé de ne garder que deux souvenirs de sa grand-mère, elle ne savait pas vraiment si c’était le bon choix. L’amour tendre et protecteur qu’elle lui vouait, et la délicatesse de ses doigts quand elle lui caressait les cheveux, par ces douces soirées d’été.
Les trois années suivantes, elle bascule dans la dépression chronique, sans réellement s’en rendre compte. Dans le fond, elle s’est toujours sentie en total décalage. Elle ne pensait, ni ne réfléchissait comme les autres. Elle était qualifiée de beaucoup trop mâture pour son âge. Ses parents s’étonnaient qu’elle puisse comprendre ce qu’ils essayaient de lui cacher, avant même qu’ils ne l’entreprennent. Elle avait les yeux partout et les oreilles toujours en satellite. Le questionnement à profusion, l’intéressement pour tout et une empathie exacerbée pour les autres ; on fait que d’apparence, elle semblait solide, sereine, confiante pleine de charisme et de confiance en elle. Alors, pourquoi tomberait-t-elle en dépression ?
Mais en s’écoutant, davantage, elle a découvert que de l’intérieur elle était en totale contradiction avec l’image qu’elle reflétait : hypersensible, indécise, mélancolique, avec un énorme manque de confiance en elle.
Afin de venir à bout de cet « être » qui était piégé, caché derrière ce faux-Nouma ; elle décide de pousser la porte... Un moment gênant, elle y va à reculons.
Au final, cette personne attentionnée et très à l’écoute, a su lui dire ce qu’elle ne voulait pas entendre. Nouma est en plein souffrance. En pensant se venir en aide, elle n’a fait que se déraciner encore une fois. Un évènement qui en tant qu’adulte, a été vécu dans une souffrance silencieuse inouïe. Elle a tenté de combler un manque, par un manque. Un piège dans lequel tombe facilement les déracinés.
C’est à ce moment, qu’elle comprit qu’elle devait reprendre les rênes de sa vie. Et elle choisit le juste milieu. Garder les pieds entre les deux. Ne plus chercher à vivre d’un côté ou de l’autre. Accepter de s’épanouir dans ses deux pays, celui qui l’a vu naître et celui qui l’a vu grandir.
Nouma a réussi à faire de ses déracinements une force. Elle dit à quiconque qu’elle voit désespéré de quitter ses terres : « Le déracinement est comparable à une plaie ouverte. Si tu veux l’aider à cicatriser, apprends à l’apprivoiser. »