Il existe une violence, sourde, sournoise, impalpable dont personne ne parle et qui n'est que très peu relayée sur les chaînes d'information qui ne nous montrent que les violences physiques organisées ou subies par les manifestants.
Stéphanie et Cédric travaillaient dans la même usine Galico, usine d'abatage, de découpe et de conditionnement de volaille, grand pourvoyeur d'emplois de la région.
L'entreprise Galico avait démarré dans les années cinquante comme une petite exploitation familiale puis l'usine avait été rachetée un groupe américain, Totalfood qui la revendit à son tour à géant brésilien de l'agroalimentaire qui grâce à un montage financier et des faveurs fiscales qui étaient accordées aux entreprises qui s'implantaient sur le sol français, se trouvait ne payer qu'une part minime d'impôts.
Stéphanie fut embauchée sur la chaîne de traitement et de découpe des poulets. Les poulets arrivaient dans des caisses par camions entiers d'un centre d'élevage qui ne souciait guère de la condition animale et de l'éthique. A leur arrivée, les poulets étaient accrochés par les pattes et finissaient, une fois saignés, déplumés, éviscérés sur la chaîne de découpe.
Les conditions de travail étaient exécrables, debout plusieurs heures derrière la chaîne de conditionnement avec des horaires flexibles.
Stéphanie se maria avec Cédric, un jeune ouvrier. La banque leur accorda un crédit de trente ans. Stéphanie accoucha de son premier enfant l'année suivante. Le couple baignait dans ce que l'on pourrait appeler le bonheur. Un emploi stable, une maison, un mari aimant, un premier enfant.
Malheureusement, quelques années plus tard arriva la crise dite de la »grippe aviaire ». Le marché mondial de la volaille s'effondra et l'entreprise perdit plusieurs millions d'euros. L'augmentation du prix des céréales plongea encore plus l'entreprise dans la crise et l'on commença à parler de restructuration. Ils commencèrent à émettre des doutes sur leur avenir. Ils en parlèrent avec leurs amis, Cédric qui était d'un optimisme sans failles disait que ça allait s'arranger. Le Groupe ferma deux usines dans une autre région et cette réorganisation lui permit de réenregistrer des bénéfices. L'orage s'éloigna pour quelque temps.
Une période d'accalmie s'ouvrit pour eux. Le Groupe Galico se restructura et ouvrit de nouveaux marchés à l'étranger. Mais quelques années plus tard, une réglementation européenne vint durcir l'attribution des aides à l'exportation des produits frais. Le Groupe Galico fut plombé par une dette abyssale se mit en redressement judiciaire. Après plusieurs montages financiers , le Groupe sembla renaître de ses cendres et engendra quelques bénéfices. Stéphanie était inquiète. Combien de temps allait durer cette situation et sur quoi tout cela allait-il déboucher ? Deux ans plus tard, le Galico fut à nouveau proche de la liquidation judiciaire et fut racheté par un consortium russo-ukrainien qui accepta de racheter l'entreprise mais sous de strictes conditions, qui débouchèrent sur des pertes d'emplois nombreuses.
Cette fois-ci, Stéphanie et Cédric faisaient partie de la charrette de licenciements. Les belles promesses des différents politiciens ne suffisaient plus
Soutenus par les syndicats, les ouvriers de l'usine se mirent en grève pour tenter de sauver leurs emplois. Stéphanie n'avait jamais fait grève. Elle était de ceux qui observaient tout ça de loin. Bien sûr, elle avait déjà vu à la télévision, des fermetures d'usine mais cela lui paraissait loin, elle n'était pas concernée. Un plan de restructuration avait été mis au point par la direction. Les anciens partaient avec une indemnisation et les plus jeunes étaient priés de rejoindre d'autres usines du Groupe à l'autre bout de la France. Stéphanie et Cédric reçurent ensemble leur lettre. Ils avaient le choix, se soumettre ou se démettre ! Mais leur vie était ici, leur famille, leurs amis appartenaient à cette petite ville. Leur maison n'était pas finie de payer. Stéphanie refusa tout net . Pourquoi devraient-ils payer les pots cassés ? Il fut décidé par la majorité des ouvriers d'occuper l'usine. Les syndicats leur expliquèrent que l'usine fonctionnait bien avant qu'elle ne soit rachetée par tous ces groupes étrangers, avant que les bénéfices s'envolent dans les poches des actionnaires au lieu d'être réinvestis. Stéphanie découvrait un monde nouveau. Elle qui s'était contentée d'aller travailler de vivre de façon décente, allait se retrouver tout d'un coup démunie. Bien sûr, elle n'était pas naïve au point de découvrir l'injustice. Elle savait bien qu'il y avait plus riche qu'elle. Elle se mit à avoir peur. Qu'allaient-ils devenir ? Il n'y avait pratiquement plus de travail dans la région. Cédric accepta le poste qu'on lui proposait à six cent kilomètres de chez eux. Stéphanie continuait à lutter. Tous les jours elle rejoignait le piquet de grève et participait à des actions locales. Mais petit à petit le mouvement s'essoufflait. Certains avaient retrouvés des petits boulots, mal payés avec des horaires décalés, d'autres étaient partis en retraite et certains se contentaient de leur maigre prime de licenciement.
Stéphanie parlait beaucoup avec d'autres ouvrières. Elle s'ouvrait à un monde nouveau. Elle se mit à lire et à s'informer. Elle découvrit le monde des entreprises et l'économie politique. Elle apprit qu'il existait des pays qui pratiquaient le dumping fiscal pour mieux attirer les entreprises et fournir du travail à leurs ressortissants, elle découvrit les paradis fiscaux, l'ultralibéralisme. Elle découvrit le monde politique, les «affaires», les magouilles passées et présentes des différents gouvernements de gauche ou de droite.Tout était nouveau pour elle. Elle ne comprenait pas tout et passait de longues heures à discuter avec ses nouveaux camarades qui lui ouvraient les yeux. Stéphanie avait accepté un travail à temps partiel dans une succursale de Galico mais cela ne suffisait plus à subvenir à leurs besoins. Bientôt, ils ne purent plus rembourser le crédit de leur maison. Elle se rendit à la banque pour demander un étalement de sa dette mais ces rééchelonnements augmentaient la durée initiale du crédit et donc le total des intérêts à payer. Après quelques mois de négociation, elle fit une lettre de demande de saisine de la commission de surendettement. Stéphanie pensait avoir touché le fond. Elle avait perdue sa dignité et sa foi en l'avenir.
Elle fut bientôt approchée par un courtier qui lui proposa de racheter son crédit en échange de la vente de sa maison à moitié prix. Elle plaça son petit pécule à la banque et retourna vivre chez ses parents avec ses enfants. A peine avait-elle placée son argent en banque qu'une crise financière mondiale toucha les pays occidentaux entraînant avec elle la chute du secteur bancaire international. Stéphanie perdit les économies d'une vie, confiés à des banquiers et des traders inconscients, jouant avec des algorithmes financiers, tandis qu'en Europe, plusieurs institutions financières étaient sauvées par l'intervention des États et des banques centrales.
Stéphanie réalisa enfin qu'elle vivait dans un monde violent où les plus faibles n'avaient pas leur place.
C'était décidé, elle rejoindrait la grande manifestation parisienne organisée contre l'ultralibéralisme pendant le Forum Économique Mondial de Davos où se réunissaient les gouvernants des pays les plus prospères.
Stéphanie partit en car pour rejoindre la cohorte des manifestants. Elle n'avait jamais vu autant de monde de sa vie. La violence était palpable. Après avoir défilé, vociféré contre le gouvernement hurlé, chanté et pleuré avec ses camarades, la manifestation se dispersa. Stéphanie aperçu au loin des manifestants cagoulés qui cassaient des vitrines et pillaient les magasins. Elle ne cautionnait pas ces actes de violence mais les comprenait car ils étaient motivés par la détresse humaine !
Stéphanie et Cédric travaillaient dans la même usine Galico, usine d'abatage, de découpe et de conditionnement de volaille, grand pourvoyeur d'emplois de la région.
L'entreprise Galico avait démarré dans les années cinquante comme une petite exploitation familiale puis l'usine avait été rachetée un groupe américain, Totalfood qui la revendit à son tour à géant brésilien de l'agroalimentaire qui grâce à un montage financier et des faveurs fiscales qui étaient accordées aux entreprises qui s'implantaient sur le sol français, se trouvait ne payer qu'une part minime d'impôts.
Stéphanie fut embauchée sur la chaîne de traitement et de découpe des poulets. Les poulets arrivaient dans des caisses par camions entiers d'un centre d'élevage qui ne souciait guère de la condition animale et de l'éthique. A leur arrivée, les poulets étaient accrochés par les pattes et finissaient, une fois saignés, déplumés, éviscérés sur la chaîne de découpe.
Les conditions de travail étaient exécrables, debout plusieurs heures derrière la chaîne de conditionnement avec des horaires flexibles.
Stéphanie se maria avec Cédric, un jeune ouvrier. La banque leur accorda un crédit de trente ans. Stéphanie accoucha de son premier enfant l'année suivante. Le couple baignait dans ce que l'on pourrait appeler le bonheur. Un emploi stable, une maison, un mari aimant, un premier enfant.
Malheureusement, quelques années plus tard arriva la crise dite de la »grippe aviaire ». Le marché mondial de la volaille s'effondra et l'entreprise perdit plusieurs millions d'euros. L'augmentation du prix des céréales plongea encore plus l'entreprise dans la crise et l'on commença à parler de restructuration. Ils commencèrent à émettre des doutes sur leur avenir. Ils en parlèrent avec leurs amis, Cédric qui était d'un optimisme sans failles disait que ça allait s'arranger. Le Groupe ferma deux usines dans une autre région et cette réorganisation lui permit de réenregistrer des bénéfices. L'orage s'éloigna pour quelque temps.
Une période d'accalmie s'ouvrit pour eux. Le Groupe Galico se restructura et ouvrit de nouveaux marchés à l'étranger. Mais quelques années plus tard, une réglementation européenne vint durcir l'attribution des aides à l'exportation des produits frais. Le Groupe Galico fut plombé par une dette abyssale se mit en redressement judiciaire. Après plusieurs montages financiers , le Groupe sembla renaître de ses cendres et engendra quelques bénéfices. Stéphanie était inquiète. Combien de temps allait durer cette situation et sur quoi tout cela allait-il déboucher ? Deux ans plus tard, le Galico fut à nouveau proche de la liquidation judiciaire et fut racheté par un consortium russo-ukrainien qui accepta de racheter l'entreprise mais sous de strictes conditions, qui débouchèrent sur des pertes d'emplois nombreuses.
Cette fois-ci, Stéphanie et Cédric faisaient partie de la charrette de licenciements. Les belles promesses des différents politiciens ne suffisaient plus
Soutenus par les syndicats, les ouvriers de l'usine se mirent en grève pour tenter de sauver leurs emplois. Stéphanie n'avait jamais fait grève. Elle était de ceux qui observaient tout ça de loin. Bien sûr, elle avait déjà vu à la télévision, des fermetures d'usine mais cela lui paraissait loin, elle n'était pas concernée. Un plan de restructuration avait été mis au point par la direction. Les anciens partaient avec une indemnisation et les plus jeunes étaient priés de rejoindre d'autres usines du Groupe à l'autre bout de la France. Stéphanie et Cédric reçurent ensemble leur lettre. Ils avaient le choix, se soumettre ou se démettre ! Mais leur vie était ici, leur famille, leurs amis appartenaient à cette petite ville. Leur maison n'était pas finie de payer. Stéphanie refusa tout net . Pourquoi devraient-ils payer les pots cassés ? Il fut décidé par la majorité des ouvriers d'occuper l'usine. Les syndicats leur expliquèrent que l'usine fonctionnait bien avant qu'elle ne soit rachetée par tous ces groupes étrangers, avant que les bénéfices s'envolent dans les poches des actionnaires au lieu d'être réinvestis. Stéphanie découvrait un monde nouveau. Elle qui s'était contentée d'aller travailler de vivre de façon décente, allait se retrouver tout d'un coup démunie. Bien sûr, elle n'était pas naïve au point de découvrir l'injustice. Elle savait bien qu'il y avait plus riche qu'elle. Elle se mit à avoir peur. Qu'allaient-ils devenir ? Il n'y avait pratiquement plus de travail dans la région. Cédric accepta le poste qu'on lui proposait à six cent kilomètres de chez eux. Stéphanie continuait à lutter. Tous les jours elle rejoignait le piquet de grève et participait à des actions locales. Mais petit à petit le mouvement s'essoufflait. Certains avaient retrouvés des petits boulots, mal payés avec des horaires décalés, d'autres étaient partis en retraite et certains se contentaient de leur maigre prime de licenciement.
Stéphanie parlait beaucoup avec d'autres ouvrières. Elle s'ouvrait à un monde nouveau. Elle se mit à lire et à s'informer. Elle découvrit le monde des entreprises et l'économie politique. Elle apprit qu'il existait des pays qui pratiquaient le dumping fiscal pour mieux attirer les entreprises et fournir du travail à leurs ressortissants, elle découvrit les paradis fiscaux, l'ultralibéralisme. Elle découvrit le monde politique, les «affaires», les magouilles passées et présentes des différents gouvernements de gauche ou de droite.Tout était nouveau pour elle. Elle ne comprenait pas tout et passait de longues heures à discuter avec ses nouveaux camarades qui lui ouvraient les yeux. Stéphanie avait accepté un travail à temps partiel dans une succursale de Galico mais cela ne suffisait plus à subvenir à leurs besoins. Bientôt, ils ne purent plus rembourser le crédit de leur maison. Elle se rendit à la banque pour demander un étalement de sa dette mais ces rééchelonnements augmentaient la durée initiale du crédit et donc le total des intérêts à payer. Après quelques mois de négociation, elle fit une lettre de demande de saisine de la commission de surendettement. Stéphanie pensait avoir touché le fond. Elle avait perdue sa dignité et sa foi en l'avenir.
Elle fut bientôt approchée par un courtier qui lui proposa de racheter son crédit en échange de la vente de sa maison à moitié prix. Elle plaça son petit pécule à la banque et retourna vivre chez ses parents avec ses enfants. A peine avait-elle placée son argent en banque qu'une crise financière mondiale toucha les pays occidentaux entraînant avec elle la chute du secteur bancaire international. Stéphanie perdit les économies d'une vie, confiés à des banquiers et des traders inconscients, jouant avec des algorithmes financiers, tandis qu'en Europe, plusieurs institutions financières étaient sauvées par l'intervention des États et des banques centrales.
Stéphanie réalisa enfin qu'elle vivait dans un monde violent où les plus faibles n'avaient pas leur place.
C'était décidé, elle rejoindrait la grande manifestation parisienne organisée contre l'ultralibéralisme pendant le Forum Économique Mondial de Davos où se réunissaient les gouvernants des pays les plus prospères.
Stéphanie partit en car pour rejoindre la cohorte des manifestants. Elle n'avait jamais vu autant de monde de sa vie. La violence était palpable. Après avoir défilé, vociféré contre le gouvernement hurlé, chanté et pleuré avec ses camarades, la manifestation se dispersa. Stéphanie aperçu au loin des manifestants cagoulés qui cassaient des vitrines et pillaient les magasins. Elle ne cautionnait pas ces actes de violence mais les comprenait car ils étaient motivés par la détresse humaine !