En ces parterres que dire je propose,
Si grand sujet, et si divers s'expose,
Que la Nature en confuse beauté
Le jugement de choisir a ôté.
Car quand ce vient que l’ouvrage on contemple
Plein de façon, sans patron ni exemple,
On a de quoi les causes en tirer,
En quoi se plaire, et de quoi admirer :
Des hauts sommets la raison s'imagine,
Pourquoi ils font des Fleuves l'origine :
Une eau sans air, toujours va haut tendant :
Ayant pris l'air, toujours va descendant :
Et court sans fin, tant qu'elle soit reçue
Au grand giron dont elle était issue :
Ainsi la Mer se vide et se remplit.
Et sa rondeur éternelle accomplit.

Pourquoi en haut l’âpre gelée éprise,
Le clair Soleil et ses rayons méprise,
Et au lieu bas, où le Soleil n’apparaît
Si longuement, en moins de temps se perd :
Les rais luisants, qui libres s’élargissent
Sur la campagne, abondamment agissent,
Et à loisir : car leur protection
Sa force accroît par la réflexion :
Mais la hauteur, où le Soleil applique
Ses rais divins, et de trait plus oblique,
Ne peut garder cette vive chaleur
Si longuement en sa pleine valeur.

Pourquoi d'Eco dont l'oreille est déçue,
L'eau résonnante est tellement reçue,
Que le passant veut voir à l'approcher,
Si ce ruisseau est dedans le Rocher :
Comme au Miroir la polie verrière
Fait voir l’objet, étant close derrière :
Et comme l'eau ne pouvant transparaître,
Outre le son, fait le même apparaître,
Ainsi d'Eco est la voix reboutée,
Quand l'air s'entonne en la Roche voûtée :
Et quand les croix et circuits caverneux
Rendent le son qu’ils ont cueilli en eux.

En traversant par les Roches hautaines,
On voit saillir les premières Fontaines,
Qui donnent nom aux plus petits Ruisseaux,
Dont s'enflent ceux qui portent les vaisseaux :
On voit comment une Eau acquiert sa force
En se mouvant, sans qu'autre eau la renforce,
Par le moyen de son canal, réduit
De plus étroit, en plus large conduit.
Tout ainsi fait la matière allumée,
Qui au foyer rend bien peu de fumée,
Par le tuyau peu à peu s'étendant,
Puis par dehors au large s’épandant.