A un haggis

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Avec ta bonne et belle bouille rebondie,
De l'armée des puddings tu es le chef suprême !
Et tu prends dignement ton siège légitime,
Au-dessus des boyaux, des tripes, des andouilles,
Méritant bien un bénédicité
Aussi long que mon bras.

Tu remplis le plateau qui gémit sous ton poids,
Tes flancs puissants s'étalent comme une colline,
L'épingle qui te ferme pourrait faire l'axe d'un moulin
En cas de besoin ;
Et par tous les pores de ta peau, les essences distillent
Comme des perles d'ambre.

Un rude homme de labeur essuie sa lame
Et te tranche d'un coup de main habile,
Taillant dans tes nobles entrailles dégoulinantes,
Comme on creuse un fossé ;
Et alors, quel spectacle somptueux !
Quelle richesse ! Quel parfum glorieux !

Puis, tous donnant de la cuillère, tous y vont de bon cœur,
Et malheur au dernier ! On pioche avec bonheur,
Jusqu'à ce que bientôt les ventres distendus
Gonflent en forme de barriques ;
Et qu'un brave ancien, prêt à éclater,
Récite en soufflant l'action de grâce.

En existe-t-il un, penché sur son ragoût français,
Ou sur un des ces plats huileux à écœurer un porc
De dégoût, ou sur une de ces fricassées
À vous lever le cœur,
Qui puisse contempler l'air méprisant, le nez levé,
Un tel dîner ?

Pauvre Diable ! Regardez-le d'ailleurs, ce mangeur de chichis,
Mou comme une saucisse rabougrie,
Avec des mollets fins comme cordes à violon,
Des poings gros comme des noisetons,
Aussi capable d'un bon combat sanglant sur la terre ou la mer,
Qu'un mouton !

Regardez maintenant notre humble mangeur de haggis,
La terre tremble sous ses pas !
Son poing massif tient un large espadon
Qu'il sait faire siffler,
Faisant voler bras, têtes et mollets
Comme autant de fleurs de chardon !

Puissances qui sur l'homme veillez,
Et qui régentez son manger,
L'Ecosse ne veut pas de ces potions liquides
Qui clapotent dans un soupier ;
Mais si vous voulez ses prières laudatrices,
Donnez-lui un haggis.



(Traduction par Jean-Claude Crapoulet)

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