Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre.
Mon destin, c'était de ne jamais voir la lumière, que l'obscurité du ventre de ma mère m'absorbait les yeux avant de me libérer à la vie. Je suis née non voyante avec une déficience visuelle qui ne se guérit pas, ce qui m'a fait comprendre depuis mon enfance que je ne vivrai pas une vie normale. Cependant, je ne déteste pas un mot plus que le mot « handicapé », je l'ai toujours trouvé comme une grande injustice pour moi et pour tous ceux qui ont eu une anomalie qui les empêche de mener leur vie normale comme les autres. Ma mère ne comprenait en aucun moment que ma différence n'est pas une honte. Je me souviens très bien de ses mots quand elle me demandait de ne parler à personne. Elle m'empêchait de rencontrer qui que ce soit et m'enfermait dans ma coquille là où j'étais toujours comme une perle délaissée transparente, personne n'a le droit de faire ma connaissance ou de communiquer avec moi. Elle pensait qu'il valait mieux rester à l'écart des jugements qui pourraient me blesser ou m'offenser. Je chantais en dansant dans ma chambre au rythme de mon âme, et maman me disait de baisser ma voix. J'essayais d'écrire en braille, ce système d'écriture tactile, ou sur le clavier pour partager mes idées, mais il m'était interdit d'écrire que pour moi, ce qui m'arrachait à chaque fois l'esprit et la poitrine. Mais je ne peux pas blâmer maman, car le problème réside dans la société dans son ensemble. Quand les gens apprennent mon cas, ils ne me voient plus comme un être normal. Cette pitié et ce regard inférieur dégoûtant m'ont détruite au fil des années et m'ont changée de l'intérieur. Il reste en moi quoi que je fasse une partie étrange qui ne me ressemble pas. Quelle est la faute d'un enfant né aveugle, sourd, muet ou « handicapé » ? Quelle est la faute de ma famille quand elle a eu une fille comme moi ? Toutes ces années, je ne me suis pas vue de mes yeux, mais clairement des yeux des autres. Personne n'a pensé à ce que je pourrais ressentir. Que je me réveille tous les jours avec un rêve qui ne se réalisera pas, que j'espère voir la nature dont tout le monde parle. Je ne la vois qu'avec le gazouillement d'un oiseau, le ruissellement d'une rivière et le bruissement des arbres. Et je ressens sa splendeur dans le parfum aromatique d'une fleur parfumée ou dans l'air frais d'un jour printanier. Je rêve de voir le ciel pour comprendre son immensité, voir la mer qui m'effraie de ce que j'ai entendu sur le danger de ses profondeurs, danser sur la plage et pénétrer mes orteils dans le sable sans avoir peur de tomber accidentellement ou trébucher sur quelqu'un. J'aimerais courir dans les rues comme tous ces enfants qui l'ont fait avant moi. Je rêve que les frontières seront brisées entre mes yeux et la lumière pour comprendre les couleurs et la beauté de l'univers. Il y a énormément de mots qui n'ont aucun sens pour moi, que je ne les ai jamais compris. Je veux pouvoir voir les gens que j'aime, comprendre ce que signifie se rencontrer par les regards, voir ma mère et lire dans ses yeux pour comprendre ce qu'elle voit réellement en moi. Mais si Dieu avait créé tous les hommes égaux, sans défauts, alors la perfection aurait été trouvée, et ce n'est pas possible. Je suis comme tout le monde, je suis différente dans ma perception des choses. Vous voyez avec vos yeux, et je vois avec mes mains, je touche et je sens des choses, donc je comprends ce qu'elles sont, et je peins des images illimitées dans mon esprit d'une manière qui diffère de ce que vous peignez en couleurs. Mais j'ai une mémoire vivante tout comme vous. Je ne suis dépendante de personne ni même de la société. Je choisis de me focaliser sur moi-même et de ne plus valoriser le regard des gens. J'ai mes compétences, mais j'ai besoin qu'on me traite d'une façon un peu différente et spéciale comme l'espère chacun de vous selon sa vie et ses préférences. Aucun être humain n'est laid. Chaque individu a sa propre beauté. Soyez tolérant, soyez juste pour vous et pour les autres. Chacun parmi nous doit connaître et respecter les gens. Personne n'a le droit de juger un être humain. Concentrez-vous sur vous-même et oubliez les limites que vous avez fixées.
Je rêve d'un monde où les gens ne savent qu'aimer, ne blâment pas, ne blessent pas, ne frappent pas, ne contrôlent pas, que les gens s'acceptent à bras ouverts, qu'ils cherchent des solutions pas des problèmes et des complications. J'espère qu'ils vivent simplement dans une atmosphère paisible. C'est peut-être un souhait qui ne serait pas réalisé dans un monde comme celui-ci, mais espérons quand même.