Villars-sur-Ollon

I

Villars, en ta fraîche arène
Aux degrés audacieux,
Un évadé de la plaine,
Que vers toi l'espoir ramène,
Vient respirer l'air des cieux.
Il t'arrive, hors d'haleine,
Et ne t'aperçoit qu'à peine
Sous l'épais brouillard qui traîne
Ses longs plis silencieux.
La vapeur couvre à la ronde
Et l'alpage et le hameau :
N'importe, sous ce manteau
Je trouve l'oubli du monde,
Je goûte la paix profonde,
Ce bonheur toujours nouveau.
Garde-moi, rustique asile,
Dont l'austérité me plaît ;
Rassasié de la ville,
Avec bonheur je m'exile
Aux monts hantés du follet.
Bientôt, trop tôt, dans la plaine.
Je trouverai mon souci.
Brouillards bienfaisants, merci,
Car vous endormez ma peine.


II

Même temps. C'est dimanche. Aussi les visiteurs,
Montagnards pour un jour, gravissent les hauteurs ;
Ils viennent s'informer des citadins paisibles,
Qu'à leurs yeux le brouillard a rendus invisibles ;
D'autres, par le sentier où glissent les marmots,
Descendent au sermon qui sonne en Hoémoz.
Le bruit des voix s'éloigne et dans la brume blanche
La cloche appelle, appelle. Ô paternel dimanche !
Tu dilates les cœurs, jour sérieux et doux.
Qu'il est bon, avec Dieu, d'avoir un rendez-vous !


III

Plus tard. – J'entends-la voix de mon voisin le Juge
Qui s'informe de l'un et de l'autre et dit : « Bon !
Rien de nouveau chez vous? point d'ennuis, de grabuge ?
De mévente ? tant mieux ! La fille, le garçon ?
Le bétail ? le jardin ? la santé ? tout chemine ?
Bravo ! Conservez-vous. Saluez Isaline. »
Le dialogue ainsi dure quelques instants,
Les questions à peine attendant la réponse.
Et la poule qui glousse au fenil nous annonce
L'œuf nouveau. – Dans la cour les cabris chevrotants,
Et les pleurs du brouillard sur les toits crépitants,
Forment un chant confus tout plein de rêverie
Et de charme discret pour l'âme endolorie.


IV

Accoudé, j'ai rêvé longtemps.
Le hameau désert se recueille.
Et sur la mousse, et sur la feuille,
Et sur la sente et sur les toits,
Du nuage de mousseline
Qui ceint les bois et la colline,
Il pleut toujours à demi-voix.
À petit bruit, gouttes serrées,
Perles fines tombent d'en haut ;
Les herbes deviennent nacrées
Sous le subtil petit sanglot,
à ma fenêtre en vain j'écoute,
Rien ne passe plus sur la route.
Le coq se tait au poulailler.
Dans le brouillard qui m'emprisonne,
Ma plume est seule à babiller.
Autour de moi plus rien, personne...