La lune était particulièrement lumineuse cette nuit là et on y voyait presque comme en plein jour, une nuit idéal pour les sorties. Autours de moi des personnes discutaient joyeusement, aucun d'eux ne me jetaient ne serait ce qu'un regard. C'était normal et j'y étais habitué ; j'étais celui qu'on ne pouvait pas entendre et qu'on ne regardait pas, j'étais le spectateurs de la vie des autres. Aujourd'hui il y avait un grand spectacle justement, le parc était rempli, lors des nuits comme celle-ci j'aimais observer, écouter et surtout sentir. Je n'avais jamais compris pourquoi ces gens là préféraient regarder avec leur yeux plutôt que sentir avec leur cœur.
Pour le premier acte de ce fameux spectacle je m'approchais d'une famille avec des enfants, ces derniers sentaient la joie de vivre tandis que le bonheur des deux parents étaient teinté de fatigue. Pour le deuxième je choisis un groupe de jeunes assis en cercle, eux ils sentais la folie un parfum qui dit « ce soir tout peut arriver ». Parmi les jeunes, deux se tenaient la main, ils sentaient l'amour neuf, celui qui peut pousser à faire des folies. Je déambulais quelques instants à la recherche de mon troisième acte quand je les vis. Un couplé très âgé, regardant d'un air nostalgique le groupe de jeunes un peu plus loin. Eux ils sentaient l'amour qui a vécu, la même odeur que celle des livres qui sont passés de mains en mains et qui ont fait pleurer, rire et sourire. D'ailleurs moi aussi je souriais, la vision de ces deux vieilles personnes m'avait rendu heureux. Je me demandais quelle odeur je sentais moi, je ne le saurais sans doute jamais. Étrangement cette perspective m'attristait il faut croire que je les enviais, eux dont le bonheur semblait si évident.
Très vite je me rendis compte que le vieux couple revenait tout les soirs et les regarder devint ma routine. Inexplicablement les regarder me faisait sentir plus vivant que je ne l'avait été depuis longtemps. Et cette routine dura jusqu'à ce fameux jour où personne ne vint, pendant près d'une semaine ils vinrent plus. Puis un soir il revint, seul, la vieille femme n'était plus là et cette disparition me ramena à un concept que j'avais oublié depuis longtemps; la mort. Si je me concentrait je pouvais apercevoir la vieille femme encore et toujours assis à côté de son mari, qui pleurait maintenant.
Elle était devenu une ombre, comme moi.