Une nuit pas comme les autres

Une heure un. Je me réveillais en sursaut. Les maisons de mon quartier s'illuminèrent tour à tour et des cris retentissèrent. Les rideaux se refermaient aussi vite qu'ils s'étaient ouverts et les parents essayaient de rassurer leurs enfants. En me levant je vis l'objet de leur soudaine terreur. Deux bêtes à la fourrure épaisse semblaient être en pleine course poursuite dans la nuit noire. J'avais l'habitude de croiser des renards ou quelques loups en forêt mais ceux-ci faisait le double de la taille habituelle et possédaient de longs crocs luisant au clair de lune. Lune qui était pleine, évidemment. L'un des loups leva la tête vers moi, comme s'il avait senti mon regard. Ses yeux jaunes me scrutèrent un instant puis il baissa la tête et continua sa course. Ne pouvant plus trouver le sommeil après cet événement inhabituel je décidais de faire chauffer un peu de thé dans la bouilloire et de m'emmitoufler dans une couverture sur le canapé. J'observais à travers la fenêtre les étoiles qui brillaient. J'avais toujours adorée ces points lumineux dans le ciel, capables de briller pendant les temps obscurs. Ce soir, la nuit était belle, mais ses ombres sinistres et évènements surnaturels ne me rassuraient pas. Lorsque je m'apprêtais à boire une gorgée de mon thé brûlant, la sonnette retentit. Ce son était capable de faire angoisser n'importe qui durant la nuit, et je n'étais pas l'exception à la règle. Était-ce la voisine d'à côté qui cherchait à se faire rassurer ou bien quelque chose de plus grave qu'une grand-mère ne pouvant trouver le sommeil ? Mon cœur battait à tout rompre. Je pris mon courage à une main – l'autre tenait le manche d'un balai abandonné dans le couloir - et tendis mon bras pour actionner la poignée de la porte qui s'ouvrit doucement. Devant moi ne se tenait pas une mamie, mais un gros loup aux yeux jaune perçant. Ce loup dont j'avais croisé le regard il y a cinq minutes me dévisageait sur le pas de la porte. D'un signe de tête il me demanda la permission d'entrer avant de jeter un coup d'œil angoissé en arrière. Il n'avait pas l'air de vouloir me faire du mal. Et s'il l'aurait voulu je ne serais déjà plus là à hésiter devant ma porte. Je me décalais donc d'un pas et le laissa entrer. Du sang s'écoulait d'une longue blessure au flanc qu'il essayait de comprimer à l'aide de ses pattes. Reprenant mes esprits, je marchais vers la cuisine pour prendre un bandage et du désinfectant. Je n'avais pas la moindre idée de comment soigner son entaille. Je m'approchais de lui doucement. Ses yeux aux éclats dorés se sont levés vers moi et lorsqu'il vit ce que j'avais dans les mains je crus percevoir ce qu'était un haussement de sourcils.
- Tu...tu peux t'asseoir s'il te plait ? Je vais essayer de désinfecter ta plaie.
Il enleva ses pattes doucement, me montrant qu'il n'était pas nécessaire que je le soigne. La blessure se refermait d'elle même ! Je levais la tête, n'en croyant pas mes yeux. Était-ce de la magie ? Je vis une lueur d'amusement passer dans les siens.
- Tu étais poursuivit ? lui demandais-je curieuse.
Le loup hocha la tête. Soudain son ventre se mit à grogner : il avait faim. Ne voulant pas prendre le risque de me faire manger, j'accourus dans la cuisine et sortis un morceau de steak du frigo. Il n'était pas cuit, mais je ne pensais pas que cela le dérangerai. Je pris un couteau et coupais le plastique autour, lorsqu'une vive douleur se répandit dans ma main. Je poussais un petit cri et essaya d'arrêter l'hémorragie. Je sortis de la cuisine et lui tendis le steak d'une main tremblotante. Il me remercia d'un grognement et n'en fit qu'une bouchée. Puis son attention se porta sur mon doigt qui, malgré le sopalin mit autour, saignait encore abondamment. Il l'avait remarqué. Puis subitement, il prit ma main dans sa grosse patte griffue et se concentra dessus. Je vis la coupure se refermer presque instantanément. Le loup venait de guérir ma blessure comme il avait guérit la sienne, il y quelques instants. Je regardais mon doigt, encore stupéfaite.
- M...merci. Si tu n'as nulle part où aller ce soir je t'autorise à rester ici d'accord ? dis-je au grand loup. Mais ne me mange pas !
Un  grognement semblable à un rire sortit de sa gueule. Il hocha cependant la tête. Je sentis la fatigue me prendre et, n'ayant plus la force de bouger, je m'endormis sur le loup au doux pelage noir.
Sept heures sept. J'éteignis mon réveil et sortis de mon lit. Attends quoi ? J'étais dans mon lit mais je me rappelais parfaitement m'être endormie sur le corps douillet du loup. Ça avait dû être un rêve. Je me rendis dans mon salon et découvris qu'il n'y avait personne. Aucune bête poilue allongée sur le tapis, qui d'ailleurs n'avait aucune trace de poils ou de sang. Avais-je rêvé ? Une fois dans la cuisine j'ouvris la porte du frigo. Le morceau de steak n'y était plus. Je fronçais les sourcils. Oui, j'avais sûrement rêvé. Ce devait être la fatigue. Même mon doigt n'avait rien. Après avoir avalé mon smoothie, je rentrais dans ma voiture et me garais, une dizaine de minutes plus tard, au café où je travaillais. J'entrais et saluais mon patron, puis je m'installais au comptoir, prête à prendre la première commande du jour. La sonnette de la porte carillonna. Je levais ma tête et croisais le regard de mon premier client. Il avait des yeux jaunes. Des yeux jaune perçant.
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