Une nuit, deux vies

Québec, 19 juin - 3h21
 
Cela faisait maintenant quelques heures que je me retournais dans mon lit sans réussir à trouver le sommeil. J'étais fatiguée, d'énormes cernes entouraient mes yeux et malgré tout ce que j'avais essayé, je ne dormais toujours pas. Rien d'étonnant, entre mes notes en baisse et mon frère qui ne m'avait pas donné de nouvelles depuis plus d'une semaine. Mon moral était au plus bas en ce moment, et les insomnies de plus en plus fréquentes. Rien ne pouvait m'endormir, à part peut-être aller me défouler dehors, courir dans le vent ou sauter dans le lac qui s'étendait derrière ma fenêtre. Sans réfléchir je me levai de mon matelas posé sur de grandes palettes de bois, enfilai un short en jean et un gros pull et sortis par la fenêtre. Mes pieds nus se posèrent sur l'herbe humide ce qui me fit frissonner et je courus jusqu'au ponton face au lac. Mes cheveux roux voletaient derrière mon dos et je sentais le vent parcourir mon visage. Dans l'obscurité, je ne vis pas le bout de la jetée et faillis en tomber. J'hésitai pendant une minute à sauter puis je me ravisai, l'eau claire semblait gelée. Le froid était présent malgré le mois de juillet qui approchait. Les bruits des petits animaux qui avançaient dans l'herbe me rappelaient les longs étés que j'avais passés ici, la tête en l'air à regarder les étoiles. J'étais là, à contempler le ciel comme lorsque j'avais dix ans, mes pieds se balançant dans le vide au-dessus de l'eau. Le reflet de la pleine lune sur le lac illuminait la nuit sombre du Québec. Tout à coup, un bruit me fit sursauter, c'était seulement le grincement du vieux bois sous le poids de mon chien qui vint frotter son museau contre ma cuisse, et au même moment une étoile filante traversa le ciel. Je me demandais si depuis Los Angeles, lui aussi regardait les étoiles, mon frère Logan que j‘aimais, que j'aime et que j'aimerai toujours au fond de moi. Il habitait dans la célèbre ville de Californie depuis maintenant huit mois et me manquait terriblement tous les jours. Je me relevai suivie par mon chien et me dirigeai vers un grand arbre. Cet arbre c'était le nôtre, et cette pensée me serra le cœur. Je marchai autour de l'érable, cherchant quelque chose de précis. Je ne m'arrêtai que lorsque je vis, gravé sur l'écorce, son prénom en lettres cursives éclairé par la lueur de la lune. Je caressai doucement l'écriture et une larme se mit à couler le long de ma joue... 
 
Los Angeles, 19 juin – 00h21
 
Cela faisait maintenant huit mois que j'étais installé à Los Angeles pour mes études de droit. Chaque journée de cours se ressemblait, les mois passaient et les vacances approchaient. Décidément la vie nocturne de Los Angeles n'était pas faite pour moi, malgré l'euphorie, l'ambiance d'une ville toujours éveillée, je ne trouvais pas ma place, ce n'était pas mon style de vie. Les nuits calmes du Québec me manquaient tout comme ma sœur. Je rentrais d'une soirée, les rues étaient loin d'être désertes, les bars éclairaient les trottoirs et la musique résonnait dans toute la ville. J'aperçus mon immeuble, montai les escaliers en titubant et me dirigeai vers mon appartement. Arrivé à l'intérieur, tous les bruits de dehors semblèrent étouffés. Je me préparai un café pour contrer le mal de crâne du lendemain et montai sur le toit terrasse. J'étais là, accoudé à la rambarde du toit de l'immeuble. J'entendais le bruit des voitures sur la route en contrebas, les lampadaires brillaient d'une lueur orangée intense. Les nuits de Los Angeles ne ressemblaient en rien à la campagne canadienne. Les érables étaient remplacés par de hauts palmiers, les chalets par de petits buildings, les lacs et les rivières par l'océan. Sur la colline d'en face, le panneau Hollywood se dressait dans l'obscurité. Ces lettres dont j'avais rêvé, ne me faisaient plus rien à présent à part ressentir, en mon for intérieur, cette solitude. J'étais seul, nous avions planifié ce voyage avec Lexie il y a des années. Tout au long de notre vie nous avions été inséparables. On avait ce lien que les jumeaux ont, nous nous étions imaginés vivre des aventures incroyables, rencontrer des acteurs connus, mais ça c'était il y a bien longtemps, les années étaient passées et les plans avaient changé. J'avais bien évidemment rencontré deux ou trois célébrités durant ces huit mois. J'avais d'ailleurs envoyé des selfies à ma sœur, un énorme sourire sur le visage. Les premières semaines étaient géniales mais je m'étais très vite lassé. La brise marine me fit frissonner, la lune étincelait dans le ciel et malgré toutes ces lumières, je voyais les étoiles qui semblaient danser sous mes yeux. Je ne savais pas si c'était dû au mouvement de la terre ou à la trop grande dose d'alcool dans mon organisme. Les étoiles, me rappelaient les étés passés avec ma sœur au Québec. Elle me manquait tellement depuis que j'avais quitté notre petit village. Au même moment une étoile filante traversa le ciel, je me demandai si elle aussi observait les étoiles. Je ne l'avais pas appelée depuis plus d'une semaine alors je sortis mon téléphone de ma poche. L'heure s'afficha et je ne réfléchis même pas au décalage horaire, j'avais trop besoin de lui parler. Je cliquai alors sur son nom dans mes favoris, je lui avais bien évidemment donné un surnom ridicule qui me faisait bien rire mais n'y prêtai aucune attention. J'attendis qu'elle décroche pendant quelques secondes qui me parurent interminables. Puis sa douce voix, que je pensais entendre enjouée comme à son habitude, me répondit d'un air triste : 
— Allô Logan ! Je pensais justement à toi, tu me manques tellement...
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