Alors, il avance. La tête basse. Ses mouvements sont stables. Réguliers. La forêt, brumeuse. Son regard, fixe. La terre sous ses pieds, sèche. Les racines, noueuses. Il ne semble pas savoir où il va. Il avance. Simplement. Ses yeux regardant en face de lui, intensément. Il tend l'oreille. S'arrête. Son cœur rate un battement, et il se met à courir. La terre qui s'effrite sous chacune de ses foulées ne le ralentit pas, elle vole autour de ses chaussures, lui pique les yeux lorsqu'elle les atteints. L'obscurité ne le rend pas hésitant, forme son armure et le protège de tout ce qu'il veut laisser derrière lui. Ce. Ceux. Il court comme ça, pour rien, peut-être. Il se sent stupide mais ne ralentit pas. Les immenses arbres qui l'entourent semblent sortir tout droit d'un conte, leurs branches les plus hautes embrassent le ciel, bloquant ainsi toute lumière qui aurait pu profiter à la forêt. Il veut fuir encore plus vite, encore plus loin, mais il entend les murmures des ombres qui sont de plus en plus nombreuses dans son sillage et quand il se retourne, disparaissent. Les ténèbres étouffent par leur intensité, omniprésents avant même l'aurore, et pourtant si doux, pour lui. Il veut s'en aller, ou juste exister. Il sait qu'il ne sait pas. Il lève la tête, entrevoit un nuage, puis le soleil. Sa lumière, sa chaleur, sa douceur inonde les écorces brunes des arbres, leur donne un prestige, aussi. La forêt est moins dense. Le vent, plus fort. Il regarde le ciel, sent un souffle le parcourir, le revigorant de la tête aux pieds alors qu'il lève les yeux, sentant le fantôme illusoire de ses espoirs qui se désincarne. Il ralentit. Il voit un précipice, alors qu'il laisse la forêt derrière lui. Une désagréable pensée lui traverse l'esprit. Alors, il augmente la cadence de sa course, ferme les yeux pour chasser cette pensée puis faire comme si elle n'avait jamais existé, mais c'est trop tard. Elle lui a déjà traversé l'esprit, y laissant une marque de plus. Finalement, c'est peut-être ça qu'il veut fuir, mais ça ne l'avance pas, ça ne l'a jamais avancé, il n'a rien à dire sur aucune constatation qu'il s'est faite, qu'il s'est fait faire. Il n'a pas envie d'y penser, bien que le vide de son esprit le rende fou. Ses poumons le brulent. Il s'arrête, d'un coup. Un nuage vient charmer son regard désormais absent. Il veut quelque chose. Il a déjà tout. Mais il sait que quand bien même il n'aurait plus rien à espérer, il sera insatisfait. Il mourra insatisfait. Il fait jour. Il marche, à présent.