"Un Obstacle Radieux"

« Je suis différent, je l'ai toujours été .Pour ma mère c'est comme si j'étais un extra-terrestre. »Je suis Mignane, nom signifiant « vivre longtemps » en langage sérère. Ce nom m'a été donné à cause de la mort des trois premiers enfants de ma mère qui ont rendu l'âme au même âge, à cinq ans .En effet, je suis le quatrième né et le seul vivant. Orphelin de père à l'âge de sept ans, j'ai mené une vie toujours difficile .Le jour de ma naissance a semé une pépète au sein du village .Jamais ils ont vu un bébé pareil, comparable à la couleur du charbon. Au lieu de pleurer, l'échéance a vu le jour, le rire avec un morceau de pagne tissé à la main, d'après les témoignages. Ma mère ne m'a jamais parlé de ce jour. A chaque fois que je lui en parle, elle me dit « sur ce sujet, motus ! »De par ma taille, de la couleur de mes yeux, de leur forme, de mon comportement, je me demandais pourquoi je ne suis pas comme les autres. Mon tout était différent même si j'avais du mal à savoir la personne que j'étais. De nature introvertie, je me résignais dans un coin des jours et des jours voulant savoir ce qui définit mon humanité. J'étais comme un étranger. Je ne faisais rien comme les autres. La grande partie de ma jeunesse, a été auprès de ma grand-mère, car ma mère n'arrivait plus à bien interpréter mes actes. Son corps vacillait souvent quand elle me voyait. A l'école primaire, au CEM, puis au lycée, on m'a toujours appelé « monsieur premier ».Personne ne me dépassait en moyenne, même si je n'ouvrais rarement les cahiers pour apprendre. Parler à mes camarades de la classe n'a été guère question.
Ma solitude a été trilogique .J'étais seul à la fois, je me sentais seul et quelque fois j'avais besoin d'être seul pour me lasser prise avec le monde extérieur. Celui-ci m'a toujours concerné. A l'âge de 12 ans, je commençais déjà à me poser des questions anthropologiques et métaphysiques .Qui suis-je ? Pourquoi je vis ? Pourquoi y'a-t-il des innocents qui souffrent? Comment suis-je né et pourquoi je suis dans ce monde et pas dans un autre ? Pourquoi m'arrive-t-il des maux et pas aux autres ? J'ai toujours eu de la peine à trouver les réponses de ces questions que je trouvais insolubles. Je n'aimais pas ma personne, je m'abhorrais. Je passais des nuits blanches, je ne trouvais jamais le sommeil, même au plus douce des nuits .J'allais devenir fou .Et pour la première fois, j'ai pensé au suicide. Ma mère errait chaque nuit auprès de ma porte pour voir comment j'étais ou ce que je faisais.
« Je suis différent, je l'ai toujours été .Pour ma mère c'est comme si j'étais un extra-terrestre. » Pour moi, je me considérais comme un être ordinaire, aux idées ordinaires. Je pensais que tout le monde a les mêmes pensées que moi .Je commençais alors à m'immiscer à la masse .Ma mère était pourtant heureuse de me voir ainsi. Mais jamais cet approchement n'a duré .A chaque prise de parole, les gens du village se moquaient de moi. C'est comme si je n'étais pas un homme du sens commun. Ils me considéraient comme un fou. Enervé comme une biche quand s'ouvre la chasse, je ne priais plus l'omnipotent. De par mon excellence à l'école, mes parentés devenaient très jalouses et ne cessaient de me marabouter .J'avais l'impression d'être au milieu de deux mondes, ce qui m'a failli conduire au chemin de la folie. Ma mère était dans une inquiétude incommensurable, et ne cessait de pleurnicher comme une fontaine. A chacun de mes passages, les gens époustouflaient de rire, car mon tout était différent. Pourtant, personne n'est né volontairement avec tout ce qu'il souhaite paraître. Donc moi j'étais un produit de Dieu et j'étais comme il souhaite que je sois sur terre ; lieu où la vie est éphémère .Le fait de vouloir être comme les autres, a fait que j'ai passé le reste de mon adolescence dans les hôpitaux et chez les guérisseurs traditionnels. Je me sentais fatigué, et j'avais marre à la vie. Chaque jour, je priais Dieu pour le repos de mon âme. Mais Dieu m'a toujours donné le pouvoir de rendre visite aux esprits dans la nuit, même s'il restait spectateur à ces temps en me mettant à l'épreuve.
Une nuit, sur mon lit d'hôpital, cet éclair m'est revenu. Un ange m'est apparu .J'ai été dans un vaccinodrome car une épidémie frappait mon pays. Et comme il appartenait aux pays du tiers monde, il ne disposait pas alors de moyens efficaces pour prouver réellement que c'était la maladie. J'ai été alors au milieu des patients souffrants du corona virus, nom de la maladie qui ne cessait de faire paniquer la population en ces temps.
Un ange m'apparut en songe. Il se posait sur un grand baobab, puis une douce pluie tomba encore du ciel. Je souris gentiment et vis naître sur son visage, une lumière qui brille sur l'arbre de la résistance.
J'ai été complètement déconcerté. Cet endroit était si beau, si différent du monde normal. Ainsi, je ressentais une grande paix intérieure. J'ai été plein d'amour. Je ressentais un grand bonheur indicible.
-Mignane, disait-il sans demander mon nom.
-Comment es-tu arrivé à trouver mon nom, prononçais-je.
-Peu importe .As-tu oublié les questions que tu te posais toi-même pour comprendre ta personne ?
-Ces questions sont indélébiles et le seront, répliquais-je.
Pourtant, j'avais l'impression que j'étais chez moi. Oui j'y étais, même si les idées du monde sensibles ne me quittaient. Je ne me suis jamais senti ainsi.
-Peux-tu m'apporter une lumière sur ces questions, continuais-je mes interrogations.
-Sans soucis et avec plaisir .C'est d'ailleurs la raison de ma venue .Toutes ces questions dont tu te poses ont une seule réponse. Tu n'es pas comme les autres. Lèves ta main et regardes tes cinq doigts. Quelle remarque as-tu fait ?
-Je vois qu'ils sont bien différents.
-Génial, c'est comme ça que les hommes se démarquent selon leurs missions sur terre.
-Au début, je pensais que j'étais seul au monde .Je vivais dans une solitude extrême. C'est pourquoi je voulais être comme les autres car j'avais un dilemme d'être aimé ou pas.
-C'est normal, parce que tu vivais dans un manque d'amour. Il est vrai, que l'on peut se sentir tout seul tout en étant entouré de monde, car la solitude provient de ne pas se sentir aimé. Le vrai bonheur ne peut être atteint que par l'évolution vers l'amour. L'amour surtout en soi-même et pour les autres est la seule chose qui peut remplir le vide intérieur.
L'ange disparut après avoir donné son message de conscientisation.
Au réveil, j'avais l'impression de méditer. Ce mystère dans la nuit n'était pas un rêve, mais de la réminiscence .Je me souvenais de là d'où je venais et qui je suis. Je me réveillais de mon lit d'hôpital, tournais les yeux vers les patients qui souffraient de la covid19 et je me sentais guéri. J'étais devenu ma vraie personne. Je souffrais tout simplement des choses mondaines(le mysticisme) parce que j'ignorai la réalité, la vraie, mais aussi une maladie psychologique à cause de la vie dont j'imposais en moi. « Nous sommes ce que nous pensons. » disait Laurent Gounelle dans «  L'homme qui voulait être heureux. »
La femme à blouse blanche, inquiète, me vit doucement descendre le lit pour rejoindre ma demeure.
J'étais conscient du message qui m'a été transmis. J'avais retrouvé mes forces et mes capacités. Maintenant, je marche sur le chemin de la lumière, de la vérité après tant d'années de galère. Après avoir supporté ma différence, je me sens libre et fier de ma personne .Je veux ce petit manuscrit soit un éclair de conscience pour l'autre qui n'accepte pas sa personne. Malgré ma différence, je suis en paix avec moi-même et dans mes domaines .Ce qui est quasi- impossible à certains, qui veulent toujours cacher leur différence. Ce qui les plonge dans l'échec scolaire et d'autres domaines de la vie. « Il existe dans la vie des moments où être intelligent ne suffit pas, mais avoir du cœur. » Telle a été une de mes missions sur terre après avoir traversé les soucis du fleuve de l'obscurité.