«Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre». On ne débute pas ainsi au confessionnal mais, je préférai suivre les dictées de mon cœur. Je ne m'y étais pas rendu pour raconter mes péchés et obtenir l'absolution, je tenais à causer avec quelqu'un et le mieux placer était un prêtre avec la garantie du secret de la confession. Même étant hors de ma terre natale, j'ai été chanceuse de parler à un haïtien; cela me facilita la conversation. Je suis en terre étrangère grâce à une excursion organisée à la faculté suite à un concours remporté. Je me tus quelques secondes, rassemblai toutes mes idées en m'assurant de cracher les mots qu'il faut, fixai le prêtre droit dans les yeux et me résignai à me lancer ainsi:
- Ce soir-là, je rentrais à peine du bar quand je vis ma mère assise sur une chaise entrain de converser au téléphone. Je la saluai de la main pour ne pas la perturber et entrai dans la chambre que je partage avec mes frères et sœurs. Quotidiennement, je me rends dans ce bar en raison du manque d'énergie à la maison vu que l'électricité est ce luxe dont je ne puis me permettre à cause de l'irresponsabilité de l'institution en charge. Pourquoi ne pas m'y rendre pour la baise et les fous rires? Hélas! Je m'accommode à cette situation merdique. Je m'écroulai dans mon lit et m'accrochai à mon portable, petite union nocturne. Soudain, une envie urgente me conduisit aux toilettes et à ma sortie, j'entendis les paroles suivantes: «Elle est incompréhensible et trop forte pour une fille ». Du coup, je me suis mise à m'interroger sur son récepteur.
Comme un bébé qui rampe, j'avançai plus près pour ne rien rater de cette conversation. Il fallait aussi que je sache à qui elle communiquait. Le nœud à la gorge, maman poursuivit: « Elle a vécu tant de choses et pourtant elle reste inébranlable. Si elle était chrétienne, je dirais qu'elle a puisé une telle foi en Dieu. Moi étant adulte, je suis lessivée de vivre ici. Elle n'a jamais planifié son départ. Au contraire, elle me demande de me débrouiller pour quitter le pays avec les autres et de la laisser seule, comme si j'en aurais le cœur net. Léa a cette capacité d'avaler des couleuvres, même les plus grosses. Et quand moi j'arrive au bout du gouffre, elle me tend la main pour me relever ». À ces mots, je confirmai qu'elle parlait de moi mais le chat vient tout gâcher. À force de passer sa queue sur moi, je fis un geste brusque pour le chasser et ma mère se tut. Je regagnai ma chambre et après avoir assez torturé mon esprit, je tombai dans les bras de Morphée.
Je perdis les mots en l'espace de quelques secondes et la voix du prêtre me ramena à la réalité.
- Veux-tu continuer?
- Oui, je veux bien. sursautai-je. C'était un homme mon père, un homme.
- Avoir des amis masculins pose un problème ? Pourquoi cette inquiétude mon enfant ?
Le prêtre ne comprenait pas que le problème ne venait pas du genre mais du fait qu'elle parlait de moi. Mais bon, je ne suis là que pour dégager mes sentiments et me sentir soulagée après. Je continuai donc ma causerie.
- À force de trop y penser, j'en ai rêvé. J'y ai vu qu'elle racontait à cette personne qui m'est inconnue mon enfance difficile. J'admire ma mère et elle est mon tout, toutefois, elle m'a contrarié. Si seulement elle savait combien cela m'écœure de savoir qu'il y a des gens qui ont pitié de moi. C'est bien pour cela que je ne raconte pas toujours aux autres ce qui me traverse. J'ai grandi dans un quartier pauvre et j'y vis encore. Quand la situation se détériore, on se sépare tous pour aller chez un parent ou un ami et on revient sur nos pas dès qu'il y a un calme apparent. J'ai vécu ces moments où les gangs armés s'affrontaient et je devais aller à l'école sans la certitude de rentrer chez moi. Je m'endors très souvent en classe, n'empêche que je réussis toujours mes examens.
- Remercie le ciel ma fille, lui seul peut tout faire.
- Le ciel? ricanai-je. Loin de moi l'idée de vous ridiculiser mon père mais je préfère remercier la nature. Un de ces jours que vous qualifiez de sacré, un malfrat m'a violé. Jour merdique, ouais ! Oups ! Pardonnez-moi mon père parce que j'ai péché, ironisai-je. Ce dimanche matin, le voyou a braqué une arme sur ma tempe et a volé ma virginité de corps, d'esprit et d'âme au bout de cette impasse ténébreuse. Néanmoins, ce n'est vraiment rien à coté de la course contre le temps que je subis étant que femme.
- Je compatis à ta douleur ma fille. Mais tu as largement de temps vu ton jeune âge.
- Du temps ? Le temps c'est de l'argent. La course contre la montre importe peu aux hommes. À un certain âge, la société impose aux filles le mariage comme porte de sortie tout en nous enlevant le droit de rester célibataire ou même celui de baiser avec qui on veut. Malgré les exigences de la société, je garde une certaine sérénité et travaille à mon rythme sans me laisser influencée.
- As-tu un problème contre le mariage Léa ? C'est un sacrement de l'Eglise auquel nous tenons à cœur.
- Je m'en fou royalement de ce sacrement mon père, sans vouloir vous manquer de respect. Autant vivre comme bon me semble. Passons! Je désirai me réveiller car tout paraissait trop réel. Elle parlait de ma force comme une source dans laquelle les autres puisent la leur pour ne pas perdre espoir malgré les déboires de la vie et ce, en dépit des déceptions reçues par des prétendus amis. Je ne cesse d'aimer les autres et leur apporter tout soutien quand ils en ont besoin. La réciprocité, j'en connais que rarement mais ne m'en plains pas. Duper les gens en amour ou en amitié? Ça non plus je ne sais comment le faire. Je ne me vante pas mon père, je veux juste que ceux qui partagent mon entourage se sentent bien.
- Créer un climat joyeux pour autrui est un don, sois-en fière. Tu parais dérangée, qu'as-tu mon enfant?
- Mon style rebelle avec piercings, tatouage et dreadlocks incitent les gens à circuler des rumeurs à mon sujet, rumeurs qui semblent si vraies que moi-même j'ai tendance à y croire. De plus, je déteste quand ils se croient trop imbus de ma personne. J'ai été surprise de voir que vous ne m'aviez pas regardé de haut quand je franchissais le seuil de l'église.
- Je ne puis te juger car ce sont tes choix et si tu te sens bien dans ta peau, cela me va aussi. Ton physique n'a rien à voir avec tes valeurs, ni ne dicte ta bonté et ta bienveillance.
- Je suis aussi contrariée qu'elle ait justifié l'adaptation de mon style pour camoufler ma pauvreté. Non à l'option de me marier avec un homme pour son argent ni celle de me prostituer même si les temps sont durs. À moi la voie de l'instruction même sans aucune garantie de ma réussite et l'épistémophobie des dirigeants haïtiens.
Un servant d'autel accourut lui annoncer l'arrivée de quelques pèlerins. Il se leva tout en me suppliant de l'attendre car ce ne devrait pas être long. Bizarrement, une voix comme celle de ma mère criait : «Non Pablo !». Je me déplaçai pour confirmation. «Comment diable connait-elle le nom du prêtre ? Que fait-elle là?» Je croyais l'avoir pensé, pourtant mes lèvres s'étaient synchronisées trop vite avec mon esprit. J'ignore comment elle a pu atterrir jusqu'en Afrique vu nos pauvres moyens.
- Que viens-tu faire là maman ? Dois-je te rappeler que je suis en excursion avec la fac ? D'où connais-tu le prêtre pour crier sur lui avec autant d'aisance?
- Je ne te dois aucune explication mais sache que je suis avec les prêtres dans le cadre du pèlerinage. Etre une bonne servante ça paie non ?
- C'est ta fille Kate? répliqua le prêtre.
- Oui mon père, et la tienne aussi. Et pas uniquement dans le sens ecclésiastique du terme. C'est notre fille Pablo.
Mes oreilles me jouaient un sacré mauvais tour. J'hallucinai.
- De quoi parles-tu mère ? Mon père ? Papa ? Oh oh ! Je divague.
Tels furent les seuls mots que j'ai eu le temps de placer avant que je ne tombe dans les pommes.
- Ce soir-là, je rentrais à peine du bar quand je vis ma mère assise sur une chaise entrain de converser au téléphone. Je la saluai de la main pour ne pas la perturber et entrai dans la chambre que je partage avec mes frères et sœurs. Quotidiennement, je me rends dans ce bar en raison du manque d'énergie à la maison vu que l'électricité est ce luxe dont je ne puis me permettre à cause de l'irresponsabilité de l'institution en charge. Pourquoi ne pas m'y rendre pour la baise et les fous rires? Hélas! Je m'accommode à cette situation merdique. Je m'écroulai dans mon lit et m'accrochai à mon portable, petite union nocturne. Soudain, une envie urgente me conduisit aux toilettes et à ma sortie, j'entendis les paroles suivantes: «Elle est incompréhensible et trop forte pour une fille ». Du coup, je me suis mise à m'interroger sur son récepteur.
Comme un bébé qui rampe, j'avançai plus près pour ne rien rater de cette conversation. Il fallait aussi que je sache à qui elle communiquait. Le nœud à la gorge, maman poursuivit: « Elle a vécu tant de choses et pourtant elle reste inébranlable. Si elle était chrétienne, je dirais qu'elle a puisé une telle foi en Dieu. Moi étant adulte, je suis lessivée de vivre ici. Elle n'a jamais planifié son départ. Au contraire, elle me demande de me débrouiller pour quitter le pays avec les autres et de la laisser seule, comme si j'en aurais le cœur net. Léa a cette capacité d'avaler des couleuvres, même les plus grosses. Et quand moi j'arrive au bout du gouffre, elle me tend la main pour me relever ». À ces mots, je confirmai qu'elle parlait de moi mais le chat vient tout gâcher. À force de passer sa queue sur moi, je fis un geste brusque pour le chasser et ma mère se tut. Je regagnai ma chambre et après avoir assez torturé mon esprit, je tombai dans les bras de Morphée.
Je perdis les mots en l'espace de quelques secondes et la voix du prêtre me ramena à la réalité.
- Veux-tu continuer?
- Oui, je veux bien. sursautai-je. C'était un homme mon père, un homme.
- Avoir des amis masculins pose un problème ? Pourquoi cette inquiétude mon enfant ?
Le prêtre ne comprenait pas que le problème ne venait pas du genre mais du fait qu'elle parlait de moi. Mais bon, je ne suis là que pour dégager mes sentiments et me sentir soulagée après. Je continuai donc ma causerie.
- À force de trop y penser, j'en ai rêvé. J'y ai vu qu'elle racontait à cette personne qui m'est inconnue mon enfance difficile. J'admire ma mère et elle est mon tout, toutefois, elle m'a contrarié. Si seulement elle savait combien cela m'écœure de savoir qu'il y a des gens qui ont pitié de moi. C'est bien pour cela que je ne raconte pas toujours aux autres ce qui me traverse. J'ai grandi dans un quartier pauvre et j'y vis encore. Quand la situation se détériore, on se sépare tous pour aller chez un parent ou un ami et on revient sur nos pas dès qu'il y a un calme apparent. J'ai vécu ces moments où les gangs armés s'affrontaient et je devais aller à l'école sans la certitude de rentrer chez moi. Je m'endors très souvent en classe, n'empêche que je réussis toujours mes examens.
- Remercie le ciel ma fille, lui seul peut tout faire.
- Le ciel? ricanai-je. Loin de moi l'idée de vous ridiculiser mon père mais je préfère remercier la nature. Un de ces jours que vous qualifiez de sacré, un malfrat m'a violé. Jour merdique, ouais ! Oups ! Pardonnez-moi mon père parce que j'ai péché, ironisai-je. Ce dimanche matin, le voyou a braqué une arme sur ma tempe et a volé ma virginité de corps, d'esprit et d'âme au bout de cette impasse ténébreuse. Néanmoins, ce n'est vraiment rien à coté de la course contre le temps que je subis étant que femme.
- Je compatis à ta douleur ma fille. Mais tu as largement de temps vu ton jeune âge.
- Du temps ? Le temps c'est de l'argent. La course contre la montre importe peu aux hommes. À un certain âge, la société impose aux filles le mariage comme porte de sortie tout en nous enlevant le droit de rester célibataire ou même celui de baiser avec qui on veut. Malgré les exigences de la société, je garde une certaine sérénité et travaille à mon rythme sans me laisser influencée.
- As-tu un problème contre le mariage Léa ? C'est un sacrement de l'Eglise auquel nous tenons à cœur.
- Je m'en fou royalement de ce sacrement mon père, sans vouloir vous manquer de respect. Autant vivre comme bon me semble. Passons! Je désirai me réveiller car tout paraissait trop réel. Elle parlait de ma force comme une source dans laquelle les autres puisent la leur pour ne pas perdre espoir malgré les déboires de la vie et ce, en dépit des déceptions reçues par des prétendus amis. Je ne cesse d'aimer les autres et leur apporter tout soutien quand ils en ont besoin. La réciprocité, j'en connais que rarement mais ne m'en plains pas. Duper les gens en amour ou en amitié? Ça non plus je ne sais comment le faire. Je ne me vante pas mon père, je veux juste que ceux qui partagent mon entourage se sentent bien.
- Créer un climat joyeux pour autrui est un don, sois-en fière. Tu parais dérangée, qu'as-tu mon enfant?
- Mon style rebelle avec piercings, tatouage et dreadlocks incitent les gens à circuler des rumeurs à mon sujet, rumeurs qui semblent si vraies que moi-même j'ai tendance à y croire. De plus, je déteste quand ils se croient trop imbus de ma personne. J'ai été surprise de voir que vous ne m'aviez pas regardé de haut quand je franchissais le seuil de l'église.
- Je ne puis te juger car ce sont tes choix et si tu te sens bien dans ta peau, cela me va aussi. Ton physique n'a rien à voir avec tes valeurs, ni ne dicte ta bonté et ta bienveillance.
- Je suis aussi contrariée qu'elle ait justifié l'adaptation de mon style pour camoufler ma pauvreté. Non à l'option de me marier avec un homme pour son argent ni celle de me prostituer même si les temps sont durs. À moi la voie de l'instruction même sans aucune garantie de ma réussite et l'épistémophobie des dirigeants haïtiens.
Un servant d'autel accourut lui annoncer l'arrivée de quelques pèlerins. Il se leva tout en me suppliant de l'attendre car ce ne devrait pas être long. Bizarrement, une voix comme celle de ma mère criait : «Non Pablo !». Je me déplaçai pour confirmation. «Comment diable connait-elle le nom du prêtre ? Que fait-elle là?» Je croyais l'avoir pensé, pourtant mes lèvres s'étaient synchronisées trop vite avec mon esprit. J'ignore comment elle a pu atterrir jusqu'en Afrique vu nos pauvres moyens.
- Que viens-tu faire là maman ? Dois-je te rappeler que je suis en excursion avec la fac ? D'où connais-tu le prêtre pour crier sur lui avec autant d'aisance?
- Je ne te dois aucune explication mais sache que je suis avec les prêtres dans le cadre du pèlerinage. Etre une bonne servante ça paie non ?
- C'est ta fille Kate? répliqua le prêtre.
- Oui mon père, et la tienne aussi. Et pas uniquement dans le sens ecclésiastique du terme. C'est notre fille Pablo.
Mes oreilles me jouaient un sacré mauvais tour. J'hallucinai.
- De quoi parles-tu mère ? Mon père ? Papa ? Oh oh ! Je divague.
Tels furent les seuls mots que j'ai eu le temps de placer avant que je ne tombe dans les pommes.