Sauvons la nuit

Nuit n. f.  Obscurité qui enveloppe quotidiennement une partie de la Terre du fait de sa rotation.
 
-          Tom à table !
-          J'arrive Maman !
Comme d'habitude, maman m'appelait alors que j'étais occupé. Je replongeais aussitôt mes yeux dans mon télescope. J'admirais Mars, Vénus, les différentes constellations et plein d'autres merveilles spatiales. Alors que je continuais ma contemplation astronomique ma mère me rappelait pour le dîner.
-          Que faisais-tu dans ta chambre ?
-          J'admirais la nuit enfin plutôt les merveilles dont elle regorge ! Les étoiles, la lune, les planètes !
-          Hum, je vois, tu es un vrai passionné mon fils.
Une fois le repas terminé, je retournai dans ma chambre. Alors que j'allais me préparer à dormir, je repensai soudainement au rendez-vous que j'avais prévu avec Léna, ma meilleure amie. Nous devions nous retrouver à 22 h sur la colline au centre de la ville.
Je regardai ma montre : Il était déjà 21 h 30. Je me dépêchai à prendre mes affaires dont mon télescope et mon guide des étoiles et je me précipitai vers la porte.
Une fois à l'extérieur, je me mis à courir à une vitesse qui me surpris moi-même. Après quelques minutes à courir dans les routes campagnardes, j'arrivai enfin à l'orée de la ville. Je ralentis le rythme et avançai dans les rues à la lumière des nombreux lampadaires.
Après avoir arpenté ces ruelles avec impatience, j'arrivai au pied de la colline. Cette ville est si particulière avec sa dune de verdure en son cœur et son architecture aussi moderne qu'ancienne.
Je commençai la montée. Au fur et à mesure de cette escapade, mon sac à dos pesait de plus en plus lourd. Mais à mon grand bonheur, j'arrivai enfin au sommet de la colline et cherchai Léna du regard.
Alors que j'allais installer mon matériel d'astronomie, j'entendis une voix juste derrière moi.
-          Alors tête de linotte, encore en retard ! dit Léna avec un grand sourire.
-          Désolé, j'avais oublié le rendez-vous, répondis-je en me retournant.
-          T'inquiètes, ce n'est pas grave. De tout façon on est venu pour rien...
-          Pourquoi tu dis ça ? M'exclamai-je ardemment.  
-          Sérieux ! tu n'as pas remarqué ! Lève la tête et regarde le ciel, tu vas tout de suite comprendre.
Je levai la tête et quelle mauvaise surprise, les étoiles avaient toutes disparues.
-          Mais où sont-elles ? demandai-je étonné.
-          C'est à cause de la pollution lumineuse, Tom. C'est une véritable catastrophe. La lumière de la ville crée comme une aura lumineuse qui cache les étoiles.
-          Oh, je vois, quelle tristesse !
-          Oui. A cause de nous, les étoiles et toutes les merveilles du ciel sont cachées.
-          Si tu veux, on peut aller chez moi, à la campagne il y'a peu de lumière, on peut donc admirer le ciel.
-          J'aurais bien aimé mais mes parents m'attendent et je veux être en forme pour demain car je pars au ski.
-          Comme tu veux. A plus alors. J'espère qu'un jour on trouvera une solution contre cette pollution lumineuse et que la nuit revienne, dis-je accablé à Léna.
-          Moi aussi Tom, je l'espère au plus profond de moi...
Alors que je me trouvais à moins de 500 mètres de chez moi, j'entendis un bruit sourd juste derrière moi. Je me retournai furtivement et vit une renarde accompagnée de deux petits renardeaux.
Le son que j'avais entendu venait certainement de la poubelle qu'avait renversé la renarde. Quand cette dernière me vit avec ma lampe torche à la main, elle prit aussitôt ces petits dans sa gueule et parti très vite en direction de la forêt enfin plutôt de ce qu'il en reste car des travaux avaient commencé six mois plus tôt et malheureusement plus de la moitié des arbres avaient été coupés.
Je les suivis et une fois encore ce paysage déforesté me brisait le cœur.
Soudainement, la renarde et ses petits disparurent dans la terre En m'approchant plus près, j'aperçus un grand trou plongé dans l'obscurité que je pris pour un terrier. Je balayai le fond du trou avec ma lampe torche mais je n'aperçus rien. Le terrier se trouvait au milieu du chantier et des tractopelles et pelleteuses stationnés. Aucune verdure aux alentours, plus d'arbres.
Je regardai avec dégouts ce paysage de désolation. C'était un panorama proche de l'enfer !
J'avais à peine fait deux pas qu'à la lumière de ma lampe torche je vis une masse poilue orange et inerte.
Je m'agenouillai afin d'y voir de plus près et quelle stupéfaction lorsque je reconnu le nez allongé du petit renard ! Tout alla très vite dans ma tête, je compris que ce renardeau devait être un des petits de la renarde aperçue plus tôt. Mais pourquoi est-il mort ? Pourquoi est-il écrasé ? Ce pauvre animal n'avait plus que l'épaisseur d'une feuille !  
Puis, l'évidence me frappa de plein fouet : Ce renardeau est forcément mort écrasé par ces machines ! Ainsi, une grande tristesse m'envahit mais elle fut rapidement remplacée par une grande colère. Une grande colère contre les hommes. Après avoir fait disparaître les étoiles dans les villes, déforesté la nature, désormais ils tuent et mettent en danger les animaux nocturnes !
Alors que la fureur grandissait en moi, je vis le ciel qui commençait à devenir légèrement orangé, le soleil s'apprêtait à se lever.
Je rentrai vite chez moi et retrouvai ma mère morte d'inquiétude.
-          Mais où étais-tu ?
D'une voix tremblante, je lui répondis : Maman, on doit faire quelque chose !
Sous l'air étonnée de ma mère, je partis en courant dans ma chambre, je devais appeler au plus vite Léna pour lui faire part de mon plan de lutte pour préserver la nuit et tous ceux qui ont besoin d'elle pour vivre, se nourrir, se reproduire...
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