Rêver n'est pas réservé à la nuit

  Hugo ouvrit les yeux et presqu'aussitôt fut assailli par un délicieux sentiment de sérénité. Il prit le temps de s'étirer et de prendre conscience de chacun des muscles de son corps. Puis, il se leva de son lit, enfila ses vêtements préférés avec une facilité déconcertante, et se rendit dans la cuisine où sa maman préparait des pancakes. Dès qu'il entra, elle posa sur lui un regard empreint de tendresse et de fierté tel qu'il n'en avait plus l'habitude, ce qui le rendit instantanément heureux !
 
  Ils mangèrent un petit-déjeuner consistant et équilibré, digne du garçon en pleine croissance et rempli d'énergie qu'il était. Il se régala des saveurs qui avaient un goût si doux tout en se réjouissant de la journée à venir. Ses deux meilleurs copains et lui, allaient passer toute la journée dehors pour fêter ce premier jour de vacances scolaires ! Ils avaient longuement négocié auprès de leurs parents respectifs l'autorisation d'emporter un pique-nique pour ne pas avoir à rentrer le midi. Et à leur plus grande joie, ils avaient accepté ! Après tout, à 12 ans, il était temps de leur laisser un peu plus de liberté.
 
  Quand il fut enfin rassasié, il embrassa sa mère, lui promis de revenir à l'heure pour le dîner et attrapa son sac en courant presque vers la porte.
 
  Dehors, il retrouva Sohan et Liam les salua par une accolade. Qu'il était euphorique à l'idée de passer tout ce temps qu'avec eux, sans adulte pour l'accompagner dans chacun de ses mouvements !
 
  Ils se mirent à courir en direction de la forêt qu'ils adoraient. Quand ils arrivèrent dans la clairière qu'ils appelaient leur QG, ils mirent de la musique, puis dansèrent en riant comme si aucun problème ne pouvait les atteindre, comme si aucun malheur n'existait sur Terre.
 
  Hugo grimpa dans un arbre et respira l'air frais de la campagne, radieux. Puis il descendit et nagea dans la petite rivière. Que c'était agréable d'être maître de son corps et ne pas avoir de limite ! Il rayonnait de bonheur.  Une fois sortit du petit cours d'eau, il sécha grâce à la chaleur du soleil et gambada pieds nus pour profiter de la sensation de l'herbe chatouillant ses plantes de pieds. Il aurait voulu étirer le temps et que ce moment ne finisse jamais.
 
  Il fut pourtant temps de prendre le chemin du retour. Les trois amis se firent la promesse de se retrouver au QG dès le lendemain et se séparèrent avec des étoiles dans les yeux et le ciel...
 
  Hugo leva la tête vers sa fenêtre, il venait de se réveiller comme bien souvent, beaucoup trop tôt et il devrait attendre que sa maman vienne le chercher. Il se remémora le si doux rêve qu'il venait de faire et dans lequel, il n'y avait plus de fauteuil roulant, plus de maladie génétique et plus d'immobilité.
 
  Qu'est-ce qu'il aimait la nuit pour cela ! Ce n'est qu'au cœur de ses heures endormies qu'il pouvait se mouvoir comme bon lui semblait, qu'il avait l'illusion d'être un enfant comme les autres et qu'il était vraiment heureux.
 
  Depuis quelques temps, il doit bien s'avouer que quelque chose d'autre lui donnait cette impression... ou plutôt quelqu'un d'autre...
 
  Il a rencontré Lise au centre de rééducation. Ils ont en commun ce poids du handicap qu'ils ne devraient pas connaître aussi bien. Pourtant la jeune fille semble ne pas s'en soucier. Elle vit, joue et rit même, comme si de rien n'était.
 
  À son contact, Hugo a appris à jouer aux échecs et elle l'a mis au défi de réussir à la battre un de ces jours. Il a relevé le pari et s'entraîne régulièrement dans l'espoir d'y parvenir.
 
  Depuis qu'il la connaît, Hugo s'aperçoit qu'il n'attend plus la nuit avec autant d'impatience qu'avant car il s'est découvert une capacité insoupçonnée : il a appris à rêver les yeux ouverts.
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