Révélation

Je marchais dans une forêt sombre, le brouillard s'accrochait aux feuilles des arbres et tout autour de moi des craquements inquiétants se faisaient entendre. J'étais enveloppée dans une fine robe de satin rose clair et le froid me donnait des frissons. Une brume sortait de ma bouche à chaque expiration. On ne pouvait pas dire que j'étais peureuse, et pourtant cette forêt ne me rassurait pas. Je cherchais un chemin pour en sortir lorsque les craquements se firent plus angoissants autour de moi. Je me mis à courir aussi vite que mes jambes me le permettaient mais rien à faire, les arbres continuaient à défiler, toujours plus sombres et menaçants. Les bruits semblaient plus forts à chaque enjambée. Trébuchant soudain sur une racine au milieu du chemin, je manquais de tomber à terre et me rattrapai sur un arbre. Je repartis le plus rapidement possible en contournant le tronc. Vite essoufflée, je n'eus d'autre choix que de m'arrêter pour reprendre mon souffle. J'entendais à présent clairement des pas se rapprocher derrière moi mais il m'était impossible de me retourner ou de repartir, j'étais comme pétrifiée. Les pas cessèrent soudain de se faire entendre, plus un bruit, les arbres eux-mêmes semblaient retenir leur souffle. Lentement, une forme sombre émergea derrière un arbre. La silhouette d'un loup énorme se découpa dans le peu de lumière générée ce soir par la lune. Deux yeux globuleux s'ouvrèrent lentement, ils étaient injectés de sang et d'énormes veines en ressortaient. J'eus un haut-le-cœur et faillis m'évanouir. La créature me fixa de son regard répugnant, elle ouvra sa gueule et d'immenses dents dégoulinantes de bave apparurent. Elle s'approcha de moi si près que je crus mon dernier instant venu. Pourtant, une voix râpeuse et humaine en sortit. 
—  Un destin t'attend, tu dois partir. Ton peuple a besoin de toi...
Mon souffle se fit saccadé... comment cette chose pouvait parler ?... pourquoi moi et partir pour aller où ? Je n'avais de réponse à aucune de ces questions, mais la créature n'avait pas terminé. Elle réouvra lentement sa gueule. 
—  Tu ne peux aller contre ton destin. Toi seule peux les sauver...
—  Mais que voulez-vous dire ? lui criais-je, enfin sortie de mon état second.  
Pour toute réponse, une aura bleue m'entoura et un froid glacé suivi d'une vive douleur gagna tous mes membres. 
—  Ils ont besoin de toi... murmura-t-elle dans un dernier écho.  
 
J'ouvris tout à coup les yeux, j'étais allongée dans mon lit, ma couette était tombée par terre et j'étais recouverte de transpiration, comme si je m'étais battue. Je regardais par ma fenêtre restée entrouverte. De mon lit, je pouvais percevoir le souffle du vent faisant bruisser les feuilles des arbres de la forêt. Me levant, je passai la tête par la fenêtre, la nuit était sombre et la lune était cachée par les nuages. L'air froid qui entrait par l'entrebâillement me faisait frissonner et mes rideaux s'agitaient de plus en plus fort au rythme du vent. J'entendais dans le couloirs le grincement d'une porte que l'on refermait — sûrement celle de mes parents — et retournais avec empressement me mettre sous mes draps. Si mes parents me trouvaient debout à cette heure, ils ne seraient pas contents. 
 Comme un déclic, je me souvins soudain de ce rêve étrange et des paroles que la créature avait prononcées. Tout cela ne devait être qu'un rêve me dis-je intérieurement pour me rassurer. Il avait pourtant l'air tellement réel. Pourquoi avais-je fais ce rêve et quelle signification avait-il ? J'étais une fille comme les autres, pourquoi est-ce que ça devait tomber sur moi ? Ma seule maison était ici et je ne partirais pour rien au monde. Ces questions sans réponses tournaient en boucle à tel point que j'en avais mal à la tête, mais je ne voulais pas penser à cela maintenant, pas la veille de mon anniversaire. Demain, j'allais avoir treize ans. Demain, j'espérais avoir oublié tout cela. Et puis, ce n'était sûrement qu'un mauvais rêve... Je laissais ma tête se reposer sur mon oreiller, épuisée.  
En me réveillant le lendemain matin, je repensais avec hâte à mon anniversaire mais je fus stoppée par le spectacle qui s'offrait à moi. Je n'étais pas dans ma chambre mais dans un immense appartement digne d'une reine. Les murs étaient recouverts de velours bleu clair, la pièce était illuminée par un immense lustre animé de petites larmes luminescentes. Des voilages en mousseline entouraient mon lit. Je me levai prudemment, seule dans cette somptueuse chambre  inconnue, la panique s'insinuait lentement dans mon être et mes parents me manquaient déjà. Où étais-je et comment avais-je pu arriver à cet endroit ? J'étais encore en robe de nuit, la même qu'hier soir et je ne voulais pas sortir ainsi. Je cherchais des yeux un placard ou une étagère où seraient rangés des habits. Une armoire dans l'angle de la chambre attira mon attention. A mi-chemin, une porte s'ouvrit derrière moi, je me retournai en sursautant. Un homme se tenait sur le seuil, il était vêtu richement et une imposante couronne était placée sur sa tête. Je fus troublée par son visage qui me semblait tellement familier mais il était peu probable que je l'ai déjà vu par le passé. 
—  Bonjour princesse, dit-il avec une voix qui me parut rassurante.
—  Heu, bonjour, dis-je d'une voix mal assurée. Que...pourquoi...je... J'avais un millier de questions et mes paroles s'emmêlaient dans ma bouche si bien que je dus répéter pour me faire comprendre.  
—  Tu es la princesse de ce royaume. Il y a longtemps, tu as été enlevée par un espion d'une autre cour, cela fait treize ans que nous te cherchons et nous t'avons récupérée cette nuit pour que tu accomplisses ton destin. Tu dois sauver notre communauté d'un grand danger sans quoi nous disparaîtrons tous. Quant au reste, tu le sauras bien assez tôt. 
—  Mais je ne suis pas très forte, je ne comprends toujours pas comment je pourrais nous sauver.
—  Tu es exceptionnelle ! Sais-tu que tu as le pouvoir de transformer tes rêves en réalité lorsque tu le désires ?...
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