Prisonniers de la nuit

C'était une sombre soirée d'orage. Je jouais dans ma chambre quand, soudain, un cri terrible résonna dans toute la maison. Je descendis dans le salon pour voir ce qui se passait et ce que je vis me paralysa : une créature monstrueuse était en train de ficeler mon papi ! D'un coup elle tourna la tête vers moi et je vis ses yeux qui étaient comme des braises... Aussitôt, elle sauta par la fenêtre emportant mon papi ! Au bout d'un moment, je parvins enfin à rebouger.  Je ne comprenais rien. Qui était cette créature ? Et pourquoi l'avait-elle enlevé ?
Je réfléchis quelques instants et repensai soudain à ce que me disait mon papi quand j'étais petit : « Va à la cave si un jour il y a un grand danger ». Je suis donc descendu à la cave et, en appuyant sur l'interrupteur pour éclairer l'escalier... une armure est apparue ! Sans comprendre pourquoi elle n'était jamais tombée avant, je l'ai enfilée et ai senti une sensation bizarre, comme si mes yeux pouvaient tout voir et que je pouvais soulever un immeuble ! Je suis sorti pour voir si la créature était encore dans les parages. Il faisait nuit noire mais j'y voyais comme en plein jour ! À ma grande surprise je vis ses traces sur le sol.                               
Je les suivis jusqu'à un vieux cimetière mais, à un moment, les traces s'arrêtaient net. Etrange... Peut-être y avait-il une trappe cachée à l'endroit où les traces s'étaient arrêtées ? Mais je n'en voyais aucune.
J'ai frappé du pied par terre : c'était rageant d'échouer si près du but ! En regardant au sol, j'ai alors vu une grosse fissure : elle n'était pas là auparavant ! Soudain, j'ai eu un éclair de génie : c'était moi qui avais fait cette fissure en tapant du pied ! L'armure me donnait une force incroyable, alors j'ai continué à taper du pied et au bout de la cinquième fois, une fissure assez large pour me laisser passer s'est ouverte dans le sol. Je me suis faufilé dedans et j'ai suivi une allée qui descendait en pente douce vers une crypte ou étaient alignées des dizaines de créatures comme celle qui avait enlevé mon papi. Comment passer sans me faire remarquer ?
C'est alors que j'ai aperçu une bobine de ficelle et quatre aimants contre un mur de l'allée. Discrètement, je les ai récupérés et, comme les murs et le plafond étaient en fer, j'ai accroché les aimants à mes pieds et mes mains avec la ficelle et je suis monté sur le plafond sans faire de bruit. Par chance, les créatures n'ont pas songé à lever la tête ! J'ai traversé la crypte à quatre pattes sur le plafond et suis redescendu à l'autre bout de la salle. Les créatures m'ont remarqué alors j'ai vite enlevé les aimants et j'ai foncé vers la porte au fond de la crypte qui, heureusement, était ouverte. Je l'ai passée et l'ai vite refermée.
En regardant autour de moi, j'ai vu une pièce vide où il y avait des carreaux avec des nombres gravés dessus. Bizarre...
J'ai fait quelques pas quand, soudain, un écran géant est descendu du plafond. Dessus, il y avait un vieil homme avec des yeux en forme de croissants de lune. Une voix est sortie des haut-parleurs : « Je vois que tu viens chercher ton grand père ! Tu n'y parviendras pas à moins de résoudre ce problème... »
Un énoncé s'afficha sur l'écran géant : 14 passagers entrent dans un car géant qui a pour destination l'usine Doucenuit. Au premier arrêt, 5 descendent et 40 montent.  Au deuxième arrêt aussi et ainsi de suite jusqu'au dixième arrêt. Combien de passagers descendent du bus au dixième arrêt ?
La voix du vieil homme résonna alors à nouveau dans les haut-parleurs : « Tu devras marcher sur les cases du carrelage qui ont un chiffre du résultat final dans le bon ordre. Si tu marches sur une mauvaise case, une arme sortira d'un des deux murs au risque de te tuer même si tu portes une armure ! »
Hé hé, quel idiot ! pensai-je. J'ai toujours ma calculatrice sur moi ! Discrètement, je tapotai le calcul et obtint 384. Sans attendre, je m'élançai sur les cases 3, 8 et 4.
La porte de la dernière salle s'ouvrit devant moi. Sur une table trônaient une figurine de ninja, un petit bus, une feuille où était dessinée une croix dans un carré, un tableau de mare aux canards, un croissant...
Aucune voix ni écran ne surgit de nulle part pour m'indiquer ce que je devais faire alors je réfléchis : assembler les objets entre eux ? Eliminer un intrus ? Soudain, je réalisai qu'en combinant la feuille avec la croix dans le carré et le tableau, j'obtenais « COCHE-MARE ». Ou plutôt : CAUCHEMAR ! Je pris donc les deux objets dans l'ordre et la porte s'ouvrit sur un long couloir !
Tout au fond, des voix jaillissaient de derrière une porte. J'entendais vaguement celle de mon papi. Alors j'ai foncé avec mon armure et, à ma grande surprise, elle s'est ouverte ! A l'intérieur, le monsieur aux yeux de lune m'a accueilli... avec un grand sourire.
—        Bravo, tu as réussi à venir jusqu'ici ! Tu peux aussi féliciter ton grand-père...
Incrédule, j'ai répondu :
—        Qui êtes-vous ? Et pourquoi l'avez-vous enlevé ?
—        Je suis la nuit. Ton grand-père, le jour, est mon plus vieil ennemi. Je ne supportais plus que le monde voie mieux avec le soleil qu'il fait rayonner plutôt qu'avec ma belle lune ! J'étais jaloux. J'ai voulu le supprimer pour qu'il n'y ait plus de jour et que tout le monde voie comme la nuit est belle... Mais il m'a fait comprendre que si je le tuais, il n'y aurait plus de soleil et la lune n'éclairerait plus rien du tout ! Nous ne sommes rien l'un sans l'autre : sans moi, il ne peut pas se reposer et sans lui, je ne suis qu'obscurité.
—        D'accord... mais d'où sortent vos créatures ?
—        Ce sont des cauchemars que j'ai fini par apprivoiser...
Mon papi, qui était resté muet jusqu'à présent, me dit alors :
—        Merci d'être venu me sauver. Maintenant rentrons, il se fait tard ! Profitons de cette belle nuit pour... dormir et rêver !
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