Première fois - Dernière fois

"Est-ce à moi, une vieille femme, de vous apprendre le courage ?" Ses mots résonnent encore en moi, transperçant mon âme comme des flèches. Son regard perçant, chargé de sagesse et de reproches, reflétait ma propre faiblesse, me laissant désemparé et vulnérable.
 
Je m'appelle Adrien. J'avais grandi dans le confort d'un foyer luxueux, chéri par mes parents Élise et Jean, et entouré de mes jeunes frères que je protégeais comme un bouclier. Notre vie était un conte de fées, ou du moins, c'est ce que nous croyions. Mes parents menaient un train de vie somptueux, mais derrière cette façade brillante se cachaient des dettes écrasantes.
 
Un jour, notre monde s'effondra. Mes parents moururent dans un accident de voiture, laissant derrière eux non seulement une famille en deuil, mais aussi une montagne de dettes. Les illusions de richesse se brisèrent en mille morceaux, révélant un désert de misère et de désespoir. J'étais maintenant le seul soutien de ma famille.
 
Pour subvenir aux besoins de mes frères et financer nos études, je dus abandonner mes rêves et plonger dans une réalité sombre. C'est Julien, un ami de longue date, qui me suggéra une solution désespérée : devenir accompagnateur de femmes en quête de plaisir charnel. Avec réticence et l'angoisse au ventre, j'acceptai, espérant trouver une issue à nos problèmes.
 
Cependant, malgré l'acceptation de ce rôle, je restais vierge, autant dans le cœur que dans le corps. Mon premier rendez-vous était une épreuve, un saut dans l'inconnu. J'entrai dans cette chambre, le cœur battant, pour découvrir une vieille dame m'attendant. Ses cheveux d'argent encadraient un visage marqué par le temps, et ses yeux gris, profonds et perçants, semblaient voir au-delà de mon masque.
 
La peur m'envahit comme un tsunami, paralysant mes mouvements. Je ne pouvais pas me résoudre à toucher cette peau fragile et précieuse, chargée de tant de souvenirs. Elle perçut mon malaise, mon effroi visible à nu, et prononça ces mots qui allaient changer ma vie : "Est-ce à moi, une vieille femme, de vous apprendre le courage ?"
 
Ces mots, chargés de solennité et de gravité, étaient comme des coups de poignard. Le vouvoiement, un respect teinté d'ironie, marqua profondément ma conscience. Le courage, ce mot si puissant et si lourd de sens, semblait étranger et inatteignable. En proie à une terreur incontrôlable, je pris mes jambes à mon cou, fuyant nu dans la nuit noire, sous un ciel d'encre.
 
Cette nuit-là, la lune, pâle et distante, était ma seule compagne, éclairant ma fuite avec une lumière froide et indifférente. Chaque pas résonnait comme un glas funèbre, marquant ma distance croissante avec moi-même. J'étais devenu un fantôme, errant sans but dans un monde qui me semblait étranger et hostile.
 
Mais les mots de la vieille dame continuaient de résonner en moi, éveillant une nouvelle compréhension. Le courage, m'avait-elle dit, n'est pas l'absence de peur, mais la capacité d'affronter les ombres, d'accepter la douleur et de persévérer. Je compris alors que fuir ne me mènerait nulle part, que le vrai courage résidait dans l'acceptation et la résilience.
 
Avec cette réalisation, je décidai de me relever et de lutter pour un avenir meilleur. J'abandonnai le métier d'accompagnateur et cherchai d'autres moyens de subvenir aux besoins de ma famille. Peu importe la difficulté du chemin, je choisis de vivre dans la lumière, de chercher la force dans chaque aube nouvelle.
 
Aujourd'hui, je ne suis plus le jeune homme effrayé et perdu, mais un homme déterminé à affronter les défis de la vie. Chaque moment de doute et de douleur est devenu une pierre sur laquelle j'ai bâti ma résilience. Et à travers cette épreuve, j'ai appris que l'espoir est une flamme, fragile mais éternelle, qui continue de brûler même dans les moments les plus sombres.
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