Moi je suis différent, je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Pour mon père, c'est comme si j'avais cessé d'exister.
Un loup solitaire ou un enfant traître, vous appelez ça comme vous voulez.
Comme les cieux pleurent souvent la fin des saisons, moi je détestais ma maison. Une âme bercée par la mélodie des balles que se tiraient mes parents. Un cœur forgé par les quelques balles qui ricochèrent sur les murs pour lui rentrer dedans.
La guerre avait duré six ou dix ans, jusqu'à ce qu'elle lui dise « Je ne veux plus de toi. Va t'en ! ». Papa, lui signa l'armistice en partant.
Et moi, le réfugié qui ne pouvait plus supporter cette guerre sans foi ni loi, j'ai déserté. J'ai fui. Ma petite sœur irait mieux sans moi dans les parages. Moi le grand frère lâche.
- Reste avec elle, ta mère a besoin de toi, m'a t-il suggéré.
Un enfant traître, j'ai ri devant une pièce de théâtre.
- Trouve toi une étoile pour te guider.
Un loup solitaire, on s'est souris et puis, je m'en suis allé.
La porte d'entrée de la vieille maison fermée, je me suis amusé à m'attribuer un surnom pour mieux me situer dans le printemps, loin de là, et pour batifoler aussi. Parce-que pourquoi pas ?
L'homme au point A sans point B. Et ce, même si je n'eus rien d'homme en effet.
Cap sur la lune, direction les étoiles. Je pars nulle part et je suis Jamais.
Bien-sûr, les étoiles, la lune, je n'ai fait que les admirer la journée mais dans mes rêves je les montais. Elles avaient l'air de chevaux au pelage en blanc nacré. Mais la réalité me rattrape avec son soleil d'été, m'empêchant d'apprécier ces chevaux au pelage en jardin japonais.
J'eus pour deuxième maison les pickups des voyageurs de fortune. On se donnait des airs de hippies à créer des mélodies qu'on allait oublier en tapant des mains pour accompagner les musiciens qui croisèrent notre chemin et des danses en bougeant nos troncs comme on pouvait. J'avais pour deuxième maison aussi l'herbe avec mes nouveaux frères, et la belle étoile nous endort quand on se perd.
Dans mon exil, j'ai vu passer les trains, les animaux, les écrits, les dires, les personnes, leurs voitures et leurs familles, les fous et leur solitude, la détresse de la mère des enfants loups et celles qui reposent je ne sais où. On n'était pas tous les mêmes, tous des extra-terrestres, chacun sa manière d'être.
- Et tu t'appelles ?
- Qui sait...
C'est peut-être la vie à laquelle j'aspire, voguer au gré de mes vents qui sentent l'imprudence et goûter à l'insouciance dans les bouches de celles qui voulaient bien m'en montrer la magie. Comme jouer à pierre papier ciseaux avec différents rires dans le train. Créer un monde nouveau avant chaque arrêt puis continuer à s'amuser avec des cigarettes et la Lune avec ses yeux des couleurs de la voûte céleste une fois les autres cœurs partis. Aimer pour dix, vingt ou soixante minutes, pour toujours. L'amour, un carburant qui pollue.
Le vent me soufflait souvent les nouvelles des lieux qu'il désertait. Ils avaient cette odeur de regrets, de peine, de jalousie, de joie, d'amour et de haine. Il me soufflait ses nouvelles et ses sentiments acides. Et moi je souriais. Et ça me rendait heureux.
Jusqu'à ce qu'un jour sonne comme un fatum mal expliqué.
- Papa va voyager...
Un départ amer, une promesse d'y retourner.
Promets-moi l'enfer et je te jurerai horreur pour l'éternité.
Un serment que j'ai prêté il y a de ça mille heures, de ça mille bonheurs. Mais je n'eus pas, à mon arrivée devant cette vieille demeure, cette passion dans le cœur.
- Je n'ai pas de fils. Que cet homme s'en aille.
Ils s'étaient remis ensemble peu après mon départ. Elle n'en voulait pas, mais Dieu ce qu'elle en avait besoin. Elle était trop seule, et lui échoue dès qu'il va autre part. C'est pour ça qu'il ne fut jamais loin.
Il me fallait une nuit de sommeil, sinon les éclats du reste de ce foyer allaient se briser et disparaître.
Je sors mon corps appauvri par la cigarette et les insomnies à errer de ce vieux lit défait comme avant, comme depuis longtemps, comme si personne n'est jamais entré dans cette chambre depuis mon départ, de peur de supprimer la seule trace d'une famille au complet.
Il fait ses valises, il va faire un long voyage, il va se libérer de cette cage.
Le ciel veut pleurer. Pourquoi ne le fait-il pas ? Il est si beau quand il pleure... Et puis il n'aurait pas tout à fait tort de le faire, certains yeux sont au deuil ces temps-ci.
La couleur des murs, l'agencement des affaires sur le bureau, des dessins et des écrits tellement mauvais... Ils étaient beaux à mes quinze ans, regardables quand j'en eus seize, ils devenaient affreux quand je les regardais à dix-sept ans. Le temps n'a fait qu'en abîmer le papier, si seulement il avait tout emporté.
Je pousse la porte. Ma sœur se rue vers la chambre qui abrite le futur lit de mort. J'avais encore ces images d'hier où il ordonna mon départ, ne regardant pas vers le seuil de la porte où je me tenais, le poids de mon perpétuel voyage dans les jambes, le corps et le cœur.
Mais là, il était celui qui était acculé, devant batailler pour se redresser pour quelques gorgées d'eau. Papa parut, imposant, froid, sec, intransigeant, fier, fort mais si faible. Comme s'il lui suffisait de le vouloir pour partir. Son faible regard croisa le mien, un regard qui n'avait cessé de soutenir tout cela, et c'est là que le vrai poids de mes paupières me parut pour a première fois, je n'osais cligner des yeux de peur qu'ils ne se ferment à jamais. Mon regard restait figé, entre mythe et traumatisme, la réalité abjecte et l'absurde pesant. Les mots ne sortirent ni de son cœur, ni du mien, chacun armé de trop d'honneur pour un dernier adieu.
- Je t'ai chassé.
- Ça arrive.
- Pourquoi es-tu revenu ?
- Parce-que tu allais partir.
- Tu n'auras rien
- Je ne me rappelle pas t'avoir demandé quoi que ce soit.
J'avais à peine de quoi me payer un paquet de nouilles instantanées.
Il se tut, me fixa puis s'allongea. Il soupira, une fois, deux fois. Ma sœur, en accourant, me fit comprendre qu'il avait du mal à respirer, je compris qu'il inspirait ses dernières bouffées d'air plus ou moins frais.
- Papa, comment on fait les bébés ?
- Je te raconterai cette histoire, l'histoire de l'atelier d'amour, quand j'aurais le temps.
Elle a joint ses deux mains et y posa sa tête pour une dernière prière. C'est vrai que je suis censé adorer un Dieu. Le vieil homme fixa le plafond avant de se réduire au silence. Pas besoin de le toucher, sa simple vue me donne froid à en trembler. C'est ça le froid de l'autre monde, l'énergie de la faucheuse, la couleur de sa cape.
- Ce n'est plus la peine.
Un message à l'attention de ma mère sûrement sortie acheter des médicaments.
La dernière feuille de l'arbre est tombée. J'eus au moins le mérite de le regarder s'en aller. Sans un mot, tout était terminé.
Dépaysés dans le noir, comme si le monde venait de s'ébranler, je me devais de me réinventer un astre, car le premier venait de s'éteindre.
Nous fuyons les drames, et nos larmes nourrissent les déluges.
Depuis ce jour j'ai pris garde d'éteindre les étincelles de chaque nuit car je savais qu'une seule suffirait à m'évincer de la vie.
Il me fallait continuer mon trajet d'un point A sans point B.
Un loup solitaire ou un enfant traître, vous appelez ça comme vous voulez.
Comme les cieux pleurent souvent la fin des saisons, moi je détestais ma maison. Une âme bercée par la mélodie des balles que se tiraient mes parents. Un cœur forgé par les quelques balles qui ricochèrent sur les murs pour lui rentrer dedans.
La guerre avait duré six ou dix ans, jusqu'à ce qu'elle lui dise « Je ne veux plus de toi. Va t'en ! ». Papa, lui signa l'armistice en partant.
Et moi, le réfugié qui ne pouvait plus supporter cette guerre sans foi ni loi, j'ai déserté. J'ai fui. Ma petite sœur irait mieux sans moi dans les parages. Moi le grand frère lâche.
- Reste avec elle, ta mère a besoin de toi, m'a t-il suggéré.
Un enfant traître, j'ai ri devant une pièce de théâtre.
- Trouve toi une étoile pour te guider.
Un loup solitaire, on s'est souris et puis, je m'en suis allé.
La porte d'entrée de la vieille maison fermée, je me suis amusé à m'attribuer un surnom pour mieux me situer dans le printemps, loin de là, et pour batifoler aussi. Parce-que pourquoi pas ?
L'homme au point A sans point B. Et ce, même si je n'eus rien d'homme en effet.
Cap sur la lune, direction les étoiles. Je pars nulle part et je suis Jamais.
Bien-sûr, les étoiles, la lune, je n'ai fait que les admirer la journée mais dans mes rêves je les montais. Elles avaient l'air de chevaux au pelage en blanc nacré. Mais la réalité me rattrape avec son soleil d'été, m'empêchant d'apprécier ces chevaux au pelage en jardin japonais.
J'eus pour deuxième maison les pickups des voyageurs de fortune. On se donnait des airs de hippies à créer des mélodies qu'on allait oublier en tapant des mains pour accompagner les musiciens qui croisèrent notre chemin et des danses en bougeant nos troncs comme on pouvait. J'avais pour deuxième maison aussi l'herbe avec mes nouveaux frères, et la belle étoile nous endort quand on se perd.
Dans mon exil, j'ai vu passer les trains, les animaux, les écrits, les dires, les personnes, leurs voitures et leurs familles, les fous et leur solitude, la détresse de la mère des enfants loups et celles qui reposent je ne sais où. On n'était pas tous les mêmes, tous des extra-terrestres, chacun sa manière d'être.
- Et tu t'appelles ?
- Qui sait...
C'est peut-être la vie à laquelle j'aspire, voguer au gré de mes vents qui sentent l'imprudence et goûter à l'insouciance dans les bouches de celles qui voulaient bien m'en montrer la magie. Comme jouer à pierre papier ciseaux avec différents rires dans le train. Créer un monde nouveau avant chaque arrêt puis continuer à s'amuser avec des cigarettes et la Lune avec ses yeux des couleurs de la voûte céleste une fois les autres cœurs partis. Aimer pour dix, vingt ou soixante minutes, pour toujours. L'amour, un carburant qui pollue.
Le vent me soufflait souvent les nouvelles des lieux qu'il désertait. Ils avaient cette odeur de regrets, de peine, de jalousie, de joie, d'amour et de haine. Il me soufflait ses nouvelles et ses sentiments acides. Et moi je souriais. Et ça me rendait heureux.
Jusqu'à ce qu'un jour sonne comme un fatum mal expliqué.
- Papa va voyager...
Un départ amer, une promesse d'y retourner.
Promets-moi l'enfer et je te jurerai horreur pour l'éternité.
Un serment que j'ai prêté il y a de ça mille heures, de ça mille bonheurs. Mais je n'eus pas, à mon arrivée devant cette vieille demeure, cette passion dans le cœur.
- Je n'ai pas de fils. Que cet homme s'en aille.
Ils s'étaient remis ensemble peu après mon départ. Elle n'en voulait pas, mais Dieu ce qu'elle en avait besoin. Elle était trop seule, et lui échoue dès qu'il va autre part. C'est pour ça qu'il ne fut jamais loin.
Il me fallait une nuit de sommeil, sinon les éclats du reste de ce foyer allaient se briser et disparaître.
Je sors mon corps appauvri par la cigarette et les insomnies à errer de ce vieux lit défait comme avant, comme depuis longtemps, comme si personne n'est jamais entré dans cette chambre depuis mon départ, de peur de supprimer la seule trace d'une famille au complet.
Il fait ses valises, il va faire un long voyage, il va se libérer de cette cage.
Le ciel veut pleurer. Pourquoi ne le fait-il pas ? Il est si beau quand il pleure... Et puis il n'aurait pas tout à fait tort de le faire, certains yeux sont au deuil ces temps-ci.
La couleur des murs, l'agencement des affaires sur le bureau, des dessins et des écrits tellement mauvais... Ils étaient beaux à mes quinze ans, regardables quand j'en eus seize, ils devenaient affreux quand je les regardais à dix-sept ans. Le temps n'a fait qu'en abîmer le papier, si seulement il avait tout emporté.
Je pousse la porte. Ma sœur se rue vers la chambre qui abrite le futur lit de mort. J'avais encore ces images d'hier où il ordonna mon départ, ne regardant pas vers le seuil de la porte où je me tenais, le poids de mon perpétuel voyage dans les jambes, le corps et le cœur.
Mais là, il était celui qui était acculé, devant batailler pour se redresser pour quelques gorgées d'eau. Papa parut, imposant, froid, sec, intransigeant, fier, fort mais si faible. Comme s'il lui suffisait de le vouloir pour partir. Son faible regard croisa le mien, un regard qui n'avait cessé de soutenir tout cela, et c'est là que le vrai poids de mes paupières me parut pour a première fois, je n'osais cligner des yeux de peur qu'ils ne se ferment à jamais. Mon regard restait figé, entre mythe et traumatisme, la réalité abjecte et l'absurde pesant. Les mots ne sortirent ni de son cœur, ni du mien, chacun armé de trop d'honneur pour un dernier adieu.
- Je t'ai chassé.
- Ça arrive.
- Pourquoi es-tu revenu ?
- Parce-que tu allais partir.
- Tu n'auras rien
- Je ne me rappelle pas t'avoir demandé quoi que ce soit.
J'avais à peine de quoi me payer un paquet de nouilles instantanées.
Il se tut, me fixa puis s'allongea. Il soupira, une fois, deux fois. Ma sœur, en accourant, me fit comprendre qu'il avait du mal à respirer, je compris qu'il inspirait ses dernières bouffées d'air plus ou moins frais.
- Papa, comment on fait les bébés ?
- Je te raconterai cette histoire, l'histoire de l'atelier d'amour, quand j'aurais le temps.
Elle a joint ses deux mains et y posa sa tête pour une dernière prière. C'est vrai que je suis censé adorer un Dieu. Le vieil homme fixa le plafond avant de se réduire au silence. Pas besoin de le toucher, sa simple vue me donne froid à en trembler. C'est ça le froid de l'autre monde, l'énergie de la faucheuse, la couleur de sa cape.
- Ce n'est plus la peine.
Un message à l'attention de ma mère sûrement sortie acheter des médicaments.
La dernière feuille de l'arbre est tombée. J'eus au moins le mérite de le regarder s'en aller. Sans un mot, tout était terminé.
Dépaysés dans le noir, comme si le monde venait de s'ébranler, je me devais de me réinventer un astre, car le premier venait de s'éteindre.
Nous fuyons les drames, et nos larmes nourrissent les déluges.
Depuis ce jour j'ai pris garde d'éteindre les étincelles de chaque nuit car je savais qu'une seule suffirait à m'évincer de la vie.
Il me fallait continuer mon trajet d'un point A sans point B.