Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre. Depuis mon enfance, je suis traitée comme un paria, une hors-la-loi du fait de mon écart de comportement par rapport à « ce qui est souhaité », du moins, l'on ne m'a jamais donné l'occasion d'en penser autrement.
Dernière d'une fratrie de cinq enfants, j'étais dans l'idéal une fille choyée, chouchoutée, une princesse des dessins animés pour filles fleur bleue qui est toujours joyeuse. Mais dans la réalité, je n'étais pas comme les autres. Je ne souriais pas au premier venu comme les autres. Je ne jouais pas comme les autres, toujours dans mon coin, avec une serviette que ma mère usait de malices pour me dissuader de l'utiliser - car je ne faisais pas de distingo entre la serviette sale et lorsqu'elle est propre - et qui me berçait. Je ne parlais pas comme les autres, l'on dirait que les mots n'étaient pas importants pour moi à cet époque. Je ne m'habillais pas comme les autres, je ne m'intégrais pas ou ne me sentais pas à l'aise dans la conversation comme les autres : du fait de ma condition morbide, je portais souvent soit des vêtements amples qui laissaient peu de place à quelques centimètres de chair, soit des vêtements qui me tenaient bien au chaud. Je ne pouvais pas entamer une conversation comme les autres... Pour finir, je n'ai jamais été comme les autres. Et pourtant, la prise de référence sur les autres était ancré dans mon vécu quotidien : « Prends exemple sur..., Pourquoi n'es-tu pas comme... ? », des questions qui avaient le don de m'agacer. Comment demander à une personne unique en son genre pourquoi elle ne ressemble pas à une autre personne unique en son genre ? Comparer un enfant à un autre, c'est s'attendre à deux choses : soit à un manque total de personnalité, soit au développement d'un « faux -self » adaptatif comme nous disent nos amis les psychologues.
Très maladive dans mon enfance, j'avais des difficultés à me mouvoir comme les enfants de mon âge car je me tordais fréquemment de douleur. Paradoxe, je me lavais beaucoup les mains, j'en était devenue compulsive, enfin je crois, mais je réussissais à avoir des maladies des mains sales. Mais bon ça s'est limité aux maux de ventre et de la mal-digestion suffisaient à me clouer au lit pendant que les enfants de mon âge courraient et criait beaucoup. Sur ce dernier point quand même, j'étais un peu graciée par la maladie car je n'étais pas confrontée au bruit, je ne m'y suis jamais habituée. D'autre part, j'avais constamment froid et je m'alimentais peu. Ooooh que je me souviens, c'était une bataille de corps et d'esprit avec la maisonnée pour que je m'alimente.
Je ne restais pas longtemps en compagnie des personnes que je ne connaissais pas, je ne cherchais pas à écouter la conversation des grands (phrase typique en cours de morale à l'époque), je baissais le regard lorsqu'il croisait celui d'une autre personne, connue ou pas et lorsque la personne entamait la conversation, soit je m'éloignais sans dire un mot, soit j'écourtais la conversation et je m'éloignais rapidement. Je me souviens qu'un voisin avait dit un jour à l'une de mes sœurs que je suis tellement étrange qu'il avait peur qu'en voulant me saluer un jour, je lui arracherais le bras. J'étais très nerveuse, beaucoup trop nerveuse pour un enfant de mon âge, si bien que j'ai réussi à effrayer ma sœur un jour qui, lorsqu'elle a ouvert ses yeux en sortant du sommeil, m'a trouvé sur le bord du lit avec la mine froissée.
Toutefois, j'étais très calme, je lisais beaucoup, dans la chambre de mes parents, dans laquelle je restais de longues heures, à faire du rangement, à lire et à méditer. Oui, je faisais beaucoup de rangement dans la maison aussi. C'est grâce à ce rangement que je réussissais rapidement à trouver ce que les gens mettaient des heures à chercher. L'une de mes cousines me disait souvent pour cela que j'avais l'œil du coucou. Mais l'envers de la médaille était que l'on venait à me demander des choses dont je n'avais pas toujours l'emplacement exact dans ma tête et leur insistance malgré mon ignorance me frustrais. Des fois je cherchais à ne rien savoir, ne rien ranger pour qu'on me laisse tranquille. Mais il est un peu difficile de se défaire de sa nature. J'étais naturellement une chercheuse, peut-être cela explique mon goût prononcé pour la recherche.
La maladie m'a fait être plus proche de mes parents et de leur chambre (que j'aimais beaucoup au passage) que des autres personnes de la maison et de l'entourage. J'étais très sensible. Je ne sais si c'est la maladie qui m'a rendu ainsi. Si bien j'en ai voulu à vie à un proche toutes les railleries de l'entourage à mon égard dont il était l'auteur.
Cependant, j'avais bon cœur, sensible aux problèmes des autres, donnant sans attendre en retour (car pour moi, en attendre c'est en devenir dépendant).
Sûrement ma mère ne savait pas que l'une de ses filles était devenu une masochiste. Oui, me faire souffrir était devenu comme une réaction aux situations. Lorsque je me blessais, peu importe la surface, l'emplacement ou la profondeur de la blessure, lorsqu'elle cicatrisait, je l'ouvrais sans état d'âme. J'étais tellement nerveuse que lorsque l'on me contrariait, je cognais ma tête contre le mur ou contre le sol, pendant des minutes jusqu'à ce qu'on me retire de là. Même lorsque mon ventre criait famine, je restais cloitrée dans mon coin attendant qu'il se calme, même s'il y a de la nourriture. Lorsque j'avais mal physiquement ou mentalement, je n'en parlais pas jusqu'à ce que ma souffrance soit visible. S'il était possible de cacher le paludisme, oh que je l'aurai fait. Plus grave, j'ai voulu, pendant une courte période, me suicider : lorsque j'étais sur le bacon, des idées de sauter me traversait volontiers l'esprit. Un jour, dans la cuisine, très en colère et en larmes, j'ai pris un couteau avec la volonté d'en finir. Savez-vous ce qui m'en a dissuadé ? La peur du saint Châtiment, l'amour étrange de ma mère, mes ambitions et rêves.
J'ai commencé à beaucoup lire la Bible, je l'ai repris et repris, mes lectures étaient accompagnées de courts moments de méditation sur la Parole et des prières. Avec cela, j'étais devenue un peu plus calme. Le reste sans grand changement...ou si. J'ai commencé à plus sortir, mais je me livrais plus aux activités solitaires, ce qui ne m'empêchait pas de jouer avec les autres enfants. Je sortais rarement de la maison si bien que certains voisins me demandaient si j'avais voyagé. Et moi de dire « Ah mais non j'étais là-dedans » à tue-tête.
Mon enfance n'a pas été facile, ma mère en a sûrement bavé. Je jouais avec les autres enfants mais avec un recul toujours. Vu déjà que j'étais moquée, je préférais rester dans mon coin à regarder la télévision ou à dormir. Même lorsque tout se passait en cuisine, les fumées appétissantes, les bouches qui mangent et parlent en même temps, celles qui sont trop occupées à manger pour parler, celles dont la voix tonne pour sonner l'alarme sur les cris du ventre, les mains qui travaillent, les mouvements tous azimuts pour satisfaire la panse de la maisonnée, moi je restais dans mon coin. Pour tous, c'était une volonté de ne pas me mélanger aux autres. Bon disons vrai, comment rester quelque part où je sais que si je m'assois différemment des autres le débat va se détourner du sujet pour se concentrer sur moi ? Je me sentais à certains moments comme un hamster qui subira sous peu des expérimentations loufoques.
Toutefois, n'était-ce pas une fabrication de ma part ? Ce que je sais, c'est qu'elle n'a pas été toute sombre mon enfance, plutôt teintée à la fois de fous rires et de frustrations. Mais est-ce qu'il ne faut pas cela pour être plus clairvoyant une fois devenu grand ? N'est-ce pas ces étapes qui permettent d'être plus empathique face à une personne à l'histoire similaire ? Une personne qui a suivi mon histoire avec grande minutie comprendra mieux mon orientation professionnelle. L'on échappe rarement à qui l'on est.
Dernière d'une fratrie de cinq enfants, j'étais dans l'idéal une fille choyée, chouchoutée, une princesse des dessins animés pour filles fleur bleue qui est toujours joyeuse. Mais dans la réalité, je n'étais pas comme les autres. Je ne souriais pas au premier venu comme les autres. Je ne jouais pas comme les autres, toujours dans mon coin, avec une serviette que ma mère usait de malices pour me dissuader de l'utiliser - car je ne faisais pas de distingo entre la serviette sale et lorsqu'elle est propre - et qui me berçait. Je ne parlais pas comme les autres, l'on dirait que les mots n'étaient pas importants pour moi à cet époque. Je ne m'habillais pas comme les autres, je ne m'intégrais pas ou ne me sentais pas à l'aise dans la conversation comme les autres : du fait de ma condition morbide, je portais souvent soit des vêtements amples qui laissaient peu de place à quelques centimètres de chair, soit des vêtements qui me tenaient bien au chaud. Je ne pouvais pas entamer une conversation comme les autres... Pour finir, je n'ai jamais été comme les autres. Et pourtant, la prise de référence sur les autres était ancré dans mon vécu quotidien : « Prends exemple sur..., Pourquoi n'es-tu pas comme... ? », des questions qui avaient le don de m'agacer. Comment demander à une personne unique en son genre pourquoi elle ne ressemble pas à une autre personne unique en son genre ? Comparer un enfant à un autre, c'est s'attendre à deux choses : soit à un manque total de personnalité, soit au développement d'un « faux -self » adaptatif comme nous disent nos amis les psychologues.
Très maladive dans mon enfance, j'avais des difficultés à me mouvoir comme les enfants de mon âge car je me tordais fréquemment de douleur. Paradoxe, je me lavais beaucoup les mains, j'en était devenue compulsive, enfin je crois, mais je réussissais à avoir des maladies des mains sales. Mais bon ça s'est limité aux maux de ventre et de la mal-digestion suffisaient à me clouer au lit pendant que les enfants de mon âge courraient et criait beaucoup. Sur ce dernier point quand même, j'étais un peu graciée par la maladie car je n'étais pas confrontée au bruit, je ne m'y suis jamais habituée. D'autre part, j'avais constamment froid et je m'alimentais peu. Ooooh que je me souviens, c'était une bataille de corps et d'esprit avec la maisonnée pour que je m'alimente.
Je ne restais pas longtemps en compagnie des personnes que je ne connaissais pas, je ne cherchais pas à écouter la conversation des grands (phrase typique en cours de morale à l'époque), je baissais le regard lorsqu'il croisait celui d'une autre personne, connue ou pas et lorsque la personne entamait la conversation, soit je m'éloignais sans dire un mot, soit j'écourtais la conversation et je m'éloignais rapidement. Je me souviens qu'un voisin avait dit un jour à l'une de mes sœurs que je suis tellement étrange qu'il avait peur qu'en voulant me saluer un jour, je lui arracherais le bras. J'étais très nerveuse, beaucoup trop nerveuse pour un enfant de mon âge, si bien que j'ai réussi à effrayer ma sœur un jour qui, lorsqu'elle a ouvert ses yeux en sortant du sommeil, m'a trouvé sur le bord du lit avec la mine froissée.
Toutefois, j'étais très calme, je lisais beaucoup, dans la chambre de mes parents, dans laquelle je restais de longues heures, à faire du rangement, à lire et à méditer. Oui, je faisais beaucoup de rangement dans la maison aussi. C'est grâce à ce rangement que je réussissais rapidement à trouver ce que les gens mettaient des heures à chercher. L'une de mes cousines me disait souvent pour cela que j'avais l'œil du coucou. Mais l'envers de la médaille était que l'on venait à me demander des choses dont je n'avais pas toujours l'emplacement exact dans ma tête et leur insistance malgré mon ignorance me frustrais. Des fois je cherchais à ne rien savoir, ne rien ranger pour qu'on me laisse tranquille. Mais il est un peu difficile de se défaire de sa nature. J'étais naturellement une chercheuse, peut-être cela explique mon goût prononcé pour la recherche.
La maladie m'a fait être plus proche de mes parents et de leur chambre (que j'aimais beaucoup au passage) que des autres personnes de la maison et de l'entourage. J'étais très sensible. Je ne sais si c'est la maladie qui m'a rendu ainsi. Si bien j'en ai voulu à vie à un proche toutes les railleries de l'entourage à mon égard dont il était l'auteur.
Cependant, j'avais bon cœur, sensible aux problèmes des autres, donnant sans attendre en retour (car pour moi, en attendre c'est en devenir dépendant).
Sûrement ma mère ne savait pas que l'une de ses filles était devenu une masochiste. Oui, me faire souffrir était devenu comme une réaction aux situations. Lorsque je me blessais, peu importe la surface, l'emplacement ou la profondeur de la blessure, lorsqu'elle cicatrisait, je l'ouvrais sans état d'âme. J'étais tellement nerveuse que lorsque l'on me contrariait, je cognais ma tête contre le mur ou contre le sol, pendant des minutes jusqu'à ce qu'on me retire de là. Même lorsque mon ventre criait famine, je restais cloitrée dans mon coin attendant qu'il se calme, même s'il y a de la nourriture. Lorsque j'avais mal physiquement ou mentalement, je n'en parlais pas jusqu'à ce que ma souffrance soit visible. S'il était possible de cacher le paludisme, oh que je l'aurai fait. Plus grave, j'ai voulu, pendant une courte période, me suicider : lorsque j'étais sur le bacon, des idées de sauter me traversait volontiers l'esprit. Un jour, dans la cuisine, très en colère et en larmes, j'ai pris un couteau avec la volonté d'en finir. Savez-vous ce qui m'en a dissuadé ? La peur du saint Châtiment, l'amour étrange de ma mère, mes ambitions et rêves.
J'ai commencé à beaucoup lire la Bible, je l'ai repris et repris, mes lectures étaient accompagnées de courts moments de méditation sur la Parole et des prières. Avec cela, j'étais devenue un peu plus calme. Le reste sans grand changement...ou si. J'ai commencé à plus sortir, mais je me livrais plus aux activités solitaires, ce qui ne m'empêchait pas de jouer avec les autres enfants. Je sortais rarement de la maison si bien que certains voisins me demandaient si j'avais voyagé. Et moi de dire « Ah mais non j'étais là-dedans » à tue-tête.
Mon enfance n'a pas été facile, ma mère en a sûrement bavé. Je jouais avec les autres enfants mais avec un recul toujours. Vu déjà que j'étais moquée, je préférais rester dans mon coin à regarder la télévision ou à dormir. Même lorsque tout se passait en cuisine, les fumées appétissantes, les bouches qui mangent et parlent en même temps, celles qui sont trop occupées à manger pour parler, celles dont la voix tonne pour sonner l'alarme sur les cris du ventre, les mains qui travaillent, les mouvements tous azimuts pour satisfaire la panse de la maisonnée, moi je restais dans mon coin. Pour tous, c'était une volonté de ne pas me mélanger aux autres. Bon disons vrai, comment rester quelque part où je sais que si je m'assois différemment des autres le débat va se détourner du sujet pour se concentrer sur moi ? Je me sentais à certains moments comme un hamster qui subira sous peu des expérimentations loufoques.
Toutefois, n'était-ce pas une fabrication de ma part ? Ce que je sais, c'est qu'elle n'a pas été toute sombre mon enfance, plutôt teintée à la fois de fous rires et de frustrations. Mais est-ce qu'il ne faut pas cela pour être plus clairvoyant une fois devenu grand ? N'est-ce pas ces étapes qui permettent d'être plus empathique face à une personne à l'histoire similaire ? Une personne qui a suivi mon histoire avec grande minutie comprendra mieux mon orientation professionnelle. L'on échappe rarement à qui l'on est.