Une Lune descend sur Terre, formant une silhouette : un cheval fait de Lune.
Nous étions dans un petit village, dans une vallée bordée de hautes montagnes couvertes de forêts, de rivières, de cascades et de prairies fleuries.
Nous étions dans un petit village, et plus précisément devant une maison. Mais pas n'importe quelle maison : c'était la maison du maire : le seul riche, noble, prétentieux, raffiné, délicat, poli, hautain de tout le village.
Nous étions devant la maison du maire, mais aussi celle de sa fille. En effet, le maire avait une fille. Et pas n'importe quelle fille, non, c'était la seule fille à la fois belle, gracieuse, gentille, généreuse, intelligente, bienveillante, douce, fragile, toujours joliment vêtue de tout le village. Mais cette jeune fille cachait un secret.
En effet, toutes les nuits, la jeune fille qui se nommait Angeline, sortait sous les étoiles et courait jusqu'à un champ pour admirer la Lune.
Car Angeline adorait observer la Lune. Mais pour son père, et c'étaient ses mots : «Ce n'est absolument pas une passion pour toi, Angeline ! Je te rappelle que tu dois prendre ma succession ; tu ferais mieux d'étudier tes mathématiques !» Bref, ce n'était pas demain qu'Angeline pourrait devenir astronome, ce qui était son rêve depuis toute petite.
Et pour comble de malheur, depuis peu son père s'était mis en tête de lui enseigner l'équitation. Or Angeline DETESTAIT les chevaux ou plutôt, elle en avait peur. Elle s'était donc persuadée que jamais elle ne pourrait faire d'équitation. Elle gagnait donc du temps en prétendant devoir étudier ses maths, jusqu'à trouver une solution plus durable.
Mais une nuit, tout changea.
Angeline sortit une fois de plus par la fenêtre de sa chambre. Elle se dirigea vers ce champ couvert de fleurs au printemps, de feuilles en automne, de neige en hiver, et couvert d'herbe tendre en été. Comme chaque nuit, elle s'allongea dans l'herbe ; comme chaque nuit, elle leva la tête vers la Lune ; et comme chaque nuit, elle soupira de soulagement en voyant qu'elle était toujours là à l'attendre. Mais au bout de dix minutes, elle vit une ombre lui cacher son astre. Angeline sursauta en constatant que la silhouette qui se tenait devant elle était...
UN CHEVAL !
Enfin non, plutôt «une chevale». Comment disait-on déjà, pour les femelles ? Angeline n'en avait aucune idée. Pour éviter de se ridiculiser, elle décida de garder le terme «le cheval».
Le cheval, donc. Il était là, immobile, à regarder Angeline qui avait reculé de plusieurs mètres. Elle regardait le cheval avec des yeux effrayés. La bête gratta le sol de son sabot gris. C'en était trop pour Angeline. La jeune fille se leva précipitamment, trébucha, courut. Elle trébucha encore et atteignit enfin sa chambre, couverte de boue de la tête aux pieds. Elle se changea et se coucha précipitamment.
Le lendemain, à la nuit tombée, elle sortit de sa chambre et courut jusqu'au champ. Elle se cacha à la lisière de la forêt, jeta une pomme volée aux cuisines dans le champ. Quand la JUMENT s'approcha - car Angeline s'était renseignée sur comment on disait « cheval » au féminin - elle sursauta, avant de contempler cet animal majestueux croquant cette pomme. C'était un immense cheval aux yeux noirs, sabots gris et crins d'argent. La Lune projetait des reflets argentés sur sa robe blanche.
Une fois sa pomme terminée, la jument se tourna vers Angeline, et posa ses yeux noirs sur son sac. Aussitôt, la jeune fille, étonnamment calme, vida toutes les pommes par terre, devant la jument argentée. Celle-ci se mit à manger avidement. Angeline la regardait en se demandant d'où pouvait bien venir un si bel animal. Au bout d'un moment, Angeline se leva, et rentra chez elle après avoir salué sa nouvelle « amie? ».
La semaine suivante, la jeune fille se rendit dans le champ où chaque soir la jument l'attendait. Ces dernières nuits, elle avait même réussi, après de nombreux efforts, à la caresser.
Mais cette nuit, tout allait être différent. Car cette nuit, Angeline avait enfin trouvé un nom pour cet animal tombé du ciel. Elle sauta donc de sa fenêtre, courut en pyjama jusqu'au champ où l'attendait comme tous les soirs la jument. La jeune fille sortit trois pommes de son sac, les lui tendit et elle parla. Elle lui annonça son nouveau nom.
Seléné.
C'était le nom d'une déesse Grecque, la déesse de la Lune.
En entendant son nouveau nom, Seléné s'ébroua, s'approcha d'Angeline ; mais au lieu d'approcher sa tête pour une caresse, elle passa sa tête entre ses jambes, et la projeta sur son dos. La jeune fille atterrit lourdement sur les fesses et prise de panique, elle serra les jambes. Seléné se lança aussitôt au galop. Angeline hurla, mais en même temps, elle adora ça. En retournant chez elle, un plan se formait déjà dans son esprit.
Le lendemain, en plein jour, elle fonça jusqu'au champ : Seléné broutait tranquillement. Angeline lui demanda si elle l'autorisait à lui passer un licol volé a l'écurie. Elle mena la jument devant sa maison, et appela son père. Celui-ci ouvrit la fenêtre de son bureau pour lui demander de se taire. Mais voyant la jument, il s'arrêta net. Sa fille avec une jument, elle qui avait toujours détesté les chevaux ?! Angeline lui expliqua calmement qu'elle était d'accord pour apprendre l'équitation, à condition que Seléné soit accueillie à l'écurie, et qu'elle prenne ses cours avec elle.
Ainsi commença une nouvelle vie pour Angeline et Seléné. Angeline n'avait plus peur des chevaux, et Seléné l'accompagnait toujours dans ce champ.
Ce champ ou Seléné était apparue.
Seléné, déesse de Lune.