Nuit de solitude

Un nouveau Soleil se lève. Mais qu'est-ce qu'un Soleil, sans une sœur avec qui le partager ? Ça ressemble plus à une nuit. Les seuls oiseaux que je suis capable d'entendre sont ceux nocturnes. Mais... qu'est-ce que le jour ? Est-ce lorsque le Soleil se lève ? Ou alors, c'est ce moment qui commence lorsque quelqu'un se tourne vers nous. Mais alors, connait-elle le jour ? Cette sœur, si on peut appeler ça une sœur... Elle est toujours happée par cet écran. Depuis mes deux ans, elle ne m'a pas parlé... Elle avait cinq ans lorsqu'elle a eu cette chose. Depuis, aucun mot ne sort de sa bouche. Quel remède existe-t-il pour faire re-parler une sœur ?
Mais aujourd'hui, j'ai entendu un bruit venant de sa chambre. Mais ce n'est pas le bruit habituel de sa vie qui passe. C'est... un reniflement. Comment est-ce possible ? Elle qui ne sort jamais dehors ne peut pas être enrhumée. J'essaie de clancher la poignée de sa porte. Elle qui est d'habitude fermée à clé, s'ouvre à la légère pression que j'applique. Je trouve ma sœur allongée sur son lit. Elle pleure. Je m'approche d'elle. Elle ne réagit pas. Je m'assois sur son lit. Elle lève la tête et sèche ses larmes. Elle a beau avoir les yeux emplis de sang, à cause d'avoir pleuré, elle est magnifique. Et elle n'est même pas maquillée, comme toutes les filles. Nous nous regardons pendant une dizaine de secondes. Puis, elle s'assoit complètement sur son lit, et m'enserre de ses bras. Je ne savais pas qu'un tel câlin puisse exister. Elle me lâche, place son téléphone dans ma main, et ouvre la bouche.
"Anna, peux-tu me libérer ? Je voudrais que tu détruises cette chose. Je t'en supplie..."
 Ça fait dix ans qu'elle n'a pas ouvert la bouche pour parler. J'en ai les larmes aux yeux. Je me lève, j'ouvre sa fenêtre, et je fais ce geste que même ma grande sœur n'a pas réussi à faire. Je jette de toutes mes forces ce voleur de parole contre le sol. C'est alors que je comprends. Tout mon corps est traversé d'un frisson. Un frisson chaleureux. La nuit infernale de solitude dans laquelle je vivais est finie. Le jour se lève enfin pour moi. Et quand je me retourne et que je vois cette joie sur le visage de ma sœur, je comprends que ce jour est partagé.
 Si toi, lecteur.ice, tu n'as pas de sœur, sache qu'un.e vrai.e ami.e peut prendre la même place dans ton cœur.
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