Ni homme ni femme: je suis Punk

Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre. Pour mes sœurs, je ne vous en parle pas; c'était la guerre. L'enfer. La haine qui se déchainait contre moi. Constamment, elles m'rabaissaient, m'rappelaient défauts et ambigüités pour se montrer au-dessus... Et pendant dès années, vu que la nature jouait pieds et mains à l'insatisfaction à me transformer physiquement; je me suis cru le mal incarné. Vu que je le lisais : des yeux me l'envoyaient des milliers de fois en une journée; je l'étais en fait, une aliène. Partout où mes pieds se posaient, je composais avec le malaise... la suprême répulsion des gens à l'égard de mes différences était telle que je me disais tout simplement qu' j'étais un monstre asocial. Je n'avais nulpart de droit... Je méritais pas de naitre. Et patati et patata.
Ma mère, fervente chrétienne à l'époque, avait jugé bon d'en parler à une de ses sœurs de l'Eglise qui, après l'avoir vue, s'interdisait catégoriquement sa compagnie et son amitié pour se mettre plutôt à nous juger : elle me jugeait de monstre maléfique ; à qui il ne fallait pas que ces enfants rient, parlent, jouent. J'étais d'un seul coup devenue la preuve vivante que ma mère était une personne mauvaise. Une pècheresse qui pratiquait, malgré son appartenance à l'Eglise du Christ, de l'occulte. La sœur disait l'avoir pressentie avant de nous cracher au final ces dernières phrases aux visages : "Dieu sait ce que tu as fait et ici, c'est sa maison. Vas-t'en ! Retournes à tes pratiques, toi et ta malédiction, sale cochonne ! Maudite chienne! Amen! Au nom du Dieu vivant!" Mère n'en revenait pas. La servante fidèle du Bondieu qui se fait jeter au nom de celui-ci. J'avais en ce moment-là neuf ans.
Son regard avait depuis changé. Je ne recevais dès lors que mépris, rejet et silence qui semblaient pourtant parler. Ignorée, ma pilosité et mes muscles, faisaient que je n'avais pas ma place; malgré mon vagin, parmi les femmes. Les hommes aussi me chassaient sans regarder derrière. Je me suis faite figée, nerveuse, réduite à l'état ennuyeux d'une personne échouée sur une île perdue. Sans force sans soutien. "Une femme, ça n'a pas de pomme d'Adam, lancèrent-ils par-ci. « Un homme n'a pas d'aussi belles fesses », par-là. Je ne savais pas où me mettre. Je me disais que je ne méritais pas naitre jusqu'au jour où j'ai admis que je n'étais responsable de rien: "la nature a l'esprit ouvert, va le voir!" Leurs disais-je. Comment être sans couper le pont avec le regard d'autrui ? Je me suis faite terrible. Rien de méchant, disant juste: NON, plus question de me laisser emmerder, affecter, mourir. Qui diable pouvait m'faire renoncer ?
...Entre ma mère et moi, ça n'a été la joie ; vous le savez. Nos rares discussions étaient souvent dures. sans passer par quatre chemins, on se crêpait les chignons. On se fonçait dessus comme des diable. On se rongeait comme des rats. Car ni elle ni moi ne voulait ne capitulait. Chacune sa raison. On s'envoyait comme des folles nos linges sales. Sans gènes ni pudeur. Et nos coeur; malheureusement, avaient justement perdu leur clarté d'antan. Et J'ai souvent pensé à ces vers de Christopher Morley:"Et la vie, qui met tout en rime, pouvait bien te faire poète, à la longue. Mais il fut un temps, ô elfe tendre, Où tu étais la poesie même !" Et la vie avait fait de Maman une mère. Par conséquent, elle refusait. Elle refusait de comprendre que je n'étais pas qu'un simple corps. Qu'un foutu organ. Elle voyait n'admettait. Je pouvais bien dire "Adieu Existence! A toute suite Cercueil! Vive Histoire outre-tombale" Comment a-t-elle pu?
... Non, ni femme ni homme. La nature n'a pas choisie. On se disputait tous le temps la dessus. Je ne délirais pas ainsi à le faire, lui ai-je dit. Ça l'énervait grave. Mon personne, mon corps, mon image, mes changements et les roles, pourquoi pas: chaque jour qui vient je changais comme la vie; avec ses haut et ses bas. Malgré ses allées et venues; je restais pourtant la même. Le sexe de ma naissance, seul, se desorientait comme ma mère qui refusait. Pour parler ainsi en silence.
_ Tu es une adulte certes ; du moins, fais comme si je ne le savais pas; me le dit pas. Ne me le montre pas. Ne me dit pas tu changes, voilà. Ça ne me plait pas. Je ne sais pas, joues ! Fais un sorte que ça se passe comme si tu n'étais pas en réalité ce clown que je vois-là devant moi. Ma fille surtout ne sort pas !
Et un geste de la tête avant que son silence ne poursuivre :
_Non, sois-le... sois ci soit ça ; ce que tu veux. Par moment. Pour toi. Pour personne. Dans ton miroir. Dans ta chambre. Sous ta douche mais surtout ne montre pas ça... Ni à moi ni à personne, je ne le supporterais pas. D'ailleurs, je corrige : je ne veux même pas qu'tu le montre à toi ou ton miroir! Très sérieuse! Si tu l'oses... si tu oses ça, il est des chances que cette chose, cette manie... cette abomination colle à ta gueule d'ange, tu vois. Notre image risque de s'en trouver plus endommagée qu'elle ne l'est déjà.
_Mais maman...
_ inutile de t'offusquer, coupa-t-il du regard. Honnêtement, j'ai raison. Donc, tu oublies. Sinon, je jure te découper en morceau si jamais tu deviennes un de ces "je ne sais quoi"qu'je vois à la télé.
Pause :
_Cependant, semblait-il dire pensif, j'ai besoin que tu restes en occurrence, toujours, même si n'est qu'en apparence ma petite enfant ; ma fille ne grandit pas.
Son silence continût plus que ces mots ne disaient jamais: « Ma fille, écoute ta mère, avais-je parfois l'impression d'entendre, je te promets que ça ira! Le monde t'aimera comme moi même si je ne te le montre pas. La société t'a à l'œil!
Et moi qui voulais dire :
_Maman, crois que je t'en remercie mais je ne peux pas.
Il continût.
_ Bornes-toi à la mascarade de la bonne fille que ton sexe à la naissance t'a dévolue. Ne pense pas au changement. à ta majorité. A quoi se soit. Ça fourvoie. D'ailleurs, moi, ai-je l'air d'une majeure vaccinée, dis-moi ? Aucune femme ne l'a été. Alors, abandonnes, abandonnes cette quête, elle ne mène nulle part ! Abandonnes-toi à ce qui était prévu pour toi sans chercher à démêler le comment du pourquoi. Car ma fille, rappelles-toi : tant que tu vis sur mon toit, tant que le mariage ne nous sépare pas; c'est un ordre, je ne te conseille pas.
Aucun mot. Le silence de la mère disait :
_Je ne te demande pas de le faire pour moi en tout cas; fais-le pour ta mère !...celle qui t'a portée, allaitée, élevée depuis que t'es née; elle mérite bien ça, hein, ta mère? Ça la rassurera. Comme ça, tu vois, elle rassurera ton père, celui-ci, à son tour, le fera au près du pasteur, le pasteur au prés de l'Eglise, l'Eglise auprès de la communautaire. Et ainsi de suite. Et en fermant les yeux, tu verras le monde témoigner combien belle tu fais, ma fille.
_Ouais, quelle sainteté! Diront-ils, même quand en vérité tous ce beau monde ne rêve que d'une chose : me tuer.
_Non, ils rêvent de t'apprendre...
_M'apprendre les vices du mensonge sous couvert de compliments de bonté
_Ça va dépendre...
_La société et ses normes m'aiment bien en pensant à son bonheur, quelle connerie, en nourrissant chez moi ses intérêts!
Contre toute espérance, je crains de n'être pas de ce genre humain. Je me puis me soumettre. Quelque soit qui prend le visage de ma mère, je ne puis me soumettre: je suis punk. Ni homme ni femme. Qu'on le veuille ou non! J'ai les deux. Mort à la distinction.
"Ô, mais c'est sans ravissement, ça": ça ne m'etonne pas de vous, Mesdames et Messieurs qui êtes du Genre. Vous n'êtes pas plus heureux que moi. Je suis punk.