Mon Rêve

     La Grande Ourse et Cassiopée, seules constellations que je connaisse. Je me souviens que mon frère m'avait parlé de Jupiter, une autre constellation, mais je ne sais plus à quoi elle ressemble. Là, la Grande Ourse et Cassiopée brillent plus que jamais, dans un ciel sans nuage. Et, oubliant un instant l'herbe douce et fraîche sous mon dos, je m'envole, au milieu des étoiles.
     J'ai toujours aimé observer les étoiles. Depuis que je suis toute petite, je passe des heures et des heures seule, entourée de ces astres scintillants, sans jamais me lasser. C'est dans ces moments-là que je fais le vide et que je réfléchis. Et ce soir, je rêve. Je m'interroge : quel est mon plus grand rêve ?
     Faire le tour du monde ? Ouais... pas mal. Devenir riche ? Bof, pourquoi faire... Partir à l'aventure dans la jungle ? Ah non, ça c'est plutôt un cauchemar. Alors quoi ?
     J'aimerais bien partir. Prendre un sac et des baskets et marcher. Aller vers le Nord. Regarder les étoiles tous les soirs, et découvrir. Découvrir des gens, qui ne vivent pas comme moi, découvrir des paysages, éblouissants, découvrir un autre vent. Puis revenir. Et retrouver ceux que j'aime. Reprendre ma vie comme avant. Enfin non, avec un truc en plus : avec la tête pleine d'images et de souvenirs merveilleux qui donnent envie de rêver encore.
     Doucement, je me lève. Je quitte le ciel du regard et je retourne dans ma chambre. Je ne vais pas me blottir dans mon lit, non. Je veux faire autre chose, j'ai soif d'autre chose. Alors, je rassemble l'essentiel dans mon gros sac, je m'habille chaudement et je casse ma tirelire, comme dans les films. J'embarque tout sur moi et je ressors au grand air.
     Je marche, je ne sais même pas depuis combien d'heures. J'écoute tous les bruits. Je sens le poids de la nuit sur mes épaules mais également sous mes pieds. C'est un peu comme si je la supportais mais qu'elle me supportait aussi. Après quelques jours de marche, je ressens toujours cet émerveillement en moi. L'émerveillement d'un enfant qui découvre le monde. D'ailleurs, j'ai un peu l'impression de découvrir le monde autour de moi, moi aussi. Même si je le connais déjà, en réalité.
     Quelques semaines plus tard, je marche toujours. Enfin j'arrive à côté de ce lac ! Ça fait des heures que je le vois au loin. C'est tellement beau ! La nuit se reflète dedans, les étoiles se reflètent dedans. C'est comme si des milliers de lucioles attendaient à sa surface.
     Tandis que cette image se grave dans ma tête, un étrange phénomène se produit. Des lueurs vertes viennent teinter le ciel par endroits. Très faibles, puis, de plus en plus fortes. Ce sont... des aurores boréales ! Je... je n'ai plus les mots. C'est trop... c'est magnifique.
 
     Le jour se lève. Le jour se lève ! Et je me lève ! Chez moi ! Je vois sur mon étagère ma tirelire, en un seul morceau. C'était donc un rêve, bien sûr. Mon rêve n'était qu'un rêve. Je sors de ma chambre, me prépare un chocolat chaud et vais m'assoir dehors, au soleil. C'est bizarre, c'est comme si ces images étaient bel et bien dans ma tête. Mais bien sûr, c'est mon propre cerveau qui les a inventées. Je n'ai pas réalisé mon rêve. Ou peut-être peut-on dire que je l'ai fait ? Même si ce n'était qu'en rêve ? Bien sûr que non, puisque c'est toujours mon rêve le plus précieux.
     Ma journée passe, et malgré toutes mes occupations, je ne cesse de repenser à mon voyage nocturne. Encore et encore. Et lorsque la nuit tombe, mon rêve est complètement omniprésent dans ma tête. Alors je me rappelle une citation que j'avais lu sur un emballage de papillote : "Le matin au réveil, tu as le choix : soit tu te recouches pour poursuivre ton rêve, soit tu te lèves pour le réaliser." Pourquoi je me suis levée ce matin ? Non, non c'est n'importe quoi. Un rêve n'est pas un rêve s'il est si facile à atteindre, s'il me suffit de franchir le seuil de ma porte. Mais qui a dit que ce serait facile ? Je ne peux pas tout quitter comme ça et m'en aller. Je ne suis pas dans un rêve ! Alors pourquoi s'être levée ?
     Pourquoi ?
     Alors c'est vraiment vrai ? Je peux réaliser mon rêve ?
     Je rassemble l'essentiel dans mon gros sac, je m'habille chaudement et je casse ma tirelire, comme dans les films. Non, en réalité moi j'ai compris qu'il y avait une ouverture exprès en dessous. J'embarque tout sur moi et je sors au grand air, dans une nuit des plus totales.
Je souffle. Cette fois, mon voyage sera plus dur et le soleil et la lune ne seront pas toujours découverts... mais c'est mon rêve, que voulez-vous.
Je sais que la nuit m'accompagnera, pour me rappeler cette nuit-là : la nuit où mon rêve s'est réalisé.
 
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