Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extraterrestre. Si je savais que je serais méprisée par le monde, il m'aurait fallu de ne pas naitre. En dépit des sentiments de joie que l'on pourrait manifester parmi les hommes, dans le ventre de ma mère, j'étais dans la tourmente, envahie par des sentiments peu catholique qui me jetaient dans l'abattement. Quatre semaines en amont, j'entendais ma mère monologuer peut-être qu'elle se noyait dans un air pensif ou de détresse. Elle se demandait peut-être si après de fausses couches à répétition, elle assouvirait son envie outrée d'avoir un enfant. Contrairement aux autres vies perdues, je ne lui donnais pas de coups de pieds, elle ne sentait aucune brutalité.
Je fus née un jour de samedi. Ma mère après de violentes contractions fut à l'urgence d'être admise à la maternité. Elle élisait domicile dans un village reculé à une soixantaine de kilomètres du centre hospitalier le plus proche. Trouver un moyen de déplacement dans cette zone, s'apparentait à deviner le sexe des anges ; c'était comme chercher de l'or sous une glace. Mon père avait sillonné tout le village à la recherche d'un engin ; vains étaient ses efforts. A bout de souffle et désespéré, il arpentait les voies en direction de sa concession lorsque de manière inopinée, il rencontra Nobila. Ce dernier était un marchand ambulant. Il possédait une mobylette. Lui expliquant la situation, Nobila plein de générosité et de compassion ne put formuler d'opposition .Il accepta librement et sans contrainte de céder à mon père son engin. Conduisant ma mère en détresse jusqu'à la maternité, mon père se hâtait. Chemin faisant, malédiction ou malchance, la mobylette du marchand ambulant tomba en panne à quelques kilomètres du lieu de destination. Tenant sa femme à bout de souffle, le mari fit le reste du trajet à pied. Arrivé à la maternité, il l'a mise en alerte; les infirmiers se bousculèrent à aller porter secours et assistance à ma mère. Ce jour-là, c'était l'infirmière ‘' l'impératrice'' qui était de garde. Comme d'habitude, elle donnait des ordres à ses subalternes; lesquels s'exécutaient à l'immédiat. Une stagiaire parmi les nombreux infirmiers prit le matériel nécessaire et à la hâte, courut dans les pas de ses prédécesseurs. Tant bien que mal, ils parvinrent à amener la parturiente dans la salle d'accouchement. Lorsqu'elle eut fini de regarder le feuilleton, ce fut avec toute la nonchalance du monde qu'elle se dirigea vers la salle d'accouchement où se tordant de douleur, la patiente l'attendait. Celle-ci était entre la vie et la mort et perdait les eaux par centaines et milliers de litres. Devant la gravité de la situation, l'impératrice jugea bon et utile d'en aviser son supérieur hiérarchique. Celui-ci était en provenance de la grande ville à 3 km du centre hospitalier. Il lui donna des consignes en attendant son arrivée. Hélas, Hélas ! La situation allait de pire en pire. L'impératrice prit la décision de déclencher le processus d'accouchement. Sur le chemin tortueux de mon existence, les cris de douleur de ma mère grondaient le ciel. Elle avait lutté avec elle-même pour que je parvinsse à pousser mon premier vagissement et à respirer mes premières bouffées d'air. Plus de peur que de mal, ma mère sourit quand elle me prit dans ses bras et fit une prière intérieure. Mon père aussi m'admirait. A cet instant, peut-être je me demande ce que me réserverait la suite.
Au fur et à mesure que je grandissais, j'étais choyée par toute la maisonnée et mes pressentiments prénataux commencèrent à disparaitre. Je sentais que le monde me plairait. Mais, je me rendis compte que la couleur de ma peau était différente de celles des autres et que j'avais des taches noires sur tout le corps. Partout dans le village, les gens se questionnaient à mon sujet. D'aucuns se demandaient de quelle planète je venais. Les plus superstitieux me voyaient comme une porteuse de malheurs qui allaient s'abattre sur le village. A chaque fois que je sortais, les enfants se moquaient de moi et me lançaient des cailloux. Même mes parents étaient concernés par cette goguenardise. Ma mère était la risée de toutes les femmes quand elle se rendait au marigot ou au marché. Elle était surnommée ‘' la mère de l'extraterrestre''. Malgré son mental d'acier, je l'entendais toujours mortifier ses sens. Un jour en sanglots, je l'entendis en ces mots : « Dieu, Pourquoi moi ? Qu'ai-je fait de si grave ? J'aurai préféré être sans enfant que d'avoir une fille "pas comme les autres". Elle ne m'apporte rien d'autre que la désolation et la frustration. Si elle pouvait mourir, cela me ferait plaisir ». Si elle pouvait mourir, cela me ferait plaisir !! Ces mots résonnaient dans ma petite tête et je me demandais le mal que j'eusse pu lui causer. Mon père quant à lui, avait gardé un mutisme total. Il était l'un des notables du roi et à chaque réunion, il avait du mal à prendre la parole ; car même le chef du village et les autres notables disaient des insanités dans son dos et cela, il le savait.
Dans la cour de la propriété j'étais toujours seule car les autres enfants sous ordre de leurs parents refusaient de jouer avec moi. J'avais trouvé un refuge derrière la case de ma mère et c'est là-bas que je passais mon temps à contempler mon corps tacheté. Un soir, alors qu'il était en train d'écouter son transistor, le chef du village entendit parler d'une maladie qui faisait des ravages dans la grande ville. Celle-ci se propageait si vite que la moitié de la ville était contaminée. Le lendemain, le chef lui-même se leva avec une grosse fièvre et une toux. Il fit appel à son tradipraticien lequel fut venu avec des décoctions. Malgré une myriade de traitements, la santé du chef ne s'améliorait pas. Le chef avait oublié qu'il s'était rendu dans la grande ville une semaine auparavant. Il avait fait un tour au cabaret où les insouciants de la ville se retrouvaient pour boire le calice jusqu'à la lie.
Il dépêcha son frère auprès de l'oracle pour qu'il consultât ses esprits. Le verdict de celui-ci fit froid au dos. La maladie du chef était une maladie mystérieuse due surement à un mauvais œil lancé contre lui par une personne étrangère venue d'un autre monde; et qui vivait dans le village. Cette personne avait des pouvoirs maléfiques. L'oracle avait proposé comme solution de retrouver cette personne, lui faire avouer son forfait et l'exécuter pour que le roi eut retrouvé la santé ; et que le village soit épargné des malheurs. La nouvelle se répandit comme une trainée de poudre dans le village. Mon nom était sur toutes les lèvres car selon les habitants, c'était à moi que l'oracle faisait allusion.
Alors que j'étais dans mon endroit habituel en train de jouer avec ma poupée, je vis arriver trois personnes qui se dirigèrent vers la case de mon père. Ils échangèrent des mots avec lui et il les suivit dans la cour du roi. Arrivé, il prit place au chevet de celui-ci et remarqua que quatre autres personnes étaient couchées avec une forte fièvre. Cette situation devenait critique et il fallait agir le plus vite possible. Le chef entre deux hoquets, exposa la situation à mon père en le suppliant de lui sauver la vie. Il lui fit part du verdict de l'oracle. Face à cette situation, mon père resta sans voix. Le chef lui avait promis une grande fortune s'il acceptait de me donner en sacrifice pour qu'il guérisse. De retour à la maison, il exposa la situation à ma mère. Il s'en suivit une discussion chaude entre les deux. Ma mère allait-elle convaincre mon père de me sacrifier pour ainsi dire sauver le chef ou mon père allait-il pouvoir me sauver car comme il aimait à le répéter : « Ce n'est pas parce que votre doigt est pourri qu'il faut s'en débarrasser ». Quant à moi j'étais aux aguets et j'attendais...
Je fus née un jour de samedi. Ma mère après de violentes contractions fut à l'urgence d'être admise à la maternité. Elle élisait domicile dans un village reculé à une soixantaine de kilomètres du centre hospitalier le plus proche. Trouver un moyen de déplacement dans cette zone, s'apparentait à deviner le sexe des anges ; c'était comme chercher de l'or sous une glace. Mon père avait sillonné tout le village à la recherche d'un engin ; vains étaient ses efforts. A bout de souffle et désespéré, il arpentait les voies en direction de sa concession lorsque de manière inopinée, il rencontra Nobila. Ce dernier était un marchand ambulant. Il possédait une mobylette. Lui expliquant la situation, Nobila plein de générosité et de compassion ne put formuler d'opposition .Il accepta librement et sans contrainte de céder à mon père son engin. Conduisant ma mère en détresse jusqu'à la maternité, mon père se hâtait. Chemin faisant, malédiction ou malchance, la mobylette du marchand ambulant tomba en panne à quelques kilomètres du lieu de destination. Tenant sa femme à bout de souffle, le mari fit le reste du trajet à pied. Arrivé à la maternité, il l'a mise en alerte; les infirmiers se bousculèrent à aller porter secours et assistance à ma mère. Ce jour-là, c'était l'infirmière ‘' l'impératrice'' qui était de garde. Comme d'habitude, elle donnait des ordres à ses subalternes; lesquels s'exécutaient à l'immédiat. Une stagiaire parmi les nombreux infirmiers prit le matériel nécessaire et à la hâte, courut dans les pas de ses prédécesseurs. Tant bien que mal, ils parvinrent à amener la parturiente dans la salle d'accouchement. Lorsqu'elle eut fini de regarder le feuilleton, ce fut avec toute la nonchalance du monde qu'elle se dirigea vers la salle d'accouchement où se tordant de douleur, la patiente l'attendait. Celle-ci était entre la vie et la mort et perdait les eaux par centaines et milliers de litres. Devant la gravité de la situation, l'impératrice jugea bon et utile d'en aviser son supérieur hiérarchique. Celui-ci était en provenance de la grande ville à 3 km du centre hospitalier. Il lui donna des consignes en attendant son arrivée. Hélas, Hélas ! La situation allait de pire en pire. L'impératrice prit la décision de déclencher le processus d'accouchement. Sur le chemin tortueux de mon existence, les cris de douleur de ma mère grondaient le ciel. Elle avait lutté avec elle-même pour que je parvinsse à pousser mon premier vagissement et à respirer mes premières bouffées d'air. Plus de peur que de mal, ma mère sourit quand elle me prit dans ses bras et fit une prière intérieure. Mon père aussi m'admirait. A cet instant, peut-être je me demande ce que me réserverait la suite.
Au fur et à mesure que je grandissais, j'étais choyée par toute la maisonnée et mes pressentiments prénataux commencèrent à disparaitre. Je sentais que le monde me plairait. Mais, je me rendis compte que la couleur de ma peau était différente de celles des autres et que j'avais des taches noires sur tout le corps. Partout dans le village, les gens se questionnaient à mon sujet. D'aucuns se demandaient de quelle planète je venais. Les plus superstitieux me voyaient comme une porteuse de malheurs qui allaient s'abattre sur le village. A chaque fois que je sortais, les enfants se moquaient de moi et me lançaient des cailloux. Même mes parents étaient concernés par cette goguenardise. Ma mère était la risée de toutes les femmes quand elle se rendait au marigot ou au marché. Elle était surnommée ‘' la mère de l'extraterrestre''. Malgré son mental d'acier, je l'entendais toujours mortifier ses sens. Un jour en sanglots, je l'entendis en ces mots : « Dieu, Pourquoi moi ? Qu'ai-je fait de si grave ? J'aurai préféré être sans enfant que d'avoir une fille "pas comme les autres". Elle ne m'apporte rien d'autre que la désolation et la frustration. Si elle pouvait mourir, cela me ferait plaisir ». Si elle pouvait mourir, cela me ferait plaisir !! Ces mots résonnaient dans ma petite tête et je me demandais le mal que j'eusse pu lui causer. Mon père quant à lui, avait gardé un mutisme total. Il était l'un des notables du roi et à chaque réunion, il avait du mal à prendre la parole ; car même le chef du village et les autres notables disaient des insanités dans son dos et cela, il le savait.
Dans la cour de la propriété j'étais toujours seule car les autres enfants sous ordre de leurs parents refusaient de jouer avec moi. J'avais trouvé un refuge derrière la case de ma mère et c'est là-bas que je passais mon temps à contempler mon corps tacheté. Un soir, alors qu'il était en train d'écouter son transistor, le chef du village entendit parler d'une maladie qui faisait des ravages dans la grande ville. Celle-ci se propageait si vite que la moitié de la ville était contaminée. Le lendemain, le chef lui-même se leva avec une grosse fièvre et une toux. Il fit appel à son tradipraticien lequel fut venu avec des décoctions. Malgré une myriade de traitements, la santé du chef ne s'améliorait pas. Le chef avait oublié qu'il s'était rendu dans la grande ville une semaine auparavant. Il avait fait un tour au cabaret où les insouciants de la ville se retrouvaient pour boire le calice jusqu'à la lie.
Il dépêcha son frère auprès de l'oracle pour qu'il consultât ses esprits. Le verdict de celui-ci fit froid au dos. La maladie du chef était une maladie mystérieuse due surement à un mauvais œil lancé contre lui par une personne étrangère venue d'un autre monde; et qui vivait dans le village. Cette personne avait des pouvoirs maléfiques. L'oracle avait proposé comme solution de retrouver cette personne, lui faire avouer son forfait et l'exécuter pour que le roi eut retrouvé la santé ; et que le village soit épargné des malheurs. La nouvelle se répandit comme une trainée de poudre dans le village. Mon nom était sur toutes les lèvres car selon les habitants, c'était à moi que l'oracle faisait allusion.
Alors que j'étais dans mon endroit habituel en train de jouer avec ma poupée, je vis arriver trois personnes qui se dirigèrent vers la case de mon père. Ils échangèrent des mots avec lui et il les suivit dans la cour du roi. Arrivé, il prit place au chevet de celui-ci et remarqua que quatre autres personnes étaient couchées avec une forte fièvre. Cette situation devenait critique et il fallait agir le plus vite possible. Le chef entre deux hoquets, exposa la situation à mon père en le suppliant de lui sauver la vie. Il lui fit part du verdict de l'oracle. Face à cette situation, mon père resta sans voix. Le chef lui avait promis une grande fortune s'il acceptait de me donner en sacrifice pour qu'il guérisse. De retour à la maison, il exposa la situation à ma mère. Il s'en suivit une discussion chaude entre les deux. Ma mère allait-elle convaincre mon père de me sacrifier pour ainsi dire sauver le chef ou mon père allait-il pouvoir me sauver car comme il aimait à le répéter : « Ce n'est pas parce que votre doigt est pourri qu'il faut s'en débarrasser ». Quant à moi j'étais aux aguets et j'attendais...