Mes petits soucis

Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Non pas que je puisse lui en vouloir.
A mes 4 ans, j'étais déjà un enfant timide. Je n'arrivais pas à prononcer une phrase. Seuls mes parents pouvaient comprendre ce que je murmurais. A contrario, écrire me semblait plus abordable. C'est facile quand on n'a pas à regarder quelqu'un d'autre.
« Sors un peu avec tes amis, plutôt que de rester toute la journée sur tes écrans » me répétait sans cesse ma mère.
Je ne comprenais pas pourquoi il était si important de devoir s'entourer. J'avais des amis, mais il m'arrivait souvent de préférer passer mon temps seul. On me demandait souvent de m'ouvrir aux autres, sans comprendre pourquoi. Si je n'aime pas ces personnes, pourquoi me forcer à leur parler ? C'est d'un ennui. Et ce n'est pas comme s'ils en avaient eux aussi envie. Je préférais encore rester dans mon coin avec mes amis imaginaires. Je riais bien plus avec eux. Peut-être est-ce pour ça que mes amis ont eux aussi finis par me prendre pour un extra-terrestre.
Aujourd'hui, je peux facilement comprendre quel était le problème : moi. Je ne supportais pas qu'on me critique, ou qu'on me fasse faux bond. Je pense que j'étais fou. Le mot est sans doute faible. Par exemple, comme mes initiales forment « TG », les autres élèves avaient tendances à se moquer. Impulsif et bête comme j'étais, je répondais par la violence, même contre les plus âgés, mais j'étais celui qui se prenaient le plus de coup. Je me souviens aussi d'un jour banal, à mes 9 ans, un de mes amis était censé m'attendre pour manger. A cause de la pluie, il a dû partir en avance. Ma réaction quand je l'ai revu ? Je l'ai étranglé. Moi-même, je ne sais pas ce qui m'a pris ce jour-là. Je perdais peu à peu mes moyens, mes amis, et commença à sombrer.
Ma mère n'en pouvait plus moi. Elle a été convoquée plusieurs fois à cause de mon comportement. A mes 10 ans, j'ai vu un psychologue pour la première fois. Je ne m'en rappelle plus très bien, mais il me semble que cela m'a permis de me calmer, à me refaire des amis et redevenir un peu plus « normal ».
Au début du collège, mes problèmes ont perduré, se sont même amplifiés. Victime de bête moquerie, dû à ma timidité, le fait que j'étais un peu enrobé, j'ai rapidement été connu comme un souffre-douleur. Ne voulant pas être impliqué dans mes problèmes, mes amis ont finis par m'abandonner. Je me sentis trahi, poignardé. Je m'isolais peu à peu des autres, n'arrivant plus à faire confiance à personne, par peur qu'ils m'approchent juste pour se moquer, comme je l'ai si souvent subis.
Puis arriva l'année fatidique de ma vie, la cinquième. Comprenant peu à peu pourquoi je me retrouvais toujours seul, je finis par me détester. J'ai voulu tout recommencer, me créer une nouvelle vie. La solitude à finis par être insupportable. En suivant les tendances, comme avoir des marques de vêtements populaires, les jeux et consoles auxquelles tout le monde jouait, je pensais pouvoir devenir plus « normal », enfin me rapprocher des autres. Evidemment, rien n'a changé. Peut-être que j'étais juste mauvais pour tisser des liens. Ou tout simplement, je n'utilisais pas la bonne méthode, être moi-même. Mais je ne pouvais pas. Je n'aimais presque rien, avais honte de moi-même, comment aurais-je pu montrer aux autres qui j'étais.
Je pensais de plus en plus à une idée stupide : en finir avec la vie. Au début, c'était juste par colère que je pensais à ça, frustré de la vie que je vivais. Puis vint le jour où j'y songeai sérieusement, presque prêt à le faire. Presque, parce que si je voulais vraiment me faire, je n'en aurais pas parlé à mes parents. Ils m'emmenèrent immédiatement dans un hôpital afin de soigner mes troubles mentaux. Au bout de 4 semaines, je pus le quitter. J'en suis sorti... différent. Plus calme. Plus indifférent. Je rigolais moins qu'avant, avais plus de mal à m'investir, travailler. S'en suivit un traitement avec un psychologue qui dura un peu plus d'un an. Je devais lui parler. De tout et de rien, comme mes passions, mes problèmes familiaux. Je pensais que rien n'avait changé.
NEANMOINS. Après cette sombre période, la lumière apparut enfin dans ma vie.
A partir de la quatrième, toujours en traitement avec mon psy, ma vie a réellement changé. Je ne pourrais vous dire comment, mais plus d'un an, j'ai enfin réussi à me faire des amis. Mieux encore, j'ai renoué des liens. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Même aujourd'hui, je suis incapable de dire comment et pourquoi c'est arrivé. Sans doute une des beautés de la vie. Chaque jour qui passait, je me sentais bien. A ma surprise, je me remis à faire du sport. Je parlais avec plus de monde que je ne l'ai jamais fait, et je ne détestais pas ça. Je pense que mes parents s'en sont également rendu compte, et cela les a rassurés. Ma vie n'était bien sûr pas parfaite, cela m'arrivait d'avoir des coups de mou, de me sentir mal. Mais cela n'avait rien d'alarmant. C'étaient juste des périodes de la vie normale. Epanouit est le mot qui décrit le mieux cette période.
Après toute cette histoire, cela va peut-être surprendre, mais je n'ai rien à dire de spécial sur mes années au lycée. Alors oui, je n'étais toujours pas comme les autres. Ma mère ne comprenait pas que je ne sorte pas avec mes amis, n'aille pas en soirée. Comme dit précédemment, j'étais devenu très calme. Trop calme. J'étais satisfait de cette vie banale que j'avais, à simplement jouer au jeu vidéo, travailler, quelque sortie de temps en temps. Satisfait, mais... peut-être qu'intérieurement, je recherchais plus. Durant ma dernière année, en terminale, j'ai commencé à réaliser toutes ces choses qui remplissent notre jeunesse. Je peux l'affirmer : j'étais heureux. Sortir, aller chez des amis, même avoir des réseaux sociaux, je ne me reconnaissais pas. Tout ne plaisait pas forcément à mes parents, qui ont eu du mal à accepter ce changement aussi brusque, mais je m'en fichais. J'étais toujours moi-même. J'avais simplement évolué, et j'étais accepté pour l'extra-terrestre que j'étais. Ces personnes, mes amis, ont changé ma vie, et je leur en serai éternellement reconnaissant. Être encore en contact avec eux me ravi.
Enfant, j'étais une chenille, marchant sans but. En grandissant, je me suis renfermé sur moi-même, dans mon cocon. Mais ce n'est qu'avec l'aide que j'ai reçue, que je me décida à sortir de cette carapace, de redécouvrir la lumière, et pu réapprécier les choses et personnes qui m'entourent.
Vraiment, vive la vie.