Moi je suis différente.
Je l'ai toujours été.
Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre.
"15 août
Je te promets maman,
Que ça ne devait pas se passer comme ça.
Tu m'as voulu, tu m'as porté,
Tu as souffert pour moi,
Et peut être souffres tu encore.
Je te promets maman,
Qu'à la base t'étais censée m'aimer,
M'idéaliser, m'encourager, me porter vers les sommets.
Je te promets que j'ai essayé,
De toutes mes forces, à en crever,
D'être cette petite fille que tu voulais.
D'être belle, courageuse, de n'avoir pas froid aux yeux, d'être un garçon manqué.
Je te promets maman,
Que j'ai essayé de t'aimer.
De te parler, de me confier à toi comme le faisaient dans mes rêves les autres familles.
J'ai essayé d'être forte,
Mais je suis tombée maman je suis tombée.
J'ai essayé d'avancer, de me relever,
Mais je suis restée bloquée, dans la douleur, dans ma honte.
Je te promets maman,
Que j'ai essayé de respirer, de parler, de rire comme avant,
Mais l'avant a été balayé par le temps,
Et je ne me souvenais plus de comment on faisait.
Je te promets maman,
Que j'ai voulu te demander de l'aide,
Je tendais la main, mais jamais tu ne l'attrapais.
Je te regardais, et je me voyais,
Mais cette image me faisait peur,
Car je ne voulais pas te ressembler.
Je te promets maman,
Je voulais rien de tout ça,
Parfois même j'en venais à me dire que je n'avais pas mérité cette vie,
Que tu le savais,
Et que c'est pour ça que tu m'en voulais.
Je te promets maman,
Tu m'as fait mal.
Purée qu'est ce que j'ai souffert,
Là-haut enfermée dans ma tour de verre,
Je voyais tout mais je ne pouvais rien dire,
Même pas témoigner,
De l'affreuse vision de destruction que j'avais.
Je te promets maman,
J'ai essayé de changer,
De réussir, d'atteindre mes rêves,
Je croyais pouvoir y arriver seule
Et j'y suis parvenue,
À un détail près.
Je te promets maman,
Qu'un jour en me retournant,
Je t'ai vue presque te cachant,
M'envoyant argent, soutien et affection.
Pardon maman pardon,
J'étais tellement aveuglée,
Persuadée que tu m'avais toujours laissé tomber,
Que j'ai abandonné ma fierté,
Et suis venue te retrouver.
Je te promets maman,
Qu'heureusement aujourd'hui tout a changé.
Car nous avons avancé,
Et communiqué, nos voix enlacées,
Enfin compris les erreurs du passé.
Je te promets maman,
Que je t'aime.
Je suis loin maintenant,
Et t'aimer de cette façon est plus facile que de te l'avouer.
Mais je te promets maman je te promets que tu le sais.
Et je te promets aussi,
Qu'en écrivant ces lignes,
J'ai essayé, qu'
Aucunes larmes ne s'échappent de mes cils fermés."
21 h 18, Discours d'enterrement ?
Je retrouvais ce texte dans un de mes carnets, près d'un an plus tard. Déjà à cette époque, alors même que les événements que je vais relater n'étaient pas encore arrivés, notre relation était compliqué. En comprendre la portée, avec le recul, me toucha profondément.
En y repensant, je me dis qu'aujourd'hui, tout a changé de nouveau.
On a perdu des soldats sur la route de la vie,
On a perdu de vue nos différents,
La maladie a tout balayé.
Je ne pourrais être plus éloignée, plus différente, l'ovni de la famille comme on dit, la seule à pleurer de joie comme de peine, la seule à m'exprimer, à mettre des mots sur mes émotions, à les montrer, et ça fait peur.
Je sais que tu as essayé de me protéger, de me préserver, mais rien n'est plus évident que la vérité, plus blessant aussi, qu'une confiance bafouée.
Je le savais, je le sentais, que rien n'allait, que tout allait s'effondrer, qu'on allait être fauchés par une terrible nouvelle.
Respirer était devenu difficile, mon corps pressentait l'annonce, le choc, mes poumons se vidaient de leur air, mon cerveau fuyait dans un doux déni qui n'était pas compensé par la cascade de mes larmes.
Le jour de l'épreuve est arrivé, l'épreuve de la mort, le combat pour quelques minutes, jours, mois, années de plus.
Tu étais muette, tu étais forte, ne jamais montrer sa fatigue, ne jamais montrer ses faiblesses, prier et avancer, subir les rayons, les opérations, et se comporter comme si de rien n'était.
Qu'est-ce ça a été dur.
Comme tu ne le montrais pas, j'ai dû le faire pour toi.
Et la place dans mon ventre a grandi, pour la peur, pour la mort.
Le temps s'est arrêté, et mon instinct m'a crié "Demain c'est peut-être la fin".
Dans cette phrase, le plus déchirant n'est pas l'indicatif du temps, mais ce "peut-être" lancinant, qui nous fait vivre dans le doute, la préparation à la perte possible d'un être qui nous est tellement cher que cela nous paraît inconcevable.
Alors j'ai cessé de vivre pour que tu puisses le faire, j'ai crié, pleuré, suffoqué, prié, passé de longues nuits solitaires dans mon lit à me demander si je devais commencer à l'écrire, ton discours d'enterrement.
À me demander à quel point tout serait différent sans toi, comment faire en sorte de changer les choses, de veiller sur toi, d'être là, présente, forte, que faire pour te donner envie de te battre, de rester ?
On devait vivre, plus fortes que jamais, sourire, franchir les obstacles, attendre un miracle. Se souder, espérer, marcher, ne pas laisser le vide nous gagner.
Tout est devenu dénué de sens, les secondes s'entendaient à l'infini, tellement lentes qu'une journée en paraissait trois, le sens de la vie se restreignant à cet appel, à cette nouvelle salvatrice qui nous permettrait de vivre de nouveau.
Et le miracle est arrivé.
Tu as gagné.
Le poing levé, la tête haute, triomphale, femme fatale, emprise d'une nouvelle flamme, une seconde chance, un nouveau départ dans cette vie parfois injuste et infâme.
Et nos âmes, liées depuis toujours, liées pour l'éternité, se sont mises à danser sur les cendres du bûcher auquel on avait voulu t'attacher contre ton gré.
Ensemble, on va plus loin, et c'est ce qu'on a fait, gravant sur la toile vierge de nos peaux ce qui fait de nous ce que nous sommes, la famille telle un pilier, une colonne vertébrale, impossible à briser lorsque les fondations sont solides.
Indescriptible.
Ce soulagement, cette première inspiration.
Surprenant.
Ces longues conversations pleines de compassions, ce rapprochement, entre une mère et sa fille qui ne se connaissaient pas vraiment, trop pudiques, maladroites, têtues pour s'en rendre compte avant.
Peut-être bien qu'on ne se comprendra jamais sur ce qui compte au fond, mais l'important, c'est que tu sois là pour moi, quoi qu'il arrive, comme tu le fais déjà.
Alien ou non, les sentiments ne changent pas, et je t'aime maman.
Je l'ai toujours été.
Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre.
"15 août
Je te promets maman,
Que ça ne devait pas se passer comme ça.
Tu m'as voulu, tu m'as porté,
Tu as souffert pour moi,
Et peut être souffres tu encore.
Je te promets maman,
Qu'à la base t'étais censée m'aimer,
M'idéaliser, m'encourager, me porter vers les sommets.
Je te promets que j'ai essayé,
De toutes mes forces, à en crever,
D'être cette petite fille que tu voulais.
D'être belle, courageuse, de n'avoir pas froid aux yeux, d'être un garçon manqué.
Je te promets maman,
Que j'ai essayé de t'aimer.
De te parler, de me confier à toi comme le faisaient dans mes rêves les autres familles.
J'ai essayé d'être forte,
Mais je suis tombée maman je suis tombée.
J'ai essayé d'avancer, de me relever,
Mais je suis restée bloquée, dans la douleur, dans ma honte.
Je te promets maman,
Que j'ai essayé de respirer, de parler, de rire comme avant,
Mais l'avant a été balayé par le temps,
Et je ne me souvenais plus de comment on faisait.
Je te promets maman,
Que j'ai voulu te demander de l'aide,
Je tendais la main, mais jamais tu ne l'attrapais.
Je te regardais, et je me voyais,
Mais cette image me faisait peur,
Car je ne voulais pas te ressembler.
Je te promets maman,
Je voulais rien de tout ça,
Parfois même j'en venais à me dire que je n'avais pas mérité cette vie,
Que tu le savais,
Et que c'est pour ça que tu m'en voulais.
Je te promets maman,
Tu m'as fait mal.
Purée qu'est ce que j'ai souffert,
Là-haut enfermée dans ma tour de verre,
Je voyais tout mais je ne pouvais rien dire,
Même pas témoigner,
De l'affreuse vision de destruction que j'avais.
Je te promets maman,
J'ai essayé de changer,
De réussir, d'atteindre mes rêves,
Je croyais pouvoir y arriver seule
Et j'y suis parvenue,
À un détail près.
Je te promets maman,
Qu'un jour en me retournant,
Je t'ai vue presque te cachant,
M'envoyant argent, soutien et affection.
Pardon maman pardon,
J'étais tellement aveuglée,
Persuadée que tu m'avais toujours laissé tomber,
Que j'ai abandonné ma fierté,
Et suis venue te retrouver.
Je te promets maman,
Qu'heureusement aujourd'hui tout a changé.
Car nous avons avancé,
Et communiqué, nos voix enlacées,
Enfin compris les erreurs du passé.
Je te promets maman,
Que je t'aime.
Je suis loin maintenant,
Et t'aimer de cette façon est plus facile que de te l'avouer.
Mais je te promets maman je te promets que tu le sais.
Et je te promets aussi,
Qu'en écrivant ces lignes,
J'ai essayé, qu'
Aucunes larmes ne s'échappent de mes cils fermés."
21 h 18, Discours d'enterrement ?
Je retrouvais ce texte dans un de mes carnets, près d'un an plus tard. Déjà à cette époque, alors même que les événements que je vais relater n'étaient pas encore arrivés, notre relation était compliqué. En comprendre la portée, avec le recul, me toucha profondément.
En y repensant, je me dis qu'aujourd'hui, tout a changé de nouveau.
On a perdu des soldats sur la route de la vie,
On a perdu de vue nos différents,
La maladie a tout balayé.
Je ne pourrais être plus éloignée, plus différente, l'ovni de la famille comme on dit, la seule à pleurer de joie comme de peine, la seule à m'exprimer, à mettre des mots sur mes émotions, à les montrer, et ça fait peur.
Je sais que tu as essayé de me protéger, de me préserver, mais rien n'est plus évident que la vérité, plus blessant aussi, qu'une confiance bafouée.
Je le savais, je le sentais, que rien n'allait, que tout allait s'effondrer, qu'on allait être fauchés par une terrible nouvelle.
Respirer était devenu difficile, mon corps pressentait l'annonce, le choc, mes poumons se vidaient de leur air, mon cerveau fuyait dans un doux déni qui n'était pas compensé par la cascade de mes larmes.
Le jour de l'épreuve est arrivé, l'épreuve de la mort, le combat pour quelques minutes, jours, mois, années de plus.
Tu étais muette, tu étais forte, ne jamais montrer sa fatigue, ne jamais montrer ses faiblesses, prier et avancer, subir les rayons, les opérations, et se comporter comme si de rien n'était.
Qu'est-ce ça a été dur.
Comme tu ne le montrais pas, j'ai dû le faire pour toi.
Et la place dans mon ventre a grandi, pour la peur, pour la mort.
Le temps s'est arrêté, et mon instinct m'a crié "Demain c'est peut-être la fin".
Dans cette phrase, le plus déchirant n'est pas l'indicatif du temps, mais ce "peut-être" lancinant, qui nous fait vivre dans le doute, la préparation à la perte possible d'un être qui nous est tellement cher que cela nous paraît inconcevable.
Alors j'ai cessé de vivre pour que tu puisses le faire, j'ai crié, pleuré, suffoqué, prié, passé de longues nuits solitaires dans mon lit à me demander si je devais commencer à l'écrire, ton discours d'enterrement.
À me demander à quel point tout serait différent sans toi, comment faire en sorte de changer les choses, de veiller sur toi, d'être là, présente, forte, que faire pour te donner envie de te battre, de rester ?
On devait vivre, plus fortes que jamais, sourire, franchir les obstacles, attendre un miracle. Se souder, espérer, marcher, ne pas laisser le vide nous gagner.
Tout est devenu dénué de sens, les secondes s'entendaient à l'infini, tellement lentes qu'une journée en paraissait trois, le sens de la vie se restreignant à cet appel, à cette nouvelle salvatrice qui nous permettrait de vivre de nouveau.
Et le miracle est arrivé.
Tu as gagné.
Le poing levé, la tête haute, triomphale, femme fatale, emprise d'une nouvelle flamme, une seconde chance, un nouveau départ dans cette vie parfois injuste et infâme.
Et nos âmes, liées depuis toujours, liées pour l'éternité, se sont mises à danser sur les cendres du bûcher auquel on avait voulu t'attacher contre ton gré.
Ensemble, on va plus loin, et c'est ce qu'on a fait, gravant sur la toile vierge de nos peaux ce qui fait de nous ce que nous sommes, la famille telle un pilier, une colonne vertébrale, impossible à briser lorsque les fondations sont solides.
Indescriptible.
Ce soulagement, cette première inspiration.
Surprenant.
Ces longues conversations pleines de compassions, ce rapprochement, entre une mère et sa fille qui ne se connaissaient pas vraiment, trop pudiques, maladroites, têtues pour s'en rendre compte avant.
Peut-être bien qu'on ne se comprendra jamais sur ce qui compte au fond, mais l'important, c'est que tu sois là pour moi, quoi qu'il arrive, comme tu le fais déjà.
Alien ou non, les sentiments ne changent pas, et je t'aime maman.