Dans le village, tout est calme. Subsistent encore quelques jeunes sur les bancs du parc. On entend les bruits d'un concert, d'un bébé qui pleure et un hibou qui hulule. Chacun se sent à la fois seul et entouré. Le marchand de sable élimine les bruits et fait s'éteindre les lumières. Les fantômes du passé ressurgissent et emplissent la tête de celui qui les ressent. La lune s'en va dans son coin, comme croquée par un enfant des rues qui avait faim, ne laissant qu'un morceau en forme de croissant, de la pâle planète.
 
C'est ce que moi, j'observe depuis le parc. Soudain, j'entends un bruit dans les poubelles où je m'étais installé. Une avalanche de je-ne-sais quoi s'affale sur moi. Je sens une odeur de poisson pourri mélangée à des aliments périmés tout moisis. Une texture abominable de dur mélangé avec du visqueux, coule sur ma peau. Une ombre gracieuse mais dangereuse s'approche de moi. J'essaie de m'échapper mais il est trop tard. Mon assaillant me tombe dessus pour m'emporter dans son logis. Alors, je ne sais par quel miracle, une chose descend du ciel et commence à se battre avec le renard. Finalement, c'est la chose qui l'emporte. Le renard s'enfuit blessé. Alors, elle m'attrape par la queue et s'envole vers une destination inconnue. Mais alors que nous volons, une autre chouette nous fonce droit dessus. Les  deux chouettes se mettent à se battre. J'entends un cri de douleur au dessus de ma tête. D'un coup, je me mets à dégringoler à une vitesse impressionnante. Je tombe. Mes petites pattes sont glacées. Je tombe. Mes poils sont dressés. Je tombe.

Ahhhhh! Boing! Bam! Je suis ballotté comme une balle de ping pong. Cela dure longtemps. Ah, je sens que je recommence à tomber sans aucun objet qui arrête ma chute. Je dégringole. Des racines sont arrachées sur mon passage. Des trucs non identifiables s'accrochent dans ma fourrure. Je me demande où je suis. Ouuh ça va trop vite, je ne me rends plus compte de rien. Je rebondis  brusquement sur une texture douce et agréable. Il y a une odeur que je ne connais pas mais qui me rassure. Lassé par mes aventures, je m'endors.
 
Je me réveille pendant la nuit. Je tâtonne l'endroit où je me trouve et j'arrive à grimper péniblement à la surface. Je m'éloigne dans la nuit froide. Après avoir reniflé pour repérer la mousse , j'arrive finalement à mon terrier. Je m'endors, écroulé de fatigue.

Au matin, un petit lapin se réveille en disant «Maman, j'ai fait un drôle de rêve: une petite bête déguisée en chou pourri venait me rendre visite!»