Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre.
Différent, Tel est le regard que celle qui m'a allaité a toujours porté sur moi son fils. Pour elle, je n'ai donc ressemblé à personne. Ni à elle, ni à mon feu père. Ni à mes frères, ni à mes sœurs. Ni à un oncle, ni à une tante. Ni à un cousin, ni à une cousine. Je n'ai donc ressemblé à personne. Même pas à mon grand-père dont je porte le nom, même pas à un parent ou à un enfant du quartier, même pas à une de ces têtes avec qui j'ai partagé les salles de classe. Je ne ressemble donc à personne. Et pourtant, ma peau a la même couleur que celle dont je suis le fruit des entrailles. Mes yeux sont aussi bleus et ronds que les siens. Mes dents sont aussi blanches et aiguisées que celles de celui qui, pour que j'existe, mit dans le ventre de ma mère sa précieuse semence. Comme mes frères, j'ai de petites oreilles, un visage innocent et un front très luisant... Tout comme eux ma bouche mange aussi le « taro », « l'okok », le « eru », le « Sanga », le « Koki », le « pilé », la sauce « foleré » et aussi la sauce gombo... Mais pourtant, je suis différent.
Je l'ai toujours été pour ma mère. Peut-être parce que j'ai toujours eu ma manière à moi de voir le monde, de faire les choses ou de les dire. Peut-être parce que j'exprime les réalités, mes sentiments et mes pensées d'une manière très particulière. Assez particulière que pour ma mère, j'appartiens à tout, sauf à cette terre...Maman aime se fier aux règles classiques. Elle aime qu'on s'aligne derrière les habitudes de la majorité quand elle trouve que celles-ci sont commodes et normales. Elle a toujours préféré mes frères qui pour elle, agissent de manière commune et responsable plutôt que moi dont l'action passive et singulière à chaque fois l'inquiète et l'irrite...
J'ai donc toujours été celui-là même qui fait l'exception ; celui qu'on compare toujours aux autres, qui ne fait jamais comme les autres sans qu'une seule fois, on essaye de se demander et de comprendre pourquoi (...)
Un matin, un monsieur a débarqué chez nous. Il ne mérite même pas que je prononce son nom. Pour moi, Il était débraillé. Encore plus qu'un petit enfant sur la route du champ. Ce n'était pas la première fois. Il enfilait toujours le même pantalon « jeans », les mêmes chemises délavées et la même paire de chaussure noire dont les talons pendaient toujours d'un côté... Mes frères n'avaient aucun problème avec lui. Mes petites sœurs étaient toujours fières de tomber dans ses bras pour lui souhaiter la bienvenue. Peut-être parce qu'il leurs apportait toujours des petits bonbons et des chocolats. Comme les jours qui ont précédé, il venait pour ma mère et le simple fait de le voir faisait naître en moi un si horrible malaise. À son arrivée, tous venaient le saluer, lui dire bonjour, bon après-midi ou bonsoir. Un seul enfant, bien que conscient, restait indifférent face à tout ceci : moi. Jamais je n'avais fait comme les autres. Je ne disais rien. Je ne faisais rien... En sa présence, mon cœur ne souhaitait plus qu'une seule chose : Que le temps vienne et que de chez nous il s'en aille.
Maman me regardait comme un monstre, un aliène ; comme si je venais d'une autre planète ; comme si je descendais de ce vide grand et bleu dans lequel le soleil et la lune brillent et scintillent sur nos têtes. Il fallait tomber sur son regard pour comprendre. Sur ce regard qui sans dire un mot affichait d'une manière très rapide des milliers de phrases, les unes sur les autres, sans virgules ni point virgules, sans pause ni arrêt... Comment ? Comment sourire avec un individu qui chez vous, vient à chaque fois se prendre pour le père de la maison ? Même mon nez n'a jamais osé goutter l'odeur de tout ce qu'il apportait. Contrairement à mes frères (...)
Un après-midi, nous devions nous rendre à une fête. Tout le monde attendait ce jour... Mes petites sœurs et cousines s'étaient tressées. Leurs têtes brillaient comme un arc-en-ciel. Quand arriva le moment pour les garçons de se rendre beaux, nous nous dirigions vers le salon de coiffure. Chez le coiffeur, j'ai vu plusieurs modèles et j'ai choisi le mien... Les autres bien avant moi avaient déjà fait leur choix. Le grand SISKO, ayant terminé son travail sur nos têtes, nous avons repris le chemin de la maison.
Sur la route, on avance en file Indienne. Nous sommes cinq. Les autres devant, je suis la queue. Sur la peau des crânes des quatre premières têtes qui luisent, il n'y a plus de cheveux et les rayons de ce soleil ardent y accomplissent leur tâche avec plaisir. Sur la mienne, le décor est différent et un peu particulier... Une fois à la maison, chacun entre à son tour. Au tour du quatrième, j'entends maman dire : « Oh ! les gars sont beaux ». Je l'étais aussi mais elle parlait des autres. Lorsque mes pieds touchèrent le sol du salon et que ma tête suivit dans l'espace, maman se leva et se mit à crier :
« Celui-ci sort d'où ? Ça c'est quoi ça sur ta tête ? Tu ne pouvais pas te coiffer comme les autres ? Vas vite m'enlever ça... ». En effet, j'avais demandé au grand Sisko de ne raser que les bordures de ma tête et de laisser au milieu une ligne de cheveux qui partirait de mon front jusqu'au milieu de ma nuque. Il avait appelé ça « la crête ». Sa hauteur était comparable à celle de la tour Eiffel... J'étais donc le coq. Le vrai, le seul. Cependant, maman ne voulait pas me voir à ses côtés avec une telle atrocité sur ma tête... Les autres avaient des coiffures responsables et une fois de plus, Je n'étais pas comme eux. Une fois de plus j'étais à part. Une fois de plus j'étais différent...
Un soir, nous étions assis au salon : ma mère, mes sœurs mes frères et moi. Nous avons entamé une discussion. On parlait de la vie, de l'école de vie et de la sagesse dont il fallait faire preuve pour pouvoir s'y démarquer. Chacun donnait son point de vue et comme d'habitude, j'étais dans un raisonnement à part. Tandis que les autres, avançant des arguments, attestaient que c'était des arguments d'ordre générale et universel, je restais dans mes exceptions, dans ces autres réalités qu'ils semblaient oublier. Maman une fois de plus trouvait que j'étais dans mon monde à part. Toujours maman. Toujours mon nom dans sa bouche. La discussion terminée, on avait coupé le courant. La maison décida alors d'aller se jeter dans les bras doux de Morphée. Quelques minutes plus tard, alors que les autres étaient noyés dans leur sommeil, j'étais allongé sur le lit, encore éveillé. La tête sur l'oreiller les yeux dans le plafond, le corps dans le drap l'esprit dans les pensées, une foudre me frappa et comme par hasard, me demanda de me lever, d'aller au salon, de prendre un morceau de papier sur lequel j'ai commencé à écrire... Dans cette grande obscurité que ma petite torche essayait de combattre, J'écrivais, seul, chacune des lettres que me dictait mon inspiration divine jusqu'au moment où je vis devant moi ma mère qui me demandait ce que je faisais debout, seul, dans ce noir, à cette heure de la nuit pendant que les autres dorment.
Avant même que je ne réponde, la main de maman s'était déjà servie et avait pris ce papier que ses yeux s'étaient mis à lire. Grande était la surprise sur son visage lorsqu'elle avait vu écrit : « Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre »... Sans dire un mot, elle avait continué à lire jusqu'à la fin... J'étais resté calme... Après sa lecture, maman s'était assise près de moi et a commencé à me parler. Comme la nuit, la causerie était longue et quand le courant revenait, son cœur s'ouvrait pour me dire : « Mon fils, une mère ne veut que le bien de son enfant... Tu es mon fils... Je suis ta mère et peu importe ce qui arrive, tu seras toujours mon fils bien aimé... ».
Différent, Tel est le regard que celle qui m'a allaité a toujours porté sur moi son fils. Pour elle, je n'ai donc ressemblé à personne. Ni à elle, ni à mon feu père. Ni à mes frères, ni à mes sœurs. Ni à un oncle, ni à une tante. Ni à un cousin, ni à une cousine. Je n'ai donc ressemblé à personne. Même pas à mon grand-père dont je porte le nom, même pas à un parent ou à un enfant du quartier, même pas à une de ces têtes avec qui j'ai partagé les salles de classe. Je ne ressemble donc à personne. Et pourtant, ma peau a la même couleur que celle dont je suis le fruit des entrailles. Mes yeux sont aussi bleus et ronds que les siens. Mes dents sont aussi blanches et aiguisées que celles de celui qui, pour que j'existe, mit dans le ventre de ma mère sa précieuse semence. Comme mes frères, j'ai de petites oreilles, un visage innocent et un front très luisant... Tout comme eux ma bouche mange aussi le « taro », « l'okok », le « eru », le « Sanga », le « Koki », le « pilé », la sauce « foleré » et aussi la sauce gombo... Mais pourtant, je suis différent.
Je l'ai toujours été pour ma mère. Peut-être parce que j'ai toujours eu ma manière à moi de voir le monde, de faire les choses ou de les dire. Peut-être parce que j'exprime les réalités, mes sentiments et mes pensées d'une manière très particulière. Assez particulière que pour ma mère, j'appartiens à tout, sauf à cette terre...Maman aime se fier aux règles classiques. Elle aime qu'on s'aligne derrière les habitudes de la majorité quand elle trouve que celles-ci sont commodes et normales. Elle a toujours préféré mes frères qui pour elle, agissent de manière commune et responsable plutôt que moi dont l'action passive et singulière à chaque fois l'inquiète et l'irrite...
J'ai donc toujours été celui-là même qui fait l'exception ; celui qu'on compare toujours aux autres, qui ne fait jamais comme les autres sans qu'une seule fois, on essaye de se demander et de comprendre pourquoi (...)
Un matin, un monsieur a débarqué chez nous. Il ne mérite même pas que je prononce son nom. Pour moi, Il était débraillé. Encore plus qu'un petit enfant sur la route du champ. Ce n'était pas la première fois. Il enfilait toujours le même pantalon « jeans », les mêmes chemises délavées et la même paire de chaussure noire dont les talons pendaient toujours d'un côté... Mes frères n'avaient aucun problème avec lui. Mes petites sœurs étaient toujours fières de tomber dans ses bras pour lui souhaiter la bienvenue. Peut-être parce qu'il leurs apportait toujours des petits bonbons et des chocolats. Comme les jours qui ont précédé, il venait pour ma mère et le simple fait de le voir faisait naître en moi un si horrible malaise. À son arrivée, tous venaient le saluer, lui dire bonjour, bon après-midi ou bonsoir. Un seul enfant, bien que conscient, restait indifférent face à tout ceci : moi. Jamais je n'avais fait comme les autres. Je ne disais rien. Je ne faisais rien... En sa présence, mon cœur ne souhaitait plus qu'une seule chose : Que le temps vienne et que de chez nous il s'en aille.
Maman me regardait comme un monstre, un aliène ; comme si je venais d'une autre planète ; comme si je descendais de ce vide grand et bleu dans lequel le soleil et la lune brillent et scintillent sur nos têtes. Il fallait tomber sur son regard pour comprendre. Sur ce regard qui sans dire un mot affichait d'une manière très rapide des milliers de phrases, les unes sur les autres, sans virgules ni point virgules, sans pause ni arrêt... Comment ? Comment sourire avec un individu qui chez vous, vient à chaque fois se prendre pour le père de la maison ? Même mon nez n'a jamais osé goutter l'odeur de tout ce qu'il apportait. Contrairement à mes frères (...)
Un après-midi, nous devions nous rendre à une fête. Tout le monde attendait ce jour... Mes petites sœurs et cousines s'étaient tressées. Leurs têtes brillaient comme un arc-en-ciel. Quand arriva le moment pour les garçons de se rendre beaux, nous nous dirigions vers le salon de coiffure. Chez le coiffeur, j'ai vu plusieurs modèles et j'ai choisi le mien... Les autres bien avant moi avaient déjà fait leur choix. Le grand SISKO, ayant terminé son travail sur nos têtes, nous avons repris le chemin de la maison.
Sur la route, on avance en file Indienne. Nous sommes cinq. Les autres devant, je suis la queue. Sur la peau des crânes des quatre premières têtes qui luisent, il n'y a plus de cheveux et les rayons de ce soleil ardent y accomplissent leur tâche avec plaisir. Sur la mienne, le décor est différent et un peu particulier... Une fois à la maison, chacun entre à son tour. Au tour du quatrième, j'entends maman dire : « Oh ! les gars sont beaux ». Je l'étais aussi mais elle parlait des autres. Lorsque mes pieds touchèrent le sol du salon et que ma tête suivit dans l'espace, maman se leva et se mit à crier :
« Celui-ci sort d'où ? Ça c'est quoi ça sur ta tête ? Tu ne pouvais pas te coiffer comme les autres ? Vas vite m'enlever ça... ». En effet, j'avais demandé au grand Sisko de ne raser que les bordures de ma tête et de laisser au milieu une ligne de cheveux qui partirait de mon front jusqu'au milieu de ma nuque. Il avait appelé ça « la crête ». Sa hauteur était comparable à celle de la tour Eiffel... J'étais donc le coq. Le vrai, le seul. Cependant, maman ne voulait pas me voir à ses côtés avec une telle atrocité sur ma tête... Les autres avaient des coiffures responsables et une fois de plus, Je n'étais pas comme eux. Une fois de plus j'étais à part. Une fois de plus j'étais différent...
Un soir, nous étions assis au salon : ma mère, mes sœurs mes frères et moi. Nous avons entamé une discussion. On parlait de la vie, de l'école de vie et de la sagesse dont il fallait faire preuve pour pouvoir s'y démarquer. Chacun donnait son point de vue et comme d'habitude, j'étais dans un raisonnement à part. Tandis que les autres, avançant des arguments, attestaient que c'était des arguments d'ordre générale et universel, je restais dans mes exceptions, dans ces autres réalités qu'ils semblaient oublier. Maman une fois de plus trouvait que j'étais dans mon monde à part. Toujours maman. Toujours mon nom dans sa bouche. La discussion terminée, on avait coupé le courant. La maison décida alors d'aller se jeter dans les bras doux de Morphée. Quelques minutes plus tard, alors que les autres étaient noyés dans leur sommeil, j'étais allongé sur le lit, encore éveillé. La tête sur l'oreiller les yeux dans le plafond, le corps dans le drap l'esprit dans les pensées, une foudre me frappa et comme par hasard, me demanda de me lever, d'aller au salon, de prendre un morceau de papier sur lequel j'ai commencé à écrire... Dans cette grande obscurité que ma petite torche essayait de combattre, J'écrivais, seul, chacune des lettres que me dictait mon inspiration divine jusqu'au moment où je vis devant moi ma mère qui me demandait ce que je faisais debout, seul, dans ce noir, à cette heure de la nuit pendant que les autres dorment.
Avant même que je ne réponde, la main de maman s'était déjà servie et avait pris ce papier que ses yeux s'étaient mis à lire. Grande était la surprise sur son visage lorsqu'elle avait vu écrit : « Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre »... Sans dire un mot, elle avait continué à lire jusqu'à la fin... J'étais resté calme... Après sa lecture, maman s'était assise près de moi et a commencé à me parler. Comme la nuit, la causerie était longue et quand le courant revenait, son cœur s'ouvrait pour me dire : « Mon fils, une mère ne veut que le bien de son enfant... Tu es mon fils... Je suis ta mère et peu importe ce qui arrive, tu seras toujours mon fils bien aimé... ».