Ma différence

Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si je suis une extra-terrestre. Bien que je sois sa progéniture, ma personnalité est étrange pour elle. Comme, de tous ses enfants, je suis celle qui a été la plus difficile à cerner, la plus incompréhensible et la plus imprévisible, voir même impossible. Et plus le temps passe, plus je deviens de plus en plus singulière par rapport aux autres.
Bien que je me ressemble à tout le monde sur quelques propos, je me diffère d'eux sur plusieurs points.
D'abord, je suis une fille hyper sensible. Les mots, les faits et les gestes de tout ce qui m'entoure me touchent facilement. J'ai un rire facile, je me mets facilement en larme, je me mets facilement en colère, je me rattache facilement au gens, je hais facilement les gens. Alors dû à cela, afin de ne pas avoir une mauvaise remarque venant des gens, parfois je me cache sous un comportement timide, parfois je parle moins, parfois je reste seule et même quelques fois, je me force à faire l'impossible pour convenir à leur attente.
Quand j'étais encore en primaire, d'habitude, dans mon école, ce sont les élèves qui font le ménage, en groupe, à chaque fin de la journée, avant de rentrer à la maison. Comme nous étions moins nombreux, notre classe n'a été repartie qu'en cinq groupes de cinq élèves. Alors, tous les jours il doit avoir un groupe d'élève nettoyant la salle ou dans le cas contraire, le groupe aurait droit à une sanction venant du surveillant. Et le tour de nettoyage de mon groupe, c'est tous les mardis. Un jour, le cours était terminé tard, alors nous étions tout de suite rentrés comme il faisait déjà un peu noir. Le lendemain, puisqu'on n'a pas fait le ménage la veille, le surveillant nous a punis en balayant la cour de l'école durant toute la recréation après avoir monté le ton sur nous. Ce moment-là, j'étais si triste que j'ai fini par fondre en larme. Un autre mardi, le cours a été terminé plus tard que celui d'avant, alors pour peur de ne pas rentrer tard à la maison, tous les élèves de mon groupe sont rentrés. Moi je ne voulais pas qu'on me punisse comme la fois précédente, alors j'étais restée balayer toute seule notre salle de classe.
Balayer toute seule une salle de classe est pour moi plus qu'une punition. Mais si c'est pour ne pas se morfondre devant toute la classe ni pour ne pas être victime des paroles blessantes venant du surveillant, je l'ai comme même fait.
Aussi, j'ai de la difficulté à apprendre tout ce qui paraît être simple pour tout le monde. Et je ne sais pas pourquoi. Car peu importe l'effort que je fournis pour en être capable, ça revient toujours à rien. Alors que des fois, je suis capable d'accomplir quelque chose de grandiose dont tout le monde se doute que j'en sois capable. Vraiment, je suis tellement bizarre.
Prenons le cas dans ma famille. Tout le monde se débrouille bien s'il est question de musique. Comme exemple, mon frère sait jouer du piano, mon père sait jouer de la guitare, ma petite sœur et ma mère savent beaucoup chanter. Alors que moi, je ne sais rien faire dans ce domaine même après avoir tenté d'apprendre. En les voyant jouer, c'est comme si c'est quelque chose de très facile pour eux, mais en essayant à mon tour, je n'y arrive pas. Vraiment, je bloque. Je ne sais pourquoi mais je n'en suis pas compétente. Et pourtant, dans le domaine de la couture, personne ne peut m'égaler.
Sinon, je m'embrouille quand je suis en présence de quelqu'un. Que ça soit une connaissance ou un ami ou un inconnu, j'ai la crainte de me mal tenir à leur présence. Et je ne sais pas comment dois-je me comporter dans chaque situation. A chaque fois, dans ma tête, je me pose pleines de questions. Comment dois-je saluer? Que dire ? Après je fais quoi ? Et je fais comment ? Et ainsi de suite. Il est difficile pour moi de me mettre à l'aise. Quand je parle, j'ai peur de trop parler ni les ennuyer avec mes paroles interminables. Quand j'articule mes mots, j'ai peur de prononcer par accident un terme blessant. Quand je mets en mouvement, j'ai peur de faire un geste démesuré. Toutes ces angoisses m'envahissent. Et comme je ne sais pas comment contrebalancer mes faits et gestes, alors je ne parle presque pas, je ne fais qu'écouter tout ce qu'on me dit sans même faire la moindre réaction, je bouge discrètement, afin de ne pas trop perturber les autres.
Toutes ces choses-là me rendent un peu divergente par rapport à tout le monde. Et étant petite, je me suis souvent sentie comme un être décalé et écarté de tout. C'est comme il y a moi, dans mon propre univers, et il y a les autres dans le leur. Parce que déjà, je suis l'opposée de tous les individus, mon acte est le contraire des leurs, mes appréciations sont leurs répugnances et je n'ai presque aucune ressemblance à eux. Or, plus le temps passe, plus je m'éloigne de tout ce qui peut être la description normale de l'homme. Par conséquent, cela me rendait un peu fermée, me faisait douter sur moi-même, me semait de la peur de vivre pleinement ma vraie personnalité, et me rendait vulnérable de temps en temps.
Oui, avoir de la nature singulière peut paraitre hors normes aux yeux de ce qui nous entoure. Cependant, mon propre challenge, c'est d'être capable de bien vivre avec, au lieu de me déprimer à chaque fois que j'y pense, je dois aussi apprendre à voir cette singularité comme quelque chose de positif et non de pénible toute fois. Et le plus important de tous, c'est de savoir transformer toutes négativités encaissées comme les chocs, les mépris, les colères, les déshonneurs, les peines en une force. Seulement, j'ai mis beaucoup de temps à comprendre tout cela.
On peut me priver de tout ce qui peut être la normalité de l'homme. Différente, étrange et peut être même un peu bizarre. Je peux l'être. Par contre, personne ne peut me priver de mon estime pour moi-même, ma fierté, et ma raison d'être. Et ne me confisque pas aussi l'amour venant des autres. Surtout, de ma mère. Dès petite, elle a été toujours été présente pour moi. Dans les beaux moments ainsi que dans les pires. Dans la victoire et dans l'échec. De même que dans la gloire ainsi que dans la honte. Elle a été toujours de mon côté, bien que je lui parais parfois insensée. Elle se fait le plaisir d'éclaircir mes mots, d'expliquer mes idée quand j'ai de mal à m'exprimer quoiqu'elle ne sache pas comment et par où commencer. Et même si le résultat de ses offres ne soit pas toujours comme ce qu'elle avait imaginé, comme des fois il la blesse et la déçoive, elle ne se décourage pas. Comme à chaque fois, elle bien sûr d'avoir fait ce qu'elle a pu. Et c'est certainement le cas. Elle n'a jamais transformé cette singularité en une prétexte afin de ne rien faire pour moi. Au contraire, elle en fait toujours. Elle en fait même beaucoup. Car quand une personne déborde d'amour, elle n'a pas besoin de connaitre le goût, le genre, l'envie et le caractère de l'autre afin de faire quelque chose pour lui.
C'est une femme fidèle, fière et dévouée. Elle est l'une des rares joyaux que le ciel m'ait offerte. Elle peut ne pas être capable de tout me donner, de solutionner à tous mes problèmes, de ne pas arriver à me connaitre complètement bien qu'elle a toujours essayé à plusieurs reprises. Mais elle m'a donné l'opportunité de connaitre et de vivre plusieurs choses dont nul ne pourra me donner. Elle m'a permis de savoir ce que c'est l'amour inconditionnelle d'une mère. Et le fait de se souvenir de tout ce qu'elle a risqué, tout ce qu'elle a enduré, tout ce qu'elle a perdu pour mon bien me rassure et me fournit de l'énergie à ne pas avoir peur d'avancer dans la vie et de ne pas se douter de moi-même, et me donne de la confiance qu'à chaque pas que je fais, je ne suis pas seule à le franchir.
Alors bien que ma mère me considère comme une extra-terrestre, elle m'admire et m'aime comme je suis. Cela m'aide à m'épanouir au sein de la société et à avancer malgré mes différences.