Maya errait entre l'entrée de sa cuisine et le bord de son lit. Le bord, oui, car elle n'arrivait jamais à s'y plonger de façon définitive. Après que sa mère lui eut souhaité « bonne nuit », chose que Maya ne connaissait que rarement, elle éteignait sa lumière en espérant que ce soit pour de bon. Mais elle ne pouvait s'empêcher de se mouvoir sous ses couettes, repensant à toutes les mésaventures qui lui étaient arrivées au cours de sa journée bercée par l'insouciance de la jeunesse. Car oui, Maya n'était qu'une enfant mais ne le pensait pas pour autant. Alors, la nuit, toutes ses angoisses, ses peurs et ses problèmes refaisaient surface dès qu'elle tentait de fermer l'oeil.
Durant ces soirs terribles qui revenaient bien trop souvent, Maya descendait les marches de bois sur le seuil de sa chambre, puis traversait le salon, où elle arrêtait de temps à autres sa course, et finissait toujours son périple à la cuisine. Elle buvait alors de son sirop préféré, portant avec lui l'espoir vain de lui faire oublier le monde autour d'elle, lui permettant ainsi de pouvoir s'étendre dans son lit et de ne revoir la lumière du jour que le lendemain. Seulement, tout ceci n'arrivait que dans ses pensées, pensées qui lui causaient bien du souci. Après avoir avalé la dernière goutte de cette boisson divine, et se rendant à l'évidence qu'elle tenait encore debout, elle se tourna et, comme d'habitude, durant ces fatidiques nuits, se dirigea vers la petite fenêtre qui se trouvait dans un coin reculé du salon pour admirer la majestueuse Lune qui était son seul réconfort dans ses tourments.
Agenouillée sur un vieux fauteuil décrépit, les bras croisées sur le rebord de la fenêtre, le regard plongé dans la contemplation de l'aura mystique qui se cachait derrière la Lune, Maya rêvait. Elle rêvait éveillée. C'était la seule chose qui lui permettait de s'évader durant ses tristes et solitaires nuits d'insomnie. La beauté nocturne qui l'entourait lui octroyait la possibilité de visiter un lieu magique dont elle seule possédait la clef.
Les feuilles des arbres bruissaient dans la vallon sous une petite brise légère et furtive qui passait par là. La vie nocturne s'éveillait sous ses yeux, elle était captivée par la danse féérique et harmonieuse des étoiles et des ombres. C'était une nuit resplendissante, dépourvue de nuages, qui laissait à l'esprit de cette petite fille un terrain fertile à l'imagination. Mais ces quelques minutes de rêveries furent interrompues par de doux bruits parasites. Derrière des bruyères, un jeune chevreuil trottinait gaiement, s'arrêtant de temps à autre pour se laisser emporter par les senteurs enivrantes des environs. Soudain les regards de ces deux jeunes êtres bien différents se rencontrèrent. Le jeune animal n'était pas perturbé, et encore moins dérangé, par la présence de Maya. Il continuait malgré tout à soutenir son regard, et Maya, ayant compris son jeu, faisait de même. Elle, en revanche, fut surprise par l'apparition de cet intrus. Après plusieurs secondes qui leur parurent des heures durant lesquels leurs yeux n'avait point cillés, elle se réjouit d'avoir croisé ce petit être, qui, pour nous, est tout ce qu'il y'a de plus ordinaire, mais qui était, pour elle, un être magique et surtout, celui qui restera toujours son ami de la nuit.
Quelques minutes furent nécéssaires à Maya pour se remettre de cette merveilleuse irruption. Elle décida alors de fermer ses paupières et commença à imaginer toutes sortes d'aventures fabuleuses ayant pour sujet son jeune ami tout juste rencontré mais qui lui était déjà très familier. Elle le transformait, dans sa tête, en magnifique destrier céleste. Elle aimait l'idée qu'il était au service d'une belle princesse vêtue de dentelles et de fleurs fuyant dans la forêt obscure mais pourtant envoûtante pour échapper à une tragique destinée. Alors elle chevauchait vaillamment cette monture divine pour parvenir à se sortir des griffes de son avenir.
Maya s'abandonnait à ses rêveries. Elle dérivait d'une histoire à une autre. Mais alors qu'elle finissait une nouvelle aventure fantastique tournée autour de la vie dans les airs, elle commença à apercevoir des amis sortir de la brume violacée entourant les collines alentours. C'était un jeune couple connu de Maya, venant visiter, comme à leur habitude, notre jeune fille lors des soirs difficiles. Ils étaient couronnés d'étoiles et, pour Maya, la beauté de ces tourtereaux prospérerait tant que les astres éclaireraient vallons et collines dans les temps sombres. Ils allaient alors s'asseoir sur une souche à l'orée du bois où ils se laissaient aller par la beauté envoutante des environs et, Maya le voyait, ils s'aimaient.
Elle voulait garder pour toujours cette image magique où les deux amants tant rêvés restaient là, assis, à regarder le ciel. Elle les aimait comme elle aimait qui que ce soit qu'elle ait ou qu'elle n'ait pas inventé. C'est alors que ses amis la saluaient et repartaient sereinement vers le royaume magique d'où toutes les légendes venaient. Alors Maya s'imaginait se faire porter par le parfum des fleurs splendides sous sa fenêtre pour arriver jusqu'à ce magnifique astre qui permettait au paysage de rester lumineux lorsque tout était sombre. Elle aurait des ailes, se sentirait légère, et se laisserait tomber dans un mélange moelleux et soyeux de duvet et de coton. Elle se sentirais bien. Les étoiles la baigneraient de leur somptueuse lumière. Elle ne ferait que regarder quelques mésanges passer innocemment dans le ciel, sans se soucier d'elle. Seul le doux hululement des hiboux lui parviendrait. Elle continuerait malgré tout à faire danser les fleurs et chanter les feuilles de chêne qui protégeaient la forêt de la clarté de la Lune. La fraicheur de la nuit lui tiendrait compagnie. Mais pour l'instant, la vie nocturne continuait de s'éveiller autour de Maya, tandis qu'elle fermait les yeux, n'écoutant plus que la délicate mélodie du vent, et finalement, elle laissa la nuit l'emporter.