Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extraterrestre. Hier, pour couronner les kyrielles d'injures qu'elle proférait à mon endroit, elle m'a traité d'espèce d'extraterrestre! Le pense-t-elle vraiment ou elle n'a fait que me lancer dessus le dernier mot qui lui est passé par la tête ? Pour elle, c'était peut-être la manière la plus cruelle de me qualifier de bon à rien ou de rejet humain! Mais pourquoi ? Je me demande ce que j'ai bien pu faire pour que ma « mère » ait une attitude aussi désagréable à mon égard. Sans doute vous vous posez la même question. Et, vous avez déjà la réponse : moi je suis différent et en plus, il y a deux épisodes qui vous manquent de la série inédite qu'est mon existence sur Terre.
Primo, cette femme que j'appelle « ma mère » n'est pas ma mère. Elle est ma mère entre guillemets. Pour être franc avec vous, je n'en ai jamais eu une vraie! Deuxio, ce que ma mère pense de moi est bel et bien réel. Je suis un extraterrestre qui vit dans le corps d'un humain. Je sais qu'hier, par « extraterrestre », ma mère sous-entendait autre chose. Car elle ne croit pas que ces êtres monstrueux qui habitent les autres planètes puissent exister. Pour elle (aussi bien que pour vous d'ailleurs), les extraterrestres sont des êtres hideux qu'on nous montre à la télé. Par contre, ma mère croit aux esprits malfaisants et aux loups garous (et il y a forte chance qu'elle soit un de ces derniers)! Bouche cousue! Gardez cela top secret...Promettez le moi...Merci pour votre discrétion! Jouissant de la plénitude de la naïveté de vos esprits, je mène paisiblement ma vie sans la crainte d'être découvert un petit matin au réveil; sinon ça aurait été pour moi une véritable catastrophe...
Aujourd'hui nous sommes en 2050 et tout a commencé un mercredi 13 juillet, quand je fis irruption dans une île des Caraïbes : Haïti que l'on appelait autrefois la perle des Antilles. Et de surcroit, c'est le premier peuple noir indépendant du monde. Je suis apparu précisément dans les rues de Port-au-Prince, sa capitale, qui venait à peine d'enfouir le manteau de l'obscurité que le soleil avait laissé après lui en s'enfuyant derrière les montagnes... De l'Energie Vitale ambulante, voilà ce que j'étais. Perdu dans le monde des humains dépourvus d'humanité, j'étais désormais coincé dans l'espace-temps, condamné à obéir aux lois de la nature. Ainsi ma nature immatérielle devenait intensément vulnérable. Je commençais à m'atrophier à petit feu. Et, j'étais en train de perdre tout espoir quand naquit soudain la brillante idée de me pénétrer dans le corps d'un humain dépourvu d'énergie vitale. Par chance, je me trouvais à l'endroit idéal. Car les rues de Port-au-Prince regorgeaient de cadavres entassés sur les décharges et parfois, quelques-uns occupaient les trottoirs. Plus le temps passait, plus l'énergie que j'étais se désintégrait. J'étais en quête d'un corps innocent et inoffensif pour des raisons personnelles. C'est alors que je fus attiré par un bébé fraîchement jeté sur un monticule d'ordures quelque part au coin d'une rue où il y a avait inscrit en lettres majuscules sur le mur « PA JETE FATRA LA », ce qui signifiait l'interdiction de jeter des ordures ici; (apparamment, personne ne s'en préoccupaient). Sans me demander d'où provenait l'enfant ou si cela relevait de l‘habitude des habitants de ce pays d'infliger ce genre de traitement à leurs semblables, je ne pensais qu'à survivre. Je m'empressai de pénétrer par les narines du gosse et imprégner toutes les cellules de son corps. Quelques secondes plus tard, je n'étais plus une Energie Vitale errante, j'appartenais désormais à un corps humain.
Une odeur nauséabonde empestait les environs et des fourmis commençaient à dévorer ma chair. Pour exprimer ma douleur, une contraction se fit dans mon petit corps et mes lèvres s'écartèrent pour laisser échapper un cri strident. Je me sentais mal. J'allais enfin savoir ce que cela faisait d'être un humain et surtout d'être né en Haïti. Si j'avais su qu'un tel calvaire m'attendait, je serais resté à l'état d'Energie Vitale, j'aurais pénétré une plante dont les fruits auraient été utiles. Mais, ça aurait été la même chose et même pire car l'arbre que j'aurais habité n'aurais pas tardé à connaitre un beau jour, l'effet douloureux des coups de haches et de machettes. Les hommes de son milieu l'auraient ensuite brulé, aurait fait de lui du charbon et l'aurait ensuite vendu au marché.
Des bruits de balles étouffèrent les appels au secours que je lançais dans mon langage de poupon. Aucune oreille voisine ne semblait percevoir mes cris de désespoir. Quelques instants plus tard, le vacarme des projectiles fut apaisé et il y eut des voix comme des chuchotements : un jeune couple qui préférait crever par balle que mourir asphyxié par la chaleur suffocante qui régnait sur la ville, revenait éméché d'une soirée de piscine. Il passait près de la montagne d'immondices où mon corps emmailloté se trouvait, parmi les boites métalliques houillées, les cartons usagés, les pelures de vivres et les flocons de merde. Je criais de plus bel jusqu'à ce que le cœur de l'homme qui accompagnait la femme en fut touché. Il se dirigea vers moi alors que sa compagne le dissuadait de poursuivre son intention. Mais il n'obtempéra pas.
- Rony, avait lancé la femme d'une voix inquiétante, mais bon sang qu'est-ce que tu fous ?!
- Il y a un bébé dans les ordures Maya, la signala l'homme, N'entends-tu pas ses cris?
- Mais, ça nous est égal ! Fichons le camp d'ici! Ce quartier est mal famé et tu le sais aussi bien que moi!
L'homme ne prêta pas attention à la mise en garde de sa femme. Il se laissa guider par son bon cœur; attitude qui était si rare parmi ses semblables. Il plongea ses chaussures dans la masse pestilentielle des ordures et me pris dans ses bras...Il me débarrassa des vieux haillons qui m'enveloppaient. La femme, elle, n'en revenait pas encore:
- Rony! C'est une grave imprudence que tu commets là ! Moi, je lave mes mains dans cette affaire...Tu sais d'où vient cet enfant Rony ?!! Et s'il s'agit d'un petit baka *!?
- Comment peux-tu dire de telles monstruosités Maya! Rétorqua l'homme d'un air indigné, cet enfant est sorti des entrailles d'une mère comme nous tous!
- Et tu comptes faire quoi de ce petit monstre? Lui demanda la femme d'une voix railleuse.
- Je ne vais tout de même pas le laisser ici, lui répondit l'homme, il est innocent bon sang! Il ne mérite pas d'être dévoré par les chiens ni d'être étripé par les porcs! Qu'a-t-il fait pour mériter un tel sort, hein?!
La femme ne trouva plus rien à ajouter. L'homme m'emporta alors avec lui et étant stérile, il fit de moi son enfant adoptif. Sa femme n'avait jamais approuvé cette décision. Elle me détestait plus que tout au monde comme si je venais lui ravir tout l'amour que lui vouait son homme. Son premier but a été de se débarrasser de moi le plus rapidement que possible.
Un matin, alors que mon père était en voyage, elle essaya de mettre fin à ma piteuse existence en déversant dans mon biberon une potion maléfique qui provoquerait dans trois jours mon sommeil éternel. Par miracle, le poison n'eut aucun effet sur moi. Elle attendit une semaine pour que les effets désastreux du liquide mortel se manifestent. Mais sa déception fût à son comble quand elle constata que j'étais encore bien vivant. D'autres tentatives de ce genre suivirent son premier échec; des choses horribles que je n'arriverai pas à vous relater. J'ai grandi sous ses yeux, et aujourd'hui j'ai dix ans. Elle a passé tout ce temps à attendre ma mort. Je suis son plus grand mystère... elle n'arrive pas à comprendre comment j'ai fait pour tenir jusqu'ici... Vous avez déjà la réponse: moi je suis différent. Je l'ai toujours été. La femme que j'appelle ma mère a eu raison de penser que je suis un extraterrestre... Si jamais vous la croisez sur votre chemin, dites lui que je suis de préférence un Extrahumain!
Primo, cette femme que j'appelle « ma mère » n'est pas ma mère. Elle est ma mère entre guillemets. Pour être franc avec vous, je n'en ai jamais eu une vraie! Deuxio, ce que ma mère pense de moi est bel et bien réel. Je suis un extraterrestre qui vit dans le corps d'un humain. Je sais qu'hier, par « extraterrestre », ma mère sous-entendait autre chose. Car elle ne croit pas que ces êtres monstrueux qui habitent les autres planètes puissent exister. Pour elle (aussi bien que pour vous d'ailleurs), les extraterrestres sont des êtres hideux qu'on nous montre à la télé. Par contre, ma mère croit aux esprits malfaisants et aux loups garous (et il y a forte chance qu'elle soit un de ces derniers)! Bouche cousue! Gardez cela top secret...Promettez le moi...Merci pour votre discrétion! Jouissant de la plénitude de la naïveté de vos esprits, je mène paisiblement ma vie sans la crainte d'être découvert un petit matin au réveil; sinon ça aurait été pour moi une véritable catastrophe...
Aujourd'hui nous sommes en 2050 et tout a commencé un mercredi 13 juillet, quand je fis irruption dans une île des Caraïbes : Haïti que l'on appelait autrefois la perle des Antilles. Et de surcroit, c'est le premier peuple noir indépendant du monde. Je suis apparu précisément dans les rues de Port-au-Prince, sa capitale, qui venait à peine d'enfouir le manteau de l'obscurité que le soleil avait laissé après lui en s'enfuyant derrière les montagnes... De l'Energie Vitale ambulante, voilà ce que j'étais. Perdu dans le monde des humains dépourvus d'humanité, j'étais désormais coincé dans l'espace-temps, condamné à obéir aux lois de la nature. Ainsi ma nature immatérielle devenait intensément vulnérable. Je commençais à m'atrophier à petit feu. Et, j'étais en train de perdre tout espoir quand naquit soudain la brillante idée de me pénétrer dans le corps d'un humain dépourvu d'énergie vitale. Par chance, je me trouvais à l'endroit idéal. Car les rues de Port-au-Prince regorgeaient de cadavres entassés sur les décharges et parfois, quelques-uns occupaient les trottoirs. Plus le temps passait, plus l'énergie que j'étais se désintégrait. J'étais en quête d'un corps innocent et inoffensif pour des raisons personnelles. C'est alors que je fus attiré par un bébé fraîchement jeté sur un monticule d'ordures quelque part au coin d'une rue où il y a avait inscrit en lettres majuscules sur le mur « PA JETE FATRA LA », ce qui signifiait l'interdiction de jeter des ordures ici; (apparamment, personne ne s'en préoccupaient). Sans me demander d'où provenait l'enfant ou si cela relevait de l‘habitude des habitants de ce pays d'infliger ce genre de traitement à leurs semblables, je ne pensais qu'à survivre. Je m'empressai de pénétrer par les narines du gosse et imprégner toutes les cellules de son corps. Quelques secondes plus tard, je n'étais plus une Energie Vitale errante, j'appartenais désormais à un corps humain.
Une odeur nauséabonde empestait les environs et des fourmis commençaient à dévorer ma chair. Pour exprimer ma douleur, une contraction se fit dans mon petit corps et mes lèvres s'écartèrent pour laisser échapper un cri strident. Je me sentais mal. J'allais enfin savoir ce que cela faisait d'être un humain et surtout d'être né en Haïti. Si j'avais su qu'un tel calvaire m'attendait, je serais resté à l'état d'Energie Vitale, j'aurais pénétré une plante dont les fruits auraient été utiles. Mais, ça aurait été la même chose et même pire car l'arbre que j'aurais habité n'aurais pas tardé à connaitre un beau jour, l'effet douloureux des coups de haches et de machettes. Les hommes de son milieu l'auraient ensuite brulé, aurait fait de lui du charbon et l'aurait ensuite vendu au marché.
Des bruits de balles étouffèrent les appels au secours que je lançais dans mon langage de poupon. Aucune oreille voisine ne semblait percevoir mes cris de désespoir. Quelques instants plus tard, le vacarme des projectiles fut apaisé et il y eut des voix comme des chuchotements : un jeune couple qui préférait crever par balle que mourir asphyxié par la chaleur suffocante qui régnait sur la ville, revenait éméché d'une soirée de piscine. Il passait près de la montagne d'immondices où mon corps emmailloté se trouvait, parmi les boites métalliques houillées, les cartons usagés, les pelures de vivres et les flocons de merde. Je criais de plus bel jusqu'à ce que le cœur de l'homme qui accompagnait la femme en fut touché. Il se dirigea vers moi alors que sa compagne le dissuadait de poursuivre son intention. Mais il n'obtempéra pas.
- Rony, avait lancé la femme d'une voix inquiétante, mais bon sang qu'est-ce que tu fous ?!
- Il y a un bébé dans les ordures Maya, la signala l'homme, N'entends-tu pas ses cris?
- Mais, ça nous est égal ! Fichons le camp d'ici! Ce quartier est mal famé et tu le sais aussi bien que moi!
L'homme ne prêta pas attention à la mise en garde de sa femme. Il se laissa guider par son bon cœur; attitude qui était si rare parmi ses semblables. Il plongea ses chaussures dans la masse pestilentielle des ordures et me pris dans ses bras...Il me débarrassa des vieux haillons qui m'enveloppaient. La femme, elle, n'en revenait pas encore:
- Rony! C'est une grave imprudence que tu commets là ! Moi, je lave mes mains dans cette affaire...Tu sais d'où vient cet enfant Rony ?!! Et s'il s'agit d'un petit baka *!?
- Comment peux-tu dire de telles monstruosités Maya! Rétorqua l'homme d'un air indigné, cet enfant est sorti des entrailles d'une mère comme nous tous!
- Et tu comptes faire quoi de ce petit monstre? Lui demanda la femme d'une voix railleuse.
- Je ne vais tout de même pas le laisser ici, lui répondit l'homme, il est innocent bon sang! Il ne mérite pas d'être dévoré par les chiens ni d'être étripé par les porcs! Qu'a-t-il fait pour mériter un tel sort, hein?!
La femme ne trouva plus rien à ajouter. L'homme m'emporta alors avec lui et étant stérile, il fit de moi son enfant adoptif. Sa femme n'avait jamais approuvé cette décision. Elle me détestait plus que tout au monde comme si je venais lui ravir tout l'amour que lui vouait son homme. Son premier but a été de se débarrasser de moi le plus rapidement que possible.
Un matin, alors que mon père était en voyage, elle essaya de mettre fin à ma piteuse existence en déversant dans mon biberon une potion maléfique qui provoquerait dans trois jours mon sommeil éternel. Par miracle, le poison n'eut aucun effet sur moi. Elle attendit une semaine pour que les effets désastreux du liquide mortel se manifestent. Mais sa déception fût à son comble quand elle constata que j'étais encore bien vivant. D'autres tentatives de ce genre suivirent son premier échec; des choses horribles que je n'arriverai pas à vous relater. J'ai grandi sous ses yeux, et aujourd'hui j'ai dix ans. Elle a passé tout ce temps à attendre ma mort. Je suis son plus grand mystère... elle n'arrive pas à comprendre comment j'ai fait pour tenir jusqu'ici... Vous avez déjà la réponse: moi je suis différent. Je l'ai toujours été. La femme que j'appelle ma mère a eu raison de penser que je suis un extraterrestre... Si jamais vous la croisez sur votre chemin, dites lui que je suis de préférence un Extrahumain!