Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Elle me fait souvent la réflexion d'ailleurs. Et à chaque fois, je souris : elle est quand même bien placée pour savoir que je suis né sur Terre! En même temps, je partage son idée. Bien que le fond soit dénué de sens, la forme, quant à elle, est relativement appropriée. Même si aucun.e terrien.ne n'a jamais vu d'extra-terrestre de ses yeux. Comme je vous l'ai dit : je suis différent. Et, à l'instar de ma mère, tout le monde le remarque. Sauf vous bien sûr, étant donné que vous ne m'avez jamais vu! Sinon, vous auriez remarqué ma ressemblance frappante avec Guillaume Bats, qui a la grande particularité d'avoir subi 27 fractures prénatales. En parlant de lui, il m'a beaucoup inspiré en me montrant que, malgré mon corps, j'avais la possibilité d'accomplir de belles choses. Mais, en dépit de cette observation, je ne peux me résigner à vivre dans cette cage. C'est pourquoi je me suis passionné pour les sciences. Ainsi, j'ai mené de nombreuses recherches sur les vers marins Tubulanus Sexlineatus, les ascidies et les hydres. Pourquoi ces espèces me diriez-vous ? Hormis le fait que ce soit des espèces marines, elles possèdent toutes 3 des capacités de régénération! Vous l'aurez compris, j'avais émis l'hypothèse que ces particularités génétiques puissent être transposées à l'être humain. Malheureusement, en dépit de mes nombreuses expériences, toutes uniques et novatrices, j'ai dû me soumettre au résultat de mes recherches : mon hypothèse ne pouvait être vérifiée. Cette évidence fût douloureuse à accepter, si bien qu'à la suite de cette révélation, j'ai passé 6 mois enfermé dans ma chambre. Le fait d'être seul et dans l'obscurité me faisait du bien. Malgré les apparences, ces quelques mois passés en exil n'étaient pas si sombres. Je n'ai en réalité déprimé que quelques semaines. Le calme m'a ensuite permis d'envisager diverses options pour mener à bien mon évasion et fuir enfin ce corps qui est le mien. Ainsi, à la fin de mon isolement volontaire, j'ai pu retrouver la lumière avec une idée nouvelle et prometteuse. Cette retrouvaille éblouissante avec le monde extérieur fut pout le moins déroutante. J'aurai dû m'y préparer d'avantage, on ne passe pas de 12m² à l'immensité si brutalement! Sauf lors de la naissance bien sûr, mais les conditions sont, de toute évidence, incomparables. J'ai donc dû m'adapter à nouveau à la société dont je m'étais éloigné les 6 mois précédents. Malgré ce changement de mode de vie un peu brusque, l'exaltation liée à mon nouveau projet était si intense que les mois se sont succédés sans que j'aie le temps d'y prêter attention. Mais je crois que vous vous impatientez, alors je vais vous dévoiler cette création qui a accaparé toute mon attention. J'ai pour objectif de développer ma propre réalité virtuelle! De nombreux prototypes ont commencé à fleurir et cette technologie se développe rapidement mais, je ne souhaite pas attendre. En plus de mon impatience, j'ai de nombreux critères qui ne seront pas nécessairement comblés par les grandes sociétés du jeu vidéo. Je n'avais toutefois aucune connaissance dans ce domaine et celles que j'avais acquises en science ne me seraient pas très utiles. Pour vous donner un aperçu de mes objectifs, je ne souhaite pas intégrer un jeu mais être l'univers en tant que tel. Cette caractéristique m'évitera ainsi de programmer un environnement virtuel mais je devrai créer une technologie révolutionnaire. L'idée est, comme je le disais, que je sois l'univers dans lequel j'évolue! Pour se faire, je serai connecté à la machine et je créerai de toute pièce l'environnement dans lequel je pourrai évoluer. Le problème qui se pose est que j'ai peu de connaissance du monde extérieur. J'aurai donc relativement rapidement fait le tour de ce que j'ai la capacité de créer. Ainsi, je vais commencer par réaliser un casque qui, lors de mon sommeil, me passera en boucle des sons et des images de paysages et de multiples situations pour enrichir ma bibliothèque mentale. Bien sûr, les images ne pourront être projetées devant moi, étant donné que je dormirai. Il faut donc que je trouve le moyen de me transférer ces photographies comme on le ferai avec un ordinateur. Il est bien regrettable que les être humains n'aient pas de port USB! Quoi qu'il en soit, j'ai passé 2 ans à me former de façon autodidacte aux technologies du jeu vidéo bien sûr, mais également à celles utilisées en neurosciences et dans le domaine médical. Mes connaissances étaient loin d'être complètes mais j'en possédais suffisamment pour me lancer dans mon projet. Je rechercherai des informations plus précises lorsque j'en aurai besoin. Suite à ces deux premières années j'ai réalisé mon « casque de transfert de données » qui ne ressemble finalement en rien à un casque! C'est alors que j'ai pu me consacrer entièrement à mon œuvre. Les débuts furent difficiles notamment parce qu'il m'était impossible de tester ce que je créais. J'ai donc passé une demi-année à avancer à tâtons, ce qui m'a value la joie de découvrir que rien ne fonctionnait. Finalement, ce problème était dû à une mauvaise connexion des branchements. Plus de peur que de mal! Toutefois, de nombreuses modifications se sont imposées. Suite à ces réparations, je possédais enfin la machine mère. Il faudrait ensuite que j'effectue toute la programmation et les branchements des électrodes. Je réalise d'ailleurs que je ne vous ai pas parlé de ces électrodes. Je prévois en effet d'en connecter une par dm² sur l'ensemble de mon corps. En sachant que la surface de peau d'un adulte est comprise entre 1,5 et 2 m² et vu ma carrure, je suppose que ma peau a une surface égale à 1,5m². Je dois donc me débrouiller pour trouver 150 électrodes! Mais face au travail qui m'attend, ce sera loin d'être le plus compliqué. Après plusieurs années, que je n'ai pas pris la peine de compter, je suis enfin arrivé au jour tant attendu de l'essai du prototype. Après avoir minutieusement positionné chaque électrode, je me suis allongé dans le siège conçu spécialement à mon image. J'ai pris quelques minutes pour savourer ce moment et le graver dans ma mémoire. Je pourrai d'ailleurs le revivre dans mon environnement virtuel. Vient alors le moment de démarrer ma machine. Mon cœur battait à tout rompre sous l'effet de l'excitation. J'écrivis les six lignes de codes permettant le lancement de l'expérience puis mon doigt s'est posé sur la touche « Entrée » de mon clavier Azerty. C'est le dernier souvenir que j'ai de ce premier test. Lorsque je me suis réveillé, j'ai vite compris qu'un problème était survenu. Mon apparence n'avait pas changé et les électrodes avaient été retirées pour laisser place à des cathéters. Le récit de ma mère m'a permis de retracer les évènements, bien que peu nombreux. Ma mère m'a donc retrouvé dans la soirée, inquiète de ne pas m'avoir vu venir chercher mon repas. J'ai donc été, selon le diagnostique médical, la victime d'un court-circuitage. Il faudra que je recalcule la puissance de ma machine pour éviter de griller la prochaine fois! Après mon bref séjour au centre hospitalier, j'ai alterné entre les phases de tests et les corrections des erreurs que je découvrais.
Mais maintenant ça y est, mon invention est prête! Toutefois, l'excitation que je ressentais jusqu'à présent s'est brutalement changée en peur et le doute prend place en m'attaquant avec de nombreuses questions. Je décide de ne pas me laisser déconcentrer et m'installe dans mon fauteuil après avoir branché mes électrodes une énième fois. Je ferme les yeux, je pense à ma mère et à l'extraterrestre que je représente pour elle. Lorsque j'ouvre les paupières, tout est blanc, si vide. Je suis debout, droit, et je peux bouger sans aucune contrainte. Je m'élance alors et l'horizon si blanc se déchire pour laisser place à un environnement incroyable : le mien. Au fil de ma course, les couleurs ont finies par remplacer le vide, je me suis évadé...
Mais maintenant ça y est, mon invention est prête! Toutefois, l'excitation que je ressentais jusqu'à présent s'est brutalement changée en peur et le doute prend place en m'attaquant avec de nombreuses questions. Je décide de ne pas me laisser déconcentrer et m'installe dans mon fauteuil après avoir branché mes électrodes une énième fois. Je ferme les yeux, je pense à ma mère et à l'extraterrestre que je représente pour elle. Lorsque j'ouvre les paupières, tout est blanc, si vide. Je suis debout, droit, et je peux bouger sans aucune contrainte. Je m'élance alors et l'horizon si blanc se déchire pour laisser place à un environnement incroyable : le mien. Au fil de ma course, les couleurs ont finies par remplacer le vide, je me suis évadé...