Dans un lointain clocher du pays des fantômes, brille dans la nuit une lueur écarlate.
- « Mon Hibou, mon cher Hibou, quelle est donc cette lumière?
- Mais... C'est mon feu !
- Et dites-moi, mon bel oiseau, pourquoi ce feu ?
- C'est pour repousser les fantômes de la nuit, dit le hibou.
- Qui sont les fantômes de la nuit ?
- Mais enfin ! dit le hibou, il n'y a pas de fantômes chez vous ?
- Mais non, mais non, mon cher Hibou !
- Comment ? Il n'y a vraiment pas de fantômes chez vous ?
- Non, Hibou. Sont-ils ennuyeux ?
- Oui, très.
- Que font-ils ?
- Vous n'êtes pas au courant ?
- Répondez-moi, mon cher, je répète : que font ces fantômes ?
- Ah ! Quelle bonne question ! Etes-vous prête à tout connaître sur les fantômes de la nuit ? Je suis un spécialiste de la nuit.
- Mais oui, bien sûr.
- Eh bien... Savez-vous que les fantômes de la nuit sont des créatures qui se nourrissent des pensées des gens ?
- Comment cela est-il possible ?
- Ma chère, vous devez savoir que la nuit, tout est possible. Je reprends : avant de dormir, nous avons beaucoup d'idées en tête, n'est-ce pas ?
- Mmoui, c'est vrai.
- Eh bien, les fantômes de la nuit vous aspirent les pensées. Ainsi, quand vous vous réveillez, vous ne pensez plus à rien.
- Quelle horreur ! Pour nous réconforter, voulez-vous que je vous récite un poème ?
- Euh, bien sûr, c'est sur quel thème ?
- La nuit.
- J'adore la nuit.
- Bon, parfait. Ah, au fait, j'oubliais, je m'appelle Maïa. Je commence :
La nuit est mon amie
J'aime la nuit
Cette nuit d'été est très douce, quelle aubaine »
Soudain, le hibou s'écria :
- « Des fantômes de la nuit, cachez vous, vite !
- Oh chic, des fantômes de la nuit, je vais enfin en voir !
- Mais non, c'est horrible, cachez vous, vite !
- Hein ? Ils sont dangereux ?
- Mais oui, je vous dis qu'ILS NOUS ASPIRENT LES PENSEES !
- Ah, oui, c'est vrai. »
Soudain, un des fantômes s'écria :
- « Ah ah ah, on t'a fait peur, Hiboui ? Mais c'est qui, elle ?
- Lula, Julio, Chouetti, c'est vous ? Quelle peur j'ai eu ! Je suis tellement content de vous voir, s'écria le hibou, qui apparemment s'appelait Hiboui. Je vous présente Maïa. Maïa est venue en apercevant la lumière de mon feu. Maïa, je te présente Lula (c'est celle qui a le chapeau à fleurs), Julio (avec la cravate), et Chouetti (avec ce joli bec brillant).
- Bonjour messieurs-dames, vous avez des costumes de fantômes très ressemblants. Mais qui sont les autres, derrière vous ?
- Les autres, quels autres ? »
Ils regardèrent derrière eux, et virent d'autres fantômes, bien plus convaincants, et ils comprirent qu'il s'agissait de vrais fantômes.
- « Euh, qui êtes-vous ? Vous êtes déguisés, vous aussi ? » demanda Hiboui tout tremblant.
Le fantôme le plus à droite fit un sourire inquiétant, et se tourna vers ses camarades :
- « Hmmm, cinq têtes pleines de pensées, rien que pour nous ! Hé hé ! Super ! »
Puis ils se jetèrent sur Hiboui, Maïa, Julio, Chouetti et Lula. Lula faillit s'évanouir de peur.
Cette nuit-là n'était finalement pas si douce, elle était même glaciale et Maïa, sur le point de se faire aspirer les pensées, commençait à regretter de s'être promenée ce soir-là.
Soudain elle se souvint que dans la poche de sa chaussette (Maïa portait des chaussettes à poches) elle avait une carte d'appel de la S.D.L.N., la Société De La Nuit. C'était des amis qui aidaient les gens en difficulté d'urgence en pleine nuit. Elle fouilla dans sa poche de chaussette. « Oh non ! J'ai oublié de la prendre ! » Désespérée, en explorant le fond de sa chaussette, Maïa ne se rendit pas compte qu'elle avait laissé tomber son tube de poudre d'endormissement, et ce tube était en verre. En tombant, le tube se brisa en faisant un bruit horrible.
Les fantômes se bouchèrent les oreilles. Maïa lut sur l'étiquette à moitié déchirée : « poudre pour endormir les fantômes ». Les fantômes respirèrent l'air poudré à pleins poumons. L'un deux dit : « je suis très fatigué ». Les autres dirent : « moi aussi, j'ai envie de dormir. Tu as raison, moi aussi ».
Une fois endormis, tous les fantômes avaient l'air bien gentils.
Hiboui, Lula, Chouetti et Julio avaient perdu quelques pensées lors de l'attaque des fantômes. Ils se remirent un peu de leurs émotions et filèrent s'abriter dans leur cachette secrète dans la charpente du clocher. Maïa peinait à les suivre, étant la seule à ne pas pouvoir voler. Tous cinq dormirent tranquilles jusqu'au lever du jour.
La nuit dernière avait été effrayante, et les beaux oiseaux nocturnes se promirent de toujours se munir de poudre d'endormissement lors de leurs escapades.
De son côté Maïa se dit que la prochaine fois qu'elle verrait une lueur écarlate dans un lointain clocher du pays des fantômes, elle irait lire un bon bouquin sous sa couette.