Nouvelles
4 min
Université Abdou Moumouni
«Les bonnes femmes sont soumises !»
Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre. De son vivant, elle passait son temps à attirer mon attention sur le fait que je devais apprendre à me faire discrète.
Etudiante en première année de droit et du haut de mes 18ans déjà, j'étais engagée auprès d'associations qui œuvraient dans la sensibilisation des jeunes sur leur santé sexuelle et reproductive. Mon autre occupation à part les études, c'était d'animer une chaine Youtube qui ne parlait que de féminisme. J'ai horreur de voir comment la société dans laquelle je vis enjoint les femmes au silence.
Je sais, vous me direz que j'en faisais trop pour une gamine de 18ans ; et je vous répondrai surement que les convictions n'ont pas d'âge.
J'aime parler de ce qui dérange et je n'ai pas de tabou.
Cela m'a valu plusieurs jugements et menaces de mon entourage. Tout le monde me conseillait d'avoir « un peu de pudeur » et d'arrêter de me comporter comme « une blanche ».
Je savais pourtant que mes activités permettaient d'améliorer la vie quotidienne de milliers de jeunes à travers le monde, pas seulement dans mon pays, grâce à internet.
Comme les tonnes de messages négatifs que je recevais, j'avais également beaucoup de retours positifs. La joie que je ressentais en m'apercevant de la valeur ajoutée que j'apportais m'empêchait de me laisser toucher par les commentaires négatifs.
Ma mère elle, avait plus peur de ce que les gens penseraient de moi. Ils diraient qu'elle ne m'a pas bien éduqué. Les hommes diraient que je ne suis pas une femme à marier. « La meilleure femme est celle qui est timide, celle qui écoute tête baissée, qui est soumise et ne contredit jamais. » me disait-elle.
« Étudie et gagne ton indépendance financière mais fais-toi plus discrète pour ne pas faire fuir les hommes.»
J'étais toujours choquée quand elle me sortait des affirmations comme cela. Mon père lui, pensait tout le contraire. Il était toujours à fond derrière mes idées et me poussait à faire plus. C'est lui qui m'inspire au quotidien, je crois avoir hérité ma forte personnalité de lui. Je me demande encore aujourd'hui comment ces deux-là s'étaient trouvés. De parfaits contraires.
En début de deuxième année, je rencontrais mon premier amour, un ingénieur en réseaux et télécommunications. Il me fit ressentir ce que je n'avais jamais ressenti pour un garçon auparavant.
De toute façon, je n'étais pas une fille comme toutes les autres. Mes cousines se moquaient souvent de moi du fait que je n'arrivais jamais à maintenir une relation amoureuse plus de deux mois. Mais comment leur expliquer que ce n'était pas une compétition quand toute leur vie elles ont considéré cela comme étant le but ultime. Je ne me fatigue pourtant jamais d'essayer.
Ma relation avec lui devenait très vite sérieuse et au bout de cinq mois déjà il voulait demander ma main. Bien évidemment, mon père n'était pas enchanté que je marie avant d'avoir fini mes études mais ma mère elle, était à fond. « Qu'il vienne. Il sera le bienvenu ! Je commençai à désespérer à ton sujet. Je pensais que je mourrais avant d'avoir vu mes petits-enfants.»
En y repensant, par ironie du sort, elle ne les verra pas.
La condition de mon père pour qu'il accepte d'accorder ma main était que je continue mes études dans mon foyer. Chose que mon fiancé accepta sans broncher. Il fit des promesses grandioses.
L'on célébra notre mariage en début du mois d'avril. On filait le parfait amour. Le couple du moment. « La féministe s'est enfin marié » disait-on. J'ai surement déçu ceux qui pensaient que les féministes détestaient les hommes.
Je passe ma vie à expliquer combien le féminisme est un mouvement noble et humaniste. Ce n'est en aucun cas une guerre contre les hommes, loin de là ! C'est plutôt un combat pour les Hommes ! L'on se bat contre des concepts et non contre les hommes ! Je suis contre le patriarcat, le sexisme et, je parle surtout pour délier les nœuds que nos cultures anciennes ont laissés dans les esprits de génération en génération. Je rêve juste d'un monde meilleur et celui-ci ne sera pas possible sans les femmes. Chimamanda Ngozi avait raison, nous devons tous êtres féministes, hommes comme femmes ! Si seulement tout le monde pouvait me comprendre...
Mon mariage allait bien jusqu'à ce que j'émette l'idée de faire mon inscription en troisième année. Mon mari ne voulait pas. Il avait proposé de me donner un salaire mensuel pour que je n'aie pas à « sortir laisser mon foyer ». Je n'arrivais pas à y croire. Toute ma vie a été axée sur la lutte contre ce genre d'absurdités et je me suis quand même retrouvée dedans. À quel moment de ma vie avais-je échoué ? Je pensais partager les mêmes idéaux que lui. Je souris encore en y repensant.
On dit que l'amour rend aveugle et, même si je ne suis pas du genre fleur bleue, celle-ci est bien vraie je l'avoue. L'on est trop impulsive et irraisonnable lorsque les sentiments nous prennent.
Si ma mère était là, elle m'aurait encouragé à accepter. « C'est cela le mariage ! » m'aurait-elle surement dit.
J'ai essayé, pour une fois, de te faire hommage en me faisant « discrète ». J'ai essayé d'être une « bonne femme » durant quatre longues années mais finalement, je n'ai pas réussi.
Je refuse de renoncer à mon bonheur, à ma vie, pour rentrer dans les codes de la société.
Maman, je ne suis peut-être pas celle que tu aurais voulu que je sois mais je sais que tu veux mon bonheur plus que tout. Et je suis là ! Plus heureuse que jamais.
Les coups de la vie n'ont pas réussi à m'intimider et, de là où tu es, je sais que tu es fière de moi.
Aujourd'hui je suis une femme divorcée avec un enfant, après quatre longues années qui m'ont paru une éternité.
J'ai repris mes études et je lance aujourd'hui mon association pour venir en aide aux femmes victimes de violences basées sur le genre.
Je suis divorcée mais ce n'est pas la fin du monde.
Je vais bien et je suis au plus haut de mon potentiel.
Rien ni personne ne m'arrêtera. J'aiderai à construire ce monde meilleur auquel je crois.
Et ne t'inquiètes pas, j'ai foi en l'amour. Je sais que mon âme-sœur est là quelque part et que l'univers finira par nous réunir.
En attendant, je vis. C'est le plus important.
Ton exceptionnelle fille.
Etudiante en première année de droit et du haut de mes 18ans déjà, j'étais engagée auprès d'associations qui œuvraient dans la sensibilisation des jeunes sur leur santé sexuelle et reproductive. Mon autre occupation à part les études, c'était d'animer une chaine Youtube qui ne parlait que de féminisme. J'ai horreur de voir comment la société dans laquelle je vis enjoint les femmes au silence.
Je sais, vous me direz que j'en faisais trop pour une gamine de 18ans ; et je vous répondrai surement que les convictions n'ont pas d'âge.
J'aime parler de ce qui dérange et je n'ai pas de tabou.
Cela m'a valu plusieurs jugements et menaces de mon entourage. Tout le monde me conseillait d'avoir « un peu de pudeur » et d'arrêter de me comporter comme « une blanche ».
Je savais pourtant que mes activités permettaient d'améliorer la vie quotidienne de milliers de jeunes à travers le monde, pas seulement dans mon pays, grâce à internet.
Comme les tonnes de messages négatifs que je recevais, j'avais également beaucoup de retours positifs. La joie que je ressentais en m'apercevant de la valeur ajoutée que j'apportais m'empêchait de me laisser toucher par les commentaires négatifs.
Ma mère elle, avait plus peur de ce que les gens penseraient de moi. Ils diraient qu'elle ne m'a pas bien éduqué. Les hommes diraient que je ne suis pas une femme à marier. « La meilleure femme est celle qui est timide, celle qui écoute tête baissée, qui est soumise et ne contredit jamais. » me disait-elle.
« Étudie et gagne ton indépendance financière mais fais-toi plus discrète pour ne pas faire fuir les hommes.»
J'étais toujours choquée quand elle me sortait des affirmations comme cela. Mon père lui, pensait tout le contraire. Il était toujours à fond derrière mes idées et me poussait à faire plus. C'est lui qui m'inspire au quotidien, je crois avoir hérité ma forte personnalité de lui. Je me demande encore aujourd'hui comment ces deux-là s'étaient trouvés. De parfaits contraires.
En début de deuxième année, je rencontrais mon premier amour, un ingénieur en réseaux et télécommunications. Il me fit ressentir ce que je n'avais jamais ressenti pour un garçon auparavant.
De toute façon, je n'étais pas une fille comme toutes les autres. Mes cousines se moquaient souvent de moi du fait que je n'arrivais jamais à maintenir une relation amoureuse plus de deux mois. Mais comment leur expliquer que ce n'était pas une compétition quand toute leur vie elles ont considéré cela comme étant le but ultime. Je ne me fatigue pourtant jamais d'essayer.
Ma relation avec lui devenait très vite sérieuse et au bout de cinq mois déjà il voulait demander ma main. Bien évidemment, mon père n'était pas enchanté que je marie avant d'avoir fini mes études mais ma mère elle, était à fond. « Qu'il vienne. Il sera le bienvenu ! Je commençai à désespérer à ton sujet. Je pensais que je mourrais avant d'avoir vu mes petits-enfants.»
En y repensant, par ironie du sort, elle ne les verra pas.
La condition de mon père pour qu'il accepte d'accorder ma main était que je continue mes études dans mon foyer. Chose que mon fiancé accepta sans broncher. Il fit des promesses grandioses.
L'on célébra notre mariage en début du mois d'avril. On filait le parfait amour. Le couple du moment. « La féministe s'est enfin marié » disait-on. J'ai surement déçu ceux qui pensaient que les féministes détestaient les hommes.
Je passe ma vie à expliquer combien le féminisme est un mouvement noble et humaniste. Ce n'est en aucun cas une guerre contre les hommes, loin de là ! C'est plutôt un combat pour les Hommes ! L'on se bat contre des concepts et non contre les hommes ! Je suis contre le patriarcat, le sexisme et, je parle surtout pour délier les nœuds que nos cultures anciennes ont laissés dans les esprits de génération en génération. Je rêve juste d'un monde meilleur et celui-ci ne sera pas possible sans les femmes. Chimamanda Ngozi avait raison, nous devons tous êtres féministes, hommes comme femmes ! Si seulement tout le monde pouvait me comprendre...
Mon mariage allait bien jusqu'à ce que j'émette l'idée de faire mon inscription en troisième année. Mon mari ne voulait pas. Il avait proposé de me donner un salaire mensuel pour que je n'aie pas à « sortir laisser mon foyer ». Je n'arrivais pas à y croire. Toute ma vie a été axée sur la lutte contre ce genre d'absurdités et je me suis quand même retrouvée dedans. À quel moment de ma vie avais-je échoué ? Je pensais partager les mêmes idéaux que lui. Je souris encore en y repensant.
On dit que l'amour rend aveugle et, même si je ne suis pas du genre fleur bleue, celle-ci est bien vraie je l'avoue. L'on est trop impulsive et irraisonnable lorsque les sentiments nous prennent.
Si ma mère était là, elle m'aurait encouragé à accepter. « C'est cela le mariage ! » m'aurait-elle surement dit.
J'ai essayé, pour une fois, de te faire hommage en me faisant « discrète ». J'ai essayé d'être une « bonne femme » durant quatre longues années mais finalement, je n'ai pas réussi.
Je refuse de renoncer à mon bonheur, à ma vie, pour rentrer dans les codes de la société.
Maman, je ne suis peut-être pas celle que tu aurais voulu que je sois mais je sais que tu veux mon bonheur plus que tout. Et je suis là ! Plus heureuse que jamais.
Les coups de la vie n'ont pas réussi à m'intimider et, de là où tu es, je sais que tu es fière de moi.
Aujourd'hui je suis une femme divorcée avec un enfant, après quatre longues années qui m'ont paru une éternité.
J'ai repris mes études et je lance aujourd'hui mon association pour venir en aide aux femmes victimes de violences basées sur le genre.
Je suis divorcée mais ce n'est pas la fin du monde.
Je vais bien et je suis au plus haut de mon potentiel.
Rien ni personne ne m'arrêtera. J'aiderai à construire ce monde meilleur auquel je crois.
Et ne t'inquiètes pas, j'ai foi en l'amour. Je sais que mon âme-sœur est là quelque part et que l'univers finira par nous réunir.
En attendant, je vis. C'est le plus important.
Ton exceptionnelle fille.